Interstellar overdrive

Au moins, elle ne l’avait pas vexée. Ça n’aurait pas été la première fois que son sang chaud et un peu d’alcool lui jouait des tours. Mais le prêtre semblait comprendre ses inquiétudes. Il lui expliqua en détail ce qu’était réellement les gris.

« - J’ai jamais fait de maintien de paix mais nous avions quelques colonie ou une présence militaire était nécessaire. Ce genre de méthode ne me surprend pas. »

Ça la rassurait même. C’était quelque chose qu’elle comprenait, même si ça lui faisait grincer des dents.

« - Prius, si je ne vous faisais pas confiance, nous n’aurions pas cette conversation et je ne me lancerais pas dans cette aventure. Mais comprenez-moi : Je vais mettre mon mari plus bas que terre et risquer notre avenir. Je n’aurai vraiment, mais alors vraiment, pas envie de me préoccuper de soucis de sécurité ou de susceptibilité des uns et des autres. »

Elle n’aurait aucun remords à laisser tomber l’expédition si elle sentait à un quelconque moment un danger. La santé de Zander, et accessoirement celle de Prius, primait sur tout le reste.

« - Je suppose que vous les préviendrez de notre arrivée. Rien n’empêchera donc que je m’entretienne avec mon homologue à notre arrivée en orbite. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, je sais me montrer raisonnable et ne suis pas une folle de la gâchette. Ça n’empêche que je ne m’aventurerai pas sur une planète inconnue, dans une situation potentiellement volatile, en minijupe et haut talon. »

L’image pouvait prêter à sourire mais son ton ferme beaucoup moins.

Prius hocha la tête. Il était vrai qu'il n'y avait pas que Zander dans cette histoire. Elle aussi y était plongée jusqu'au cou et il ferait mieux de tenir compte de ce qu'elle disait et des craintes qu'elle exprimait, sinon rien ne se ferait. L'appui et le soutien de la famille était toujours essentiels dans un processus de guérison.

« Je vous comprends. Je suis parfaitement conscient que vous risquez très gros dans tout ça. Et je ne m'engagerai pas là-dedans si j'étais pas sûr qu'il n'y ait pas des chances que cela puisse fonctionner. Elles sont déjà beaucoup plus grandes qu'il y a un an. » fit-il.

Il était même convaincu que cela pouvait marcher. Mais les inquiétudes exprimées par Nadja étaient tout aussi légitimes et il devait la rassurer elle aussi sur le fait qu'elle n'aurait à se préoccuper que de son mari et de rien autre.

« La situation de la planète est stable depuis plusieurs années et elle se remet lentement de la guerre. La reconstruction va bon train. Et il n'y aura pas de problème d'origine plus personnel non plus. Si le Gris doit virer les importuns à coups de pied aux fesses ou en les jetant dehors par la peau du cou, ou pire, ils le feront, quitte à leur interdire d'accéder purement et simplement aux lieux jusqu'au départ de Zander, mais personne ne devrait pouvoir arriver là où il se trouvera sans avoir au préalable traverser deux bâtiments avec des points de contrôle. Par ailleurs, les gens seront occupés par les cérémonies officielles dans la Capitale. Le Gris n'autorise pas ce genre de célébrations disons ostentatoires dans ses murs. Ils honorent les leurs de manière plus discrète et plus respectueuse. »

Il avait déjà plusieurs détails concernant les lieux proposés par les Bergers et il décida de les partager avec elle pour qu'elle puisse se faire une idée de comment les lieux se présentaient.

« Zander n'entrera pas par la grande porte, mais par derrière, si je puis dire. Il sera hébergée dans une zone dont l'accès en est réglementé et restreint, réservé aux seuls membres du personnel et aux famille. Elle se trouve à l'écart des ailes de soins qui sont accessibles au public. Le bâtiment en question est réservé pour aux patients qui ont besoin de repos et de se remettre, et je ne parle pas nécessairement uniquement sur le plan physique. Ils sont en attente pour être transférés dans l'un de nos deux monastères pour terminer leur convalescence, une fois la partie lourde de leur traitement terminé et le feu vert du Gris donné, d'où la présence de Bergers dans les lieux en plus de l'équipe médicale. Je dois y aller dans quelques semaines pour régler les derniers détails. Stella pourra se poser dans l'aire d'atterrissage qui se trouvant derrière le cimetière avec un accès direct au bâtiment et qui sert exclusivement aux navettes du Gris et des Bergers. »

Il voulait s'assurer que le pilote serait hébergé dans le meilleur cadre possible pour adoucir un peu l'épreuve qu'il allait traverser, en espérant que cela ne se retourne pas contre eux. Il en profiterait aussi pour soulever les questions de sécurité soulevées par Nadja pour voir quelles mesures concrètes pouvaient être prises.

