Everybody hurts

Évidemment que cette cérémonie avait été de trop. Il n’avait manqué que l’hologramme grandeur nature pour parfaire le tout. Sans répondre partie rejoindre Zander inquiet de l’état dans lequel elle allait le retrouver.

Et ça n’était pas beau à voir. Dire que ce matin, elle avait pu faire quelques exercices avec lui. Au moins ne la repoussa-t-il pas. Il accepta la coquille de protection qu’elle lui offrait et essaya de mettre des mots sur ce qu’il ressentait.

« - Ce type est un empêcheur de s’amuser en rond, si tu veux mon avis, répondit-elle au sujet de Petrarque. Peut être y a t’il une piscine chauffée quelque part dans ce complexe ? »

Elle ne répondit pas sur ces envies de violence. C’était un démon qu’elle connaissait bien pour y avoir succombé plusieurs fois et n’avait jamais trouvé de véritable moyen de l’expliquer. Le connaître lui avait simplement permis de savoir quand s’arrêter pour ne pas être dangereuse pour son entourage.

Elle passa la main machinalement dans les cheveux du pilote quand il posa la tête sur ses genoux, surpris du mouvement, mais aussi soulagée de cette complicité retrouvée.

« - Ca devrait pouvoir se faire, répondit elle à son étonnante demande. Mais il faudra être plus de trois pour ça est du sens… Mais bon, j’ai pas mal discuté avec mes homologues locaux hier. Certains la connaissait, tu t’en doute. Si tu te sens prêt à te retrouver dans une salle avec une dizaine de personne, je pense que la soirée aurait vraiment du sens. Et tous le monde comprendra si on s’éclipse plus tôt, vu ton état. »

C’était même de son point de vue, une excellente idée. Et si le doyen avait quelque chose à y redire, il n’avait qu’a venir le lui dire en face… avec un protège dents.

Quand il se redressa et lui proposa d’aller marcher, elle lui sourit doucement et lui prit doucement la main.

« - Toujours, répondit-elle simplement. »

Zander ne put réprimer un sourire quand Nadja donna son opinion sur Pétrarque. Elle n'avait pas tort.

« Il est très à cheval sur les règles et prend le bien-être des patients très au sérieux. Et il n'a aucune patience avec les patients récalcitrants. Pour la piscine, si c'est le cas, je ne suis pas au courant. Il n'y en avait pas, il y a dix ans. » fit-il.

Il réfléchit concernant la fête, à défaut d'autre terme. Comme ce ne serait pas quelque chose d'officiel, l'ambiance serait certainement plus décontractée et les gens n'attendraient pas forcément trop de lui.

« Je crois que je pourrais le supporter. Ce ne sera pas tout à fait pareil que la cérémonie. Et ce n'est pas étonnant. Une bonne partie des forces de sécurité du Gris sont d'anciens soldats. Je ne serai pas surpris qu'il y en a un ou deux parmi eux que nous aurions sauvé ensemble. Et je te laisse organiser tout ça. Je te fais confiance là-dessus. » déclara-t-il.

Ils marchèrent une dizaine de minutes avant de faire demi-tour. Une fois rentrés, Zander alla s'effondrer dans le lit et s'endormit presque immédiatement tant il était éreinté.

*****

Il se réveilla en fin d'après-midi et commença par prendre une douche avant de devoir subir un autre examen médical. Pétrarque décida de ne pas lui remettre de perfusion et lui fit encore la morale sur la nécessité de bien s'hydrater, se nourrir et de se reposer. Le pilote ne souffla mot de la soirée prévue dans la salle des souvenirs, de peur que celui-ci n'y mette son veto et ne prenne des mesures pour empêcher sa tenue.

Après avoir mangé plus qu'il ne l'aurait voulu, il entra dans la salle et en fit une nouvelle fois le tour, lentement et un peu crispé, s'arrêtant devant certaines photos et objets et tâchant de se remémorer leur histoire. Lorsque les autres arrivèrent, il prit un verre et alla s'asseoir dans un canapé.

Il écouta les anecdotes des uns et des autres dont certaines impliquant Leïla ou eux deux ou simplement le Gris. Il ne s'était d'ailleurs pas trompé et deux des soldats présents avaient été évacués et sauvés par leur soin. Il rajoutait parfois quelques mots, mais dans l'ensemble, il se contenta d'écouter en silence, trinquant quand il le fallait. Personne ne lui demanda de raconter un souvenir en particulier.

Pétrarque fit irruption à un moment donné, le regard désapprobateur, avant de lever les yeux au ciel et de secouer la tête. Il vint cependant trinquer avec eux et partager la première mission qu'il leur avait confié et qui avait dégénéré en prise de bec entre les deux, avant de repartir. Il s'arrêta à côté de Prius et lui demanda de l'avertir lorsque Zander irait se coucher pour le remettre sous perfusion et éviter qu'il ne finisse déshydrater, ce qui ne l'aiderait pas à se rétablir complètement. Pétrarque soupira en se demandant si le Berger, assez éméché, l'appellerait vraiment et sortit. Il allait prendre d'autres dispositions, juste par précaution.

*****

Au bout d'un moment, Zander se leva et chipa une bouteille d'alcool et deux verres sur la table. Il s'agissait d'un alcool local à base d'un mélange de fruits acidulées et sucrés avec des herbes dont Leïla raffolait. Lui un peu moins, mais au moins celui-là ne le rendait pas malade, contrairement à l'autre. Il avait aussi récupéré un des bouquets de ses fleurs préférés et un collier, une simple chaîne avec une étoile en pierre bleutée, qui était dans la salle et qu'il lui avait offert à l'occasion de son anniversaire.

Il enfila son manteau puis s'éclipsa pour se diriger lentement vers la tombe de Leïla. Le ciel était parfaitement dégagé et les deux lunes brillaient parmi les étoiles. Il déposa le tout sur la pierre tombale avant de remplir deux verres, dont un qu'il posa à côté du bouquet. Il se tint là un moment cherchant quoi dire.

« À toi qui m'a fait découvrir ce que signifiait le dévouement et l’abnégation. À ton inlassable volonté d'aider et sauver les autres, envers et contre tout. » fit-il en levant son verre avant de le boire cul sec.

Il rejoignit Nadja qui se tenait un peu plus loin.

« Merci. » dit-il simplement.

« - Compte sur moi pour que ca soit différent, s’amusa Nadja. »

Ca allait lui demander un peu de travail pour organiser tout ça, mais elle était à peu près sure que Prius lui donnerait un coup de main et si elle avait bien jaugée le frère sergent hier, il ne serait pas en reste non plus.