« Nous allons l'emmener là-bas, mais j'aimerais que le choix de mettre le pied ou non sur la planète lui revienne. Je ne voudrais vraiment pas avoir à le faire descendre de force. Nous allons juste lui faire parcourir une partie du chemin, en espérant qu'il accepte de parcourir le reste lui-même avec notre aide... » soupira-t-il.

Mais il savait que le pilote risquait de leur forcer la main. Ils ne pourraient pas reculer une fois sur place.

Nadja écouta la suite avec attention. Il voulait la rassurer, ce dont elle lui était grée mais il ne pouvait pas parler au nom des Gris. Tout cela relevait donc de la conjecture, plus ou moins éclairée.

« - En terme d’objectif, ou pensez vous qu’il faudra l’emmener. La tombe de Leila ? Parce qu’on peut oublier les remises de médaille et autre distinction pour service rendu. Il n’en est pas encore la et n’y sera sans doute jamais. »

Il lui présenta ensuite une ébauche de plan, simple et pratique et elle approuva.

« - Pourrez-vous me faire parvenir un plan de la zone ? J’aimerai pouvoir l’étudier à l’avance. Et savoir qui contacter à notre arrivée. Une fois de plus, ce n’est pas que je ne vous fait pas confiance, mais dans ce domaine, j’aime faire les choses par moi même. »

Elle approuva de la tête la suite, s’étant plusieurs fois fait a même réflexion.

« - Nous pouvons lui montrer le chemin de la guérison et l’y accompagner s’il le souhaite, mais il faudra qu’il fasse le chemin de sa propre volonté. Non c’est pas de moi, un psy m’a sorti ça, un jour après qu’un de mes gars ai fait une crise de panique. »

Pour ce que ça lui avait rapporté, il était mort trois semaine plus tard.

Elle n’ajouta rien d’autre, estimant avoir tout dit. Cela faisait des mois que cette affaire couvait, il était temps de passer à l’action, pour le meilleur ou pour le pire.

Prius hocha la tête.

« Oui, la tombe. Je pense que le Gris apprécierait qu'il participe aussi à la cérémonie de recueillement qui aura lieu en sa mémoire. C'est quelque chose de très simple sans discours qui consiste à se recueillir en silence quelques instants et à éventuellement déposer des fleurs ou tout autre objet sur la tombe pour ceux qui le veulent. Sinon, il est possible d'aller au monastère des Bergers le plus proche. Tout dépendra de sa réaction initiale et de son état. » fit-il.

Il soupçonnait le Gris de vouloir organiser autre chose de plus personnel pour Zander et l'aider à faire son deuil, mais pour l'instant, il n'en savait pas plus. Il ne pouvait de toute façon guère les en empêcher, étant donné qu'ils seraient chez eux et qu'ils se montraient déjà extrêmement conciliants, car ils tenaient à voir revenir leur brebis égarée et à faire ce qui aurait dû être fait il y a dix ans.

« Je me renseignerai pour vous obtenir ces informations, mais je ne vous promets rien. » répondit-il aux dernières requêtes de Nadja.

« Et ce psy a parfaitement raison. Vous ne pouvez pas guérir quelqu'un qui ne veut pas l'être. Mais il faut parfois orienter les malades dans la bonne direction et les pousser un peu pour qu'ils s'engagent sur la voie. Quelques coups de pied aux fesses sont parfois même nécessaires. » conclut-il avec un sourire.

Zander arriva quelques minutes plus tard et ils partirent faire une promenade dans les bois avant le prêtre ne doive partir.

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Le lendemain, Zander salua chaudement sa mère et lui promit de revenir et de la tenir informer de leur situation à la fin de l'année. Cette dernière glissa discrètement quelque chose dans le sac de son fils, sans que personne ne s'en aperçoive, espérant que cela lui servirait un de ces jours.

Le pilote n'avait revu son père, qu'il tâcha d'oublier pour ne pas tout gâcher. Il avait fait son choix. Restait à savoir ce qu'il en serait la prochaine fois qu'il viendrait. Mais en attendant, il voulait surtout garder en tête le séjour à Serain et les autres excellents moments passés ici pendant ses vacances.

Quand ils montèrent à bord de Stella, Nadja eut la surprise de découvrir un espace de stockage conçue spécialement pour Emy. Zander sourit d'un air appréciateur au travail effectué par ses parents et partit faire le tour de toutes les modifications et améliorations avant le départ.

Au cours du voyage de retour, l'ex-marine eut également l'occasion de poursuivre en douceur son apprentissage du pilotage de Stella. Ils arrivèrent malgré tout à bon port, sans aucun incident à signaler.