Et elle ne s’était pas trompé. Prius fut au départ surpris par l’idée mais rapidement enthousiaste. Si son patient voulait participer à une veillée en compagnie de soldats ayant connue Leyla, il n’allait pas l’en empêcher. Il fit simplement promettre à Nadja de surveiller la consommation d’alcool de son mari ce qu’elle ne put qu’approuver. Il n’avait pas besoin de rajouter une crise de foie en plus de son virus.

Au final, une demi douzaine de soldat avaient connu Leyla et ils répondirent présent à l’appel. Le frère Sergent leur dégotta une salle de repos vide non loin de leur quartier ou ils pourraient faire le bruit qu’ils voudraient et Prius ramena d’on ne sait ou un fut de bière légère et moussue tout à fait acceptable.

Pour sa part, Nadja échangea avec le cuisiner pour qu’il leur fournisse de quoi grignoter contre quelques recettes terriennes se débrouilla pour que les services de sécurité ferment les yeux sur d’éventuels débordement due à une ébriété à venir.

Pour une soirée improvisée, tout se déroula étonnement bien. A croire que tous les militaires se ressemblaient. Elle écouta les histoires qu’ils se racontait sur Leyla et accompagna chaque toasts en cognant son verre sur la table ou en accompagnant les chansons qu’ils entonnaient.

Finalement Zander s’éclipsa avec deux verres et elle le suivit en essayant de se faire aussi petite que possible. Comme elle l’avait supposée, il se dirigea vers le cimetière et porta un toast à la défunte avec quelques mots qui fit naître un doux sourire sur les lèvres de l’ex marine.

« - De rien, lui répondit-elle. Je crois que c’est quelqu’un que j’aurai appréciée. Elle serait fière de toi aujourd’hui. Allez viens, rentrons avant qu’un de ces foutus prêtre ne vienne nous materner. »

Zander tituba et se raccrocha à Nadja avant de se mettre à rire.

« Ça, je sais pas si elle serait fière de moi. En tout cas, si elle me voyait maintenant, elle me ferait surtout la leçon sur le fait de consommer de l'alcool en étant malade et que cela n'aide pas du tout mon organisme à récupérer tout en m'avertissant que j'aurai une migraine d'enfer le lendemain qui me rendrait incapable de faire quoi que ce soit et que je devrais surtout pas venir me plaindre… »

Il regarda les étoiles quelques instants et écrasa les larmes qui perlaient au bord de ses yeux, tant de rire que de tristesse. Il aurait aimé l'emmener voir ce qu'il y avait au-delà de sa planète. La médecin avait dit que le jour où la guerre serait terminée, elle envisagerait peut-être d'accepter sa proposition… Mais c'était désormais trop tard et cela n'arriverait jamais.

« Je suis sûr que ce bon vieux Pétrarque a une armada de membres du personnel prêts à entrer en action pour s'occuper de tous ceux qui en auront besoin quand ils sortiront de cette salle… Tu sais qu'ils ne sont pas prêtres en vrai ? Par contre, je ne crois pas que je vais retourner avec les autres. J'ai atteint ma limite pour ce soir. »

Il la suivit d'un pas mal assuré jusqu'à l'appartement. Une fois à l'intérieur, il alla s'effondrer sur le lit.

« Tu restes avec moi cette nuit ? » murmura-t-il en l'attirant avant de sombrer.

Il ne réagit même pas quand un infirmier vint lui reposer une perfusion et lui administrer ses médicaments quelques minutes plus tard.

*****

Zander grommela tandis que Pétrarque l'examinait. Il s'était réveillé en début d'après-midi avec une migraine carabinée. Il avait eu le temps de prendre une douche et de manger l'intégralité de son plateau sans discuter avant que le doyen débarque s'occuper de son cas.

« - Tu t'attendais à quoi au juste ? Quand on abuse de l'alcool, il y a un prix à payer. Tu vas me faire le plaisir de reporter ton départ à demain, parce qu'il est hors de question que je te laisse partir comme ça. En tout cas, la bonne nouvelle, c'est que tu n'as plus de fièvre. Je t'ai refait une injection et tu en auras une autre encore ce soir. Et j'ai rajouté quelque chose pour ta tête et les autres effets indésirables. Tu devrais sentir les effets assez rapidement. Maintenant, va prendre l'air, ça te fera le plus grand bien, fit-il.
- Je suis obligé ? demanda-t-il sur un ton piteux.
- Oui, ordre du médecin. Ensuite, tu pourras retourner te coucher. Et n'oublie pas de boire, sinon je te remets sous perfusion. lui répéta-t-il pour la dixième fois au moins. Pas question que tu rechutes. Il faudra aussi que tu t'occupes de débarrasser la salle des souvenirs. Appelle-moi si tu as besoin d'aide, rajouta-t-il plus doucement et plus gentiment. Est-ce que quelqu'un d'autre a besoin de quelque chose pour le mal de tête ? lança-t-il à la ronde. »

Un grognement se fit entendre et une main se leva du côté du fauteuil dans lequel était avachi Prius. Le doyen secoua la tête.

« - Vous faites un beau prêtre, Berger…
- Notre doctrine ne nous interdit pas de profiter des bonnes choses de la vie. Plus sérieusement, on nous encourage à respecter, partager et vivre selon les us et les coutumes des communautés dans lesquelles nous nous trouvons. Cela nous permet de nous y intégrer plus facilement, répondit l'intéressé tandis qu'il avalait les comprimés tendus par l'assistant du doyen. »

Pétrarque le regarda l'air dubitatif, pensant que Prius aimait surtout déguster des alcools et faire la fête, ce qui en quoi il n'avait pas tout à fait tort. Il secoua la tête et finit par les laisser se remettre de leurs excès de la veille.

*****

Ils repartirent le lendemain dans la journée pour un voyage de retour de deux jours, qui contrairement à l'aller, serait direct. En effet, ils n'avaient pas besoin de faire de détour pour déposer Prius qui restait avec eux quelque temps pour garder un oeil sur Zander. Le Berger redoutait toujours un contrecoup violent de ce qu'il venait de vivre une fois rentré sur Terre. Mais mieux valait là que sur Hébrida ou que le pilote ne se mette à errer sans but dans la galaxie.

Zander n'avait pas seulement hérité des photos et autres objets de la salle des souvenirs, mais il avait également récupérer les effets personnels de Leïla et les siens qu'il avait abandonnés lors de son départ précipité. Il avait mis la main sur un fin bracelet orné deux feuilles d'une plante médicinale locale en émail vert, autre symbole du Gris porté principalement par le personnel auxiliaire n'ayant pas intégré l'organisation. Celui-ci était particulier, car les feuilles étaient constellées de petites étoiles indiquant la provenance de Zander et il lui avait été offert par Leïla lorsqu'il avait renouvelé son engagement à l'issu de sa première année. Tout le reste avait été stocké dans une caisse de la cale, le pilote n'étant pas encore prêt à remuer tout ça.

Le voyage fut calme. Zander était certes d'humeur morose avec quelques accès de tristesse et de pleurs, mais il restait tranquille et dormait encore une bonne partie du temps. Et le Berger n'aimait pas du tout ça.

*****

Deux jours après leur retour, Nadja recevait un message cryptique de la part du sergent Ethan Bourne lui demandant de venir le plus rapidement possible dans les quartiers de son époux.

Quand elle entra, Zander était en train de faire les cent pas. Un hématome était en train de se former sur sa pommette gauche. Ethan se tenait à côté de la porte, sur ses gardes, clairement posté là pour empêcher le propriétaire des lieux de sortir.

« - Chef. Désolé de vous appeler à l'improviste, mais votre mari a décidé d'être particulièrement imbuvable et susceptible. Je ne sais pas ce qu'il lui arrive, mais j'ai l'impression de le revoir tel qu'il était au début de l'année.
- Tu fais appel à des renforts ? Tu as peur de ne pas être capable de me maîtriser tout seul ? fit le pilote sur un ton hargneux.
- Vous voyez ce que je veux dire ? dit le sergent à Nadja. Tu t'es grandement amélioré sous la tutelle de ta femme, mais pas au point de pouvoir me battre. Surtout pas dans cet état d'esprit et quand tu ne fais absolument rien pour éviter les coups, rétorqua-t-il sur le ton de l'instructeur en train de rabrouer une recrue rebelle. Je vous le laisse. Si vous avez besoin d'aide pour le calmer, faites-moi signe, déclara-t-il à à l'ex-marine avant de sortir. »

Nadja rit avec Zander. Elle n’avait pas vraiment voulue dire ça mais ca fonctionnait aussi.

« - Vous ne devriez pas boire autant, bougonna-t-elle dans une imitation assez approximative de Petrarque. Je vais vous enchaîner au lit et vous mettre au pain sec et a l’eau pour les quinze années a venir. »

Ca faisait toujours du bien de se moquer de la hiérarchie… surtout avec un coup dans le nez. Elle le raccompagna dans leur quartier et se pelotonna contre lui pour la nuit. Cette proximité lui avait manqué. Elle n’aurait sans doute pas dit non à un câlin un peu plus poussé, mais le temps que sa main s’égare sur la poitrine du pilote, celui ci ronflait déjà.

*Ces mecs… *

Le lendemain fut un peu moins joyeux pour tous le monde mais elle put chasser les toxine d’alcool en courant une douzaine de kilomètre autour du campement et un bain de vapeur. En sortant, tout sourire de la salle de bain, elle tomba sur le doyen qui distribuait les remontrances et les froncement de sourcils, y compris à Prius qui semblait avoir bien profité de la soirée lui aussi.

« - Il faut bien remonter le moral de tous le monde, expliqua-t-elle en refusant un médicament. Vos petites natures n’ont juste pas l’habitude. On remet ça ce soir ? »

Elle s’enfuit en riant sous les regards noirs de l’ensemble des présent. Le frère sergent lui avait proposé de tester leurs armes hier soir. C’était une occasion à ne pas rater.




Le trajet retour fut tranquille. Si Zander n’avait pas retrouvé toute sa bonne humeur, il était calme et se reposait. Du point de vue de l’ex marine, cette mission était un succès. Mais la suite devait lui prouver qu’elle n’était décidément pas psychologue.

Quelques jours après leur retour, elle fut appelée en urgence sur la station par son homologue. Pas la peine d’erre voyant pour comprendre qu’il y avait eut un gros soucis. Et elle comprit en voyant l’état dans lequel il était. D’un sourire, elle remercia le sergent et resta seule avec lui, sans réellement savoir comment elle devait réagir.

« - Tu m’expliques ? Demanda-t-elle simplement en essayant de ne pas le regarder trop sévèrement. »

Dieu qu’elle avait envie de le secouer et de lui hurler dessus. Mais c’était exactement ce qu’il attendait, justement et elle ne lui ferait pas ce plaisir.

Lui expliquer ce qui était arrivé... C'était assez évident pourtant. Zander s'arrêta devant la fenêtre et prit quelques grandes respirations pour se calmer et refouler sa colère. Qu'est-ce qu'il aurait voulu continuer à se battre avec ces deux abrutis pour se défouler... Mais Ethan était intervenu, avec raison, avant que cela ne dégénère vraiment.

« J'ai craqué... Voilà ce qui est arrivé. Ça fait deux jours que j'essaie de prendre sur moi et rester calme. Quand ces deux andouilles sont venus chercher des embrouilles dans le gymnase alors que j'étais tranquillement dans mon coin à courir sur le tapis, j'ai résgi comme ils s'y attendaient. Je sais que c'est stupide, que j'aurais dû les ignorer et partir comme d'habitude, mais je n'ai pas pu... J'ai trop envie d'en découdre depuis plusieurs jours... » commença-t-il doucement.

Il était tout de même surpris d'avoir réussi à tenir aussi longtemps sans s'en prendre à personne. Cependant, il savait que cela se reproduirait, c'était inévitable. Il était incapable de résister à ce besoin de violence et de douleur si quelqu'un le lui offrait sur un plateau. C'était une sorte d'exutoire nécessaire.

« Je ne peux pas, Nadja... J'essaie, mais je n'y arrive vraiment pas... » constata-t-il, sur un ton de voix douloureux.

Il se retourna pour lui faire face et se laissa glisser au sol pour s'asseoir. Il était hors de question qu'il lui tourne le dos pour lui expliquer ce qu'il voulait.

« Je ne supporte pas d'être ici. Tout le monde n'arrête pas de me demander si je vais  bien au lieu de me laisser en paix. Dès que quelqu'un me fait une remarque, j'ai une envie irrépressible de lui coller mon poing dans la figure. Je suis incapable de me concentrer sur ce que je fais... Je ne peux pas continuer comme ça. Je ne peux pas travailler en ayant la tête ailleurs. Mon travail ne me le permet pas. Je mets en danger les patients, les autres et moi-même. Mais je ne supporte pas plus d'être enfermé sans rien d'autre à faire que tourner en rond et ressasser. » continua-t-il.

Il était frustré par tout ça, mais il refusait de se voiler la face encore une fois. Il ne pouvait pas faire comme si de rien n'était. Comme l'avait dit Ethan, il avait l'impression d'être revenu en arrière, sauf qu'il en avait pleinement conscience et qu'il lui fallait agir en conséquence pour éviter un désastre.

« Tant que nous étions sur Harlan ou sur Stella, ça allait, parce que nous étions seuls et qu'on me laissait relativement en paix. Mais ici, ça ne va pas du tout. Trop de gens n'arrêtent pas de m'observer en coin, attendent que je leur déballe ce qui m'arrive encore et encore ou que quelque chose se produise, peu importe quoi... je me sens complètement pris au piège et cela ne fait que renforcer ma colère. » poursuivit-il.

C'est ce qu'il avait compris après sa journée de travail la veille, en espérant que cela passerait, mais aujourd'hui avait été bien pire et il avait peur que cela ne se dégrade encore au fil des jours.

« J'ai besoin de m'éloigner d'ici, sinon je vais devenir fou ou sombrer à nouveau et blesser quelqu'un... ou moi. Comme la dernière fois. Et je ne veux pas retomber dans cette spirale, Nadja. J'ai besoin de temps pour faire la paix avec ce que vous m'avez fait affronter. Je sais que c'est égoïste de ma part, surtout avec ce que tu as fait pour moi là-bas, mais c'est quelque chose que moi seul peux faire, et je dois le faire à ma manière : sans responsabilité, sans stress, sans aucune pression, en étant tranquille dans mon coin et en allant à mon rythme... sinon, je n'y arriverai pas. » finit-il tout bas.

Il redoutait sa réaction. Il savait qu'elle ne comprendrait pas forcément ce besoin de solitude et qu'elle risquait de mal le prendre. Mais il n'y pouvait rien. C'était un risque qu'il devait prendre, comme elle l'avait fait en décidant de l'emmenant sur Harlan. Il était sûr que les choses iraient de mal en pis en restant sur la station et en niant ses problèmes, une fois de plus. Tout le monde allait s'inquiéter s'il se renfermait et s'isolait, alors que c'était précisément ce dont il avait besoin, du moins temporairement. Ils essaieraient tous de le faire sortir de sa coquille, de le faire parler et de lui remonter le moral. Il ne le supporterait pas et cela ne ferait qu'aggraver la situation et lui rendre les choses encore plus pénibles.

« Je ne sais pas de combien de temps j'ai besoin, mais je te promets une chose. Je reviendrai en décembre, quoi qu'il arrive, parce que toi et moi avons quelque chose de très important à faire à ce moment-là et que je ne manquerai ça pour rien au monde. » ajouta-t-il.

Nadja ne comprenait pas. Pourquoi se sentait-il si mal ? Il avait auparavant réussit à surmonter son problème avec la foule et imbéciles qui n’avaient rien de mieux à faire que de lui chercher des poux. Il aurait du en être capable à nouveau non ? Sinon à quoi pouvait bien servir le voyage vers Harlan ?

Quand il se retourna vers elle, son détecteur à catastrophes se mit à bipper. Il ne la trompait jamais. Il voulait partir. Il lai laissait tomber comme une vielle chaussette. Le reste de son discours se perdit dans brouhaha indistinct alors qu’elle essayait de repousser la vague de rage qui la submergeait.

L’armoire métallique prés d’elle en fit les frais. Un coup de poing titanesque traversa la porte et elle profita du point d’appuis sur une étagère derrière pour arracher le meuble du sol et l’envoyer s’écraser contre un mur.

« - Mais pourquoi faut-il que je sois toujours aussi conne ? POURQUOI ? Tu sais quoi ? Tire-toi, prend le temps que tu veux pour retrouver ce que tu crois chercher. Et prend pas la peine de revenir si tu le trouve pas, j’en ai juste plein le cul de ce psychodrame. Bon voyage ! »

Sans lui laisser le temps de dire quoi que ce soit, elle sortit en claquant la porte et ce n’est qu’une fois dans le couloir qu’elle se rendit compte que sa main était salement écorchée. N’ayant aucune envie de craquer sur la station, elle demanda à être rapatriée sur l’Achile et comme à son habitude, prit le chemin de l’infirmerie lorsqu’elle avait des problèmes.

Zander s'attendait à ce qu'elle le prenne mal, mais pas aussi mal que ça. Il resta pétrifié devant sa réaction et sentit un gouffre s'ouvrir sous ses pieds. Il ne voulait pas partir comme ça, pas en si mauvais termes. Il ne voulait pas tout perdre encore une fois. Il avait besoin de son soutien, de savoir qu'elle comprenait pourquoi et surtout, d'une raison de revenir ici. Sinon, à quoi bon ? Autant prendre toutes ses affaires et quitter la Terre pour de bon, car il ne supporterait plus de s'y trouver pendant un bon bout de temps.

« Non, Nadja, attends, s'il te plaît ! » lança-t-il, sur un ton désespéré.

Il se leva et traversa ses quartiers, enjambant l'armoire qui trônait désormais au milieu, mais lorsqu'il ouvrit la porte, elle avait déjà disparu. Il entrevit Ethan au bout du couloir qui le regarda étrangement. Il rentra précipitamment et se laissa glisser une nouvelle fois au sol, en larmes. Ça ne pouvait pas finir comme ça. Il devait la revoir et essayer de lui expliquer à nouveau pourquoi il devait partir. Sinon, ce serait la fin.

Stella finit par envoyer Prius. Il le trouva recroqueviller en train de sangloter dans un coin de ses quartiers qui ressemblait à un champ de bataille. Son ami faisait peine à voir.

« Zander ? Allez viens, lève-toi, tu ne peux pas rester comme ça… Allez, debout… Voilà. Viens avec moi. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? lui demanda-t-il en le remettant sur ses deux pieds sans qu'il n'offre la moindre résistance puis en le soutenant. Stella, tu peux nous ramener à bord, s'il te plaît ? »

L'IA s'exécuta sans un mot et le Berger fit asseoir le pilote sur la canapé avant d'aller faire chauffer de l'eau pour lui préparer une tisane. Il resta silencieux pendant qu'il s'affairait, laissant son ami se calmer.

« Zander, raconte-moi, s'il te plaît. » fit-il en lui tendant une tasse.

Le pilote finit par lui dire ce qu'il s'était passé et le prêtre eut un pincement au coeur. Il n'était pas surpris par la décision du pilote. Dans l'absolu, il était plutôt soulagé de cette volonté de faire une retraite pour affronter tranquillement les choses. Mais Nadja ne l'avait pas compris. Dans sa tête, le problème devait désormais être résolu, il devait donc aller mieux et pouvait reprendre le cours de sa vie normalement. Il retint un soupir et se demanda comment il allait bien pouvoir démêler ce sac de nœuds pour les aider tous les deux.

« Ça va aller, ne t'en fais pas… » fit-il en serrant le pilote dans ses bras qui s'était de nouveau mis à pleurer, effondré.

En tout cas, il l'espérait, car il n'était pas certain que son ami se remette de la perte de Nadja si cela se confirmait, surtout dans ces circonstances. Ce dernier finit par s'endormir roulé en boule sur le canapé. Le prêtre prit une couverture et la déposa sur lui, se demandant quoi faire. Il décida d'attendre de voir quelle serait son attitude à son réveil avant de faire quoi que ce soit. Les conséquences de la réaction de Nadja avaient un potentiel dévastateur pour le couple aussi bien que pour eux-mêmes, aussi préféra-t-il veiller sur le pilote, qui restait son patient dans cette histoire et pour lequel il recommençait à légèrement s'inquiéter.

Lorsque Jessie vit Nadja débarquer, il sut immédiatement qu'il devait appeler sa supérieure. Il intercepta Raf qui allait se charger de la militaire.

« - Non, je vais m'en occuper jusqu'à ce que le doc arrive. Allez l'appeler.
- Elle est de repos. Je peux m'en…
- Non. Lorsque le chef Cook est impliquée, vous appelez le Dr Teoh, peu importe l'heure, qu'elle soit de service ou non et où qu'elle se trouve. Ce sont ses instructions. Compris ?
- Compris… répondit-elle, dubitative.
- Chef Cook, le Dr Teoh va arriver. Si vous voulez bien vous installer ici en l'attendant… fit-il en lui désignant un lit. Vous voulez bien me laisser regarder ça ? »

Mei rentrait tout juste de quatre heures à crapahuter sur un sentier de randonnée dans les environs de Colorado Springs lorsqu'elle reçut l'appel du Dr Marianelli. Elle déposa son sac à dos et récupéra sa pochette de service puis se fit téléporter à bord sans prendre le temps de se changer. Elle débarqua donc en civil à l'infirmerie. Elle s'arrêta un instant et observa Nadja. Non, ça n'allait pas du tout et vu sa main, quelque chose en avait fait les frais. Et elle faisait visiblement un effort pour contrôler ses nerfs. Elle sourit à Jessie et à Fab et les remercia d'un mouvement de tête.

Elle enfila une paire de gants et relaya Jessie pour finir de nettoyer les écorchures de Nadja. Elle la banderait peut-être après lui avoir fait une radio et s'être assurée qu'elle n'avait pas plutôt besoin d'une attelle ou d'un plâtre.

« - Vous pouvez prévenir le radiologue ? demanda-t-elle à son infirmier en chef.
- C'est déjà fait, répondit l'intéressé, toujours aussi efficace.
- On va faire une radio pour s'assurer que tu n'as rien de cassé, mais en attendant, fini la boxe pendant quelques jours. Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Tu veux m'en parler ou tu préfères aller dans mon bureau ? fit-elle en travaillant. À moins que tu aies fini ton service, auquel cas nous pouvons même aller chez moi, une fois que nous aurons eu les résultats. Jessie ?
- La radio n'attend que le chef.
- Merci. Allez, viens. »

Elle guida Nadja jusqu'à l'appareil et laissa le technicien faire son travail. La paperasse attendrait un petit peu.

« Raf ? Vous pourrez m'envoyer les résultats en bas ? Merci ! » lança-t-elle lorsqu'elle vit l'Italienne opiner du chef. Puis elle sortit avec son amie pour descendre au niveau intermédiaire jusqu'à son bureau.

Nadja n’avait pas été aussi furieuse depuis très longtemps. La douleur lancinante dans sa main l’aidait à rester concentrer. IL ne fallait surtout pas s’en prendre à quelqu’un. Dans l’état ou elle était, elle ne pourrait se contrôler et risquait de tuer quelqu’un à la moindre contrariété.

Elle arriva fort heureusement sans encombre à l’infirmerie ou elle fut prise en charge par un infirmier qu’elle connaissait. Elle se laissa guider sans plus vraiment réagir vers un lit et tandis sa main quand il le lui demanda. Sa main droite, celle avec laquelle elle tirait… Pas malin ça !

Il nettoya les plaies le plus délicatement possible. Ça faisait mal mais pas autant que le pieu chauffé à blanc qui lui transperçait les entrailles. Nadja serrait les dents pour en pas ne craquer, pas tout de suite, pas en public. Elle avait déjà affronté ça, elle devrait pouvoir y faire face à nouveau non ?

L’arrivée du médecin chef la fit soupirer. Affronter le regard de son amie n’allait pas être simple. Elle tenta néanmoins de lui sourire mais cela tint plus de la grimace qu’autre chose et elle finit par rester murée dans son silence le plus longtemps possible.

« - Je te suis, lâcha Nadja finalement quand elle n’eut plus guère de choix. »

Si elle devait parler, autant el faire ailleurs qu’ici. La radio passa rapidement et ne lui occasionna que quelques douleurs supplémentaires sans grande importance. Finalement, elle se laissa guider vers le bureau de Mei ou celle-ci lui offrit un café.

« - Il s’en va, dit-elle d’une voix qui tremblait autant que sa main. Soi-disant pour ne pas devenir fou à cause du regard des autres… C’est des conneries ! Les bracelets n’ont plus d’effets et il prend la tangente, c’est tout. Pas comme si c’était la première fois que je me fais mener par le bout du nez. Est-ce que je pourrai pas avoir droit, une fois dans ma vie, à une relation qui se finit pas par un mort ou un poignard dans le dos ? Juste une fois. »

Elle reposa la tasse sur le bureau avant de la briser et se blesser l’autre main. Non, elle ne pleurerait pas se promit-elle. Pas encore une fois !

Mei fut surprise de la violence de la réaction de Nadja face à la situation. Elle l'avait vu rester silencieuse pendant tout l'examen tout en bouillant intérieurement. Mais que s'était-il donc passé pendant ces dix jours de vacances pour que le couple atteigne ce point ? Tant qu'elle n'en saurait pas plus, elle ne pouvait rien lui dire.

« D'accord... Je crois qu'on va arrêter le café tout de suite et éviter de te donner quoi que ce soit qui se casse. C'est de litres de camomille dont tu as besoin. Respire un grand coup et calme-toi un peu, s'il te plaît. Et montre-moi ça... » fit-elle en lui prenant la main gauche pour évaluer les dégâts sans vraiment lui laisser le choix.

« Félicitations, tu vas avoir droit à des points de suture... une fois que j'aurais enlever les morceaux. » fit-elle.

Elle appela Jessie pour qu'il apporte le nécessaire et de quoi nettoyer les dégâts. Il lui communiqua en même temps le résultat des radios qui ne montraient aucun signe de fracture, ce qui était une bonne nouvelle. Une fois que celui-ci fut reparti après avoir fait le ménage, elle s'occupa de la deuxième main blessée de Nadja.

« Comment en êtes-vous arrivés là ? Que s'est-il passé ? Raconte-moi ça depuis le début. Et dans l'ordre, je te prie. » fit-elle.

Elle l'écouta tout en faisant les points. Elle aurait eu beaucoup de choses à dire à propos de ce que la chef de la sécurité avait fait à son mari. Les intentions étaient certes louables, la méthode, pas du tout. Au moins n'avait-elle pas fait ça toute seule, mais avec un médecin, et même plusieurs ainsi qu'un hôpital à proximité, pour surveiller les choses et intervenir. Sinon les choses auraient pu prendre une tournure dramatique et finir beaucoup plus mal.

Elle aurait d'ailleurs aussi deux mots à dire à Prius sur le sujet. Enfin, si elle arrivait à mettre la main sur l'insaisissable prêtre. Elle trouvait cet homme pour le moins... intriguant.

Ce qui lui sauta aux yeux à la fin du récit, c'est que son amie s'était totalement méprise sur les intentions de son époux. Tout ceci n'était que la conséquence de ce qu'elle avait elle-même enclenché, même si elle ne le voyait pas. C'était la première chose qu'elle allait devoir lui dire et lui faire comprendre.

« Nadja, il n'est pas en train de fuir. Il fait exactement ce que tu voulais qu'il fasse en l'emmenant sur cette planète : son deuil, mais à sa façon. » commença-t-elle d'une voix posée.

L'ex-marine était sans aucun doute un excellent soldat, mais niveau relations interpersonnelles, c'était une toute autre histoire...

Elle poursuivit toujours sur le même ton. Son but n'était pas de lui faire la leçon sur sa réaction excessive et impulsive, mais de l'obliger à prendre un peu de recul pour réfléchir à la situation plus calmement.

« Comment imaginais-tu que cela allait se passer au juste ? Qu'il lui suffirait d'aller sur sa tombe et de pleurer une ou deux fois pour que son problème soit résolu ? Désolée de te décevoir, mais ça ne marche pas du tout comme ça. Tout le monde ne réagit pas de la même façon face à la mort d'un être cher, surtout pas lorsqu'elle survient dans de telles conditions, et ne gère pas les choses de la même manière. Cela demande généralement plus de quelques jours pour s'en remettre. Et certains ne s'en remettent même jamais complètement, lui expliqua-t-elle.
Contrairement à toi, il n'est pas soldat et il n'a pas été confronté à la mort autant que toi ni dans les mêmes circonstances. C'est malheureux à dire, mais tu as enterré bien plus de gens que lui et tu as appris à gérer à ta manière ce type de mort violente. Pas lui, lui fit-elle remarquer.
Il s'est débrouillé tout seul comme il le pouvait pour faire face à cette tragédie et a enfoui ça pendant très longtemps. Pas la meilleure ni la plus saine des choses à faire, je te l'accorde. Et cela a provoqué une profonde dépression, dont il ne s'est toujours pas vraiment remis, ce que personne ne semble avoir remarqué. Un traumatisme psychologique de cette ampleur ne se solutionne pas en deux jours, Nadja. Il va lui falloir plus de temps que ça, termina-t-elle. »

En réalité, cela aurait nécessité une prise en charge spécialisée. Si ça ne tenait qu'à elle, elle l'enverrait voir le Dr de Bressignac sur-le-champs pour le soumettre à une évaluation complète. Elle se demandait d'ailleurs si celui-ci s'était rendu compte que le pilote lui avait caché quelque chose et de son état réel, s'il ne lui avait pas parlé de cet épisode lors de ses sessions. Cependant, une telle démarche serait probablement contre-productive si cela se faisait contre son gré et s'il refusait d'en parlait. Surtout, cela ne relevait de son autorité, Zander n'étant pas l'un de ses patients. Elle ne pourrait que très fortement suggérer à Nadja d'encourager son mari à y retourner de lui-même.

« Et pourquoi trouves-tu si impensable qu'il veuille s'isoler pour se remettre de la mort de son ancienne compagne ? C'est un moyen comme un autre de faire son deuil. Certains ressentent le besoin de se couper du reste du monde dans ce genre de situation. Cela n'a rien d'extraordinaire ni à cette époque ni sur Terre. Mais ça ne signifie pas pour autant qu'il te quitte et qu'il ne reviendra pas. D'ailleurs, t'a-t-il dit que c'était fini entre vous ? » lui demanda-t-elle.

Ou n'avait-elle entendu que ce qu'elle redoutait par-dessus tout d'entendre depuis le début de cette étrange relation ?

Honteuse d’avoir perdue son sang-froid, Nadja se laissa soigner sans dire un mot. Elle avait l’air franchement ridicule avec ses morceaux de porcelaine planté dans la main mais elle ne pouvait s’en prendre qu’a elle-même et son caractère de cochon.

Elle raconta son histoire d’une voix morne, presque détachée. Qu’y avait-il à rajouter de toute façon ?

« - Merci, murmura-t-elle une fois les points posés. »

Ça lui ferait une cicatrice de plus. Et pas seulement physique. Du coup, elle ne savait plus trop quo i dire ni faire et elle envisageait de se lever lorsque le médecin la cloua sur place avec une phrase à laquelle elle ne s’attendait pas du tout.

« - Et comment peux-tu savoir ça ? aboya-t-elle d’un ton un peu trop hargneux à son gout. »

La suite fut assez difficile à entendre, bien que pétris de bon sens et de vérités. Elle avait perdu tellement de soldats, d’amis, d’amants… même un premier mari.

« - Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un assaut suicide pour se changer les idées, je te l’accorde, grinça-t-elle vertement. »

*Souffle un grand coup Nadja laisse passer. Elle essaye de t’aider, la… *

Pour éviter de s’en prendre encore au mobilier, l’ex marine inspira lentement puis expira à plusieurs reprise, les yeux fermés, la tête posée sur le bout de ses doigts tendus. Elle n’avait jamais été une adepte de la relaxation mais la pratiquait à l’occasion, comme aujourd’hui.

« - Non, il ne me l’a pas dit, pas comme ça en tout cas. Mais je ne suis pas naïve. Je savais bien que ce jour arriérerait. Je me suis juste bercée d’illusion, encore une fois. Je t’avais dit, ici même que j’essayais de prendre les choses au jour le jour. Mais voilà, je me suis quand même faite prendre au piège. Je sais pas comment ça se passe ici, mais la d’où je viens, quand un mec te dis qu’il veut prendre du champ, c’est pas trop la peine de réfléchir. Et puis bon, on est juste au moment où les bracelets ne font plus effet. Pratique non ? »

Elle s’était relevée sans vraiment s’en apercevoir et faisait les cent pas en gesticulant. Finalement, elle s’arrêta alors qu’une idée commençait à se frayer un chemin difficile dans son cerveau embrumé.

« - Tu… tu crois que j’ai merdé ? demanda-t-elle d’un ton presque désespéré.»

Comment pouvait-elle le savoir ? Bonne question, se dit Mei. Elle ne pouvait pas en être certaine à cent pour cent. Le comportement des gens était souvent imprévisible. Elle pouvait se tromper, mais elle en doutait. Sinon, c'était leur propre relation qui risquait d'en prendre un coup.

« Ses propos, les circonstances et mon expérience me laissent à penser qu'il fait partie de ces personnes qui ont un besoin vital de s'isoler afin de réfléchir et d'y voir plus clair lorsqu'elles ont des problèmes. C'est peut-être juste la première fois qu'il l'exprime aussi clairement, parce que pour gérer la situation, il va devoir s'éloigner plus longtemps et plus loin pour vraiment être tranquille, pas juste cinq minutes en allant faire un tour tout seul. Est-ce que je me trompe ? » lui répondit-elle, ne mentionnant pas que son intuition entrait aussi en jeu.

Elle la laissa se calmer tranquillement sans intervenir et l'écouta vider son sac. La phrase avait bien cette signification ici aussi, mais encore une fois, tout dépendait du contexte. Rien dans leur couple ne laissait prévoir une telle séparation aussi brutale. Ils avaient même l'air, contre toute attente, d'être heureux et épanouis. Cependant, avec le coup qu'elle venait de lui faire, elle devait admettre que cette possibilité ne devait pas être totalement exclue, aussi improbable que cela puisse lui paraître.

« Justement. Tu ne crois pas que tu as peut-être sauté un peu vite à cette conclusion tant tu es persuadée depuis le départ que cette relation est vouée à l'échec ? Et qu'est-ce qu'il te fait croire qu'il ne veut plus de toi ? Penses-tu vraiment qu'il te quitterait en douce sans te le dire en face ? Ne crois-tu pas qu'avec ce qu'il traverse en ce moment, tu pourrais au moins lui accorder le bénéfice du doute ? » lui demanda-t-elle.

Elle crut qu'elle allait partir, mais non. Elle lui posa une dernière question qui lui montra qu'elle avait atteint son objectif.

« Non, je ne le crois pas. Votre couple est plus solide que tu ne le penses, même sans les bracelets. Mais il y a des hauts, des bas et des malentendus dans toute relation. Et cela ne peut se résoudre que par le dialogue. Tu dois aller lui parler. Vous devez mettre les choses au clair tous les deux avant qu'il parte. Et comme ça, tu en auras le cœur net. » lui dit-elle sur un ton rassurant.

Oui, il aimait sa solitude et elle l’avait déjà vu s’isoler pour respire. Mais il ne l’avait jamais explicitement repoussé comme aujourd’hui.
Nadja finit par se rassoir lourdement dans le fauteuil, les jambes coupées par des émotions contradictoires qui se percutaient sans cesse.

« - Je sais pas, je sais plus… Je comprend plus rien. Merde, t’aurais pas pu me dire : t’as raison c’est qu’un con, viens on va se saouler pour oublier ? Ça au moins, je connais. »

Elle avait beau râler en apparence, un petit sourire s’était dessiné sur ses lèvres.
« - Bon je suppose qu’il faut que j’aille m’excuser, c’est ça ? Putain j’espère que t’as raison sinon je vais vraiment me couvrir de ridicule."

C’était terrifiant de comprendre que ces propres doutes et peurs avaient pu la conduire dans cette situation ridicule. Enfin si Mei avait raison bien entendu. Si c’était le cas, elle allait lui devoir une fière chandelle… encore.

Elle se leva à nouveaux et fit craquer ces cervicales, bien plus nerveuse qu’elle n’aurait voulue se l’avouer.

« - C’est normal que j’ai l’impression d’être au lycée pour mon premier rendez-vous ? Et non, ca je te le raconterais pas, je veux garder un minimum de dignité. »

Quand il fait y aller… Nadja remercia son amie d’une étreinte rapide puis sorti et contacta Stella pour lui demander de la ramener à bord. UN flash plus tard, elle apparaissait face à un Prius qui n’avait vraiment pas l’air content.

Le désarroi de Nadja était palpable. Mais Mei ne pouvait rien faire de plus pour son amie. Le reste dépendait d'elle et de son pilote de mari. Elle espérait vraiment qu'ils se réconcilieraient avant le départ de ce dernier. Dans tous les cas, les jours qui suivraient n'allaient pas être drôles pour qui que ce soit.

« Personne n'a jamais prétendu que les relations entre personnes, et encore moins dans un couple, était quelque chose de facile à comprendre et de rose en permanence. Il y aura probablement d'autres moments comme celui-là, tu sais. Je suis consciente que la diplomatie n'est pas ton fort, mais parfois, mieux vaut se replier le temps que tout le monde se calme que de tenir des propos que les deux vont regretter par la suite et qui peuvent être lourds de conséquence, puis de reprendre la discussion de manière posée. La colère et l'impulsivité sont très mauvaises conseillères dans ces cas-là... Et il ne suffit pas que de parler, il faut aussi écouter ce que l'autre a à dire. » lui fit-elle remarquer.

Elle trouvait franchement ironique de donner des conseils conjugaux à Nadja qui avait beaucoup plus d'expérience sur la question qu'elle-même. Elle finit par sourire.

« Et le jour où ce sera nécessaire, je te le proposerai. Mais j'espère bien n'avoir jamais à le faire. Puis on peut toujours aller boire un verre, ou plusieurs, ça n'empêche pas. L'autre grand classique dans ces cas-là, c'est manger de la glace devant un film à l'eau rose qui te servira de prétexte pour pleurer, parce que l'histoire est trop émouvante. »

Elle hocha la tête quand la chef de la sécurité parla d'aller s'excuser.

« Oui, ce serait bien. Sinon, plus tu attends, plus les choses risquent d'empirer et il pourrait ensuite être difficile de recoller les morceaux. Et ce serait franchement dommage, non ? À moins que ce soit ce que tu veuilles, évidemment. »

Un autre sourire s'étira sur ses lèvres en entendant Nadja dire qu'elle était nerveuse à l'idée d'aller retrouver son mari. Il y avait un peu de quoi, vu ce qu'il venait de se passer.

« Oui, c'est tout à fait normal. Et je suis patiente. Je suis sûre qu'avec le bon nombre de verres, j'arriverai à te tirer les vers du nez sur le sujet, maintenant que je sais qu'il y a une histoire intéressante à déterrer. » dit-elle.

Elle était toujours aussi surprise par les marques d'affectation de l'ex-marine. Elle la regarda partir et secoua la tête avant de ranger le bureau et de retourner à l'infirmerie, en se demandant comment tout cela allait se terminer et espérant une conclusion heureuse.

En temps normal, Nadja aurait appréciée le cote mère poule de Prius. Mais pas aujourd’hui. Vraiment pas. Elle avança d’un pas pour dominer de toute sa taille et sa carrure le prêtre et le regarda dans les yeux.

« - J’adorerai que vous essayez de m’en empêcher, gronda-t-elle. »

S’en prendre à des civils n’était pas dans ses habitudes, loin de la, même à cran comme aujourd’hui. Mais s’il fallait écarter un gêneur pour arriver à son mari, elle n’aurait pas le moindre scrupule à le faire.

« - Quand a ce qu’il m’a pris, c’est lui qui m’a annoncé son départ tout de go. Non, je n’ai pas bien réagit, je n’ai même sans doute pas écouté tout ce qu’il avait à dire. Le sujet de l’abandon est très sensible chez moi, je crois vous en avoir assez dit pour que vous compreniez pourquoi. Je suis venu ici pour tirer les choses au clair, m’excuser et tenter de réparer ce que je peux. »

Au moins, son plan de bataille était clair. L’exposer ainsi lui avait permis de l’affirmer dans sa tête et se donner une contenance. Elle observa le prêtre sans bouger, lui donnant quelques instant pour réfléchir et se pousser. Il n’était cependant pas dans ses habitudes de se répéter et s’il ne le faisait pas, elle l’écarterait d’une tacon ou d’une autre.

Si, comme elle le supposait, Zander dormait ou ne voulait pas la voir immédiatement, elle attendrait dans le salon,debout, raide comme un I.

L'échange entre Prius et Stella réveillèrent le pilote qui dormait d'un sommeil léger. Il se leva dans l'intention d'aller voir ce que Nadja avait à dire. Mais les propos échangés entre Nadja et le prêtre le piquèrent au vif.

Il serra les poings. Ne pouvaient-ils donc pas juste le laisser en paix cinq minutes ? Il n'avait pas besoin d'être couvé et protégé de la sorte. Il était blessé par leur attitude à tous les deux. Là, tout de suite, il avait juste besoin d'être seul un moment, mais vraiment tout seul. Tant pis pour leurs égos ou ce qu'ils voulaient faire ou entendaient faire pour son propre bien. Il subissait leur volonté depuis 10 jours et il en avait marre. Il était peut-être temps de leur rappeler qui était le maître à bord.

Il descendit dans la cale, les toisant d'un regard chargé de colère.

« Vous commencez sérieusement à m'agacer tous les deux. Si vous voulez en découdre, vous allez devoir faire ça ailleurs ! Et pour votre information, pour l'instant, je ne veux voir absolument personne et encore moins discuter ! Stella, exécution ! » fit-il.

Stella obéit et envoya Nadja dans leur maison sur Terre et Prius dans ses quartiers sur le JPS, comme il le lui avait demandé avant de les interrompre.

« Conformément aux instructions de Zander, vous avez été séparé et envoyé ailleurs. Vous n'aurez pas droit de cité à bord tant qu'il n'aura pas décidé du contraire. Je ne peux donc pas vous téléportez jusqu'à nouvel ordre, mais vous ne pouvez pas nous plus vous y faire téléporter. Et pas la peine d'essayer de le contacter pour le moment, il refusera de prendre vos appels. C'est lui qui vous contactera quand il sera prêt. » leur expliqua l'IA.

Sur le vaisseau, Zander ferma les yeux et expira profondément profitant du silence soudain. Enfin seul… Il décida d'en profiter un peu et fit quelques exercices de relaxation et quelques katas au son du roulement des vagues. Un peu plus calme, il remonta manger un morceau puis retourna se coucher. Il n'était pas décidé à adresser la parole à quiconque dans l'immédiat, mais il irait voir Nadja plus tard, à supposer que celle-ci veuille toujours lui parler.

*****

Prius ne bougea pas d'un iota, nullement impressionné par Nadja.

« Vous pourriez avoir des surprises. » répondit-il avec aplomb à la menace.

Il l'écouta jusqu'au bout. Au moins, elle admettait avoir commis une erreur et souhaitait réparer les dégâts. Alors qu'il s'apprêtait à lui répondre et à la laisser passer, il fut coupé par Zander qui ne leur laissa pas le temps de réagir et les jeta dehors tout simplement dehors.

Il se retrouva soudain dans les quartiers désordonnée du pilote sur la station. Il soupira en entendant les explications de Stella. Lui aussi semblait avoir oublié que le besoin de solitude de son ami le concernait aussi et ce dernier venait de le lui rappeler assez brutalement. Mais d'un autre côté, il est presque content de le voir se rebiffer un peu. Il secoua la tête et se dit que tant qu'à être ici, il pouvait tout aussi bien ranger les lieux en attendant le bon vouloir du pilote. Après, eh bien, il aviserait.

Surprise de la résistance du prêtre, Nadja étrécis les yeux. Était-il assez inconscient pour s’opposer physiquement à elle ? Après tout pourquoi pas ? Il se promenait dans la galaxie depuis de nombreuses années, il était logique qu’il ait appris à se défendre. Mais cela voulait dire que si elle voulait forcer le passage elle risquait de devoir vraiment faire mal, ce dont elle n’avait pas réellement envie. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, même si ce sont des œufs de prêtre.

L’intervention de Zander fut opportune, même si le voir ainsi affligé lui fit mal au cœur. Elle se détestait d’avoir ainsi perdu les pédales et aurait aimé avoir le temps de s’excuser mais il fut plus expéditif que prévu.

« - Zander atteeennnn ahhh bordel de m... »

La flopée de jurons qui suivit aurait fait pâlir une poissonnière. Au milieu du salon, elle écouta d’une oreille les explications de Stella avant de s’effondrer dans un fauteuil.

Puis d’envoyer le dit fauteuil contre le mur.

*Arrête de t’en prendre au mobilier, Nadja, il n’y est pour rien. *

Et il y avait d’autres solutions pour se passer les nerfs. Quelques minutes plus tard, elle était dans la piscine à enchaîner les longueurs avec la régularité d’un métronome. Quand ses bras et ses jambes n’en purent finalement plus, elle retourna dans la maison, se doucha et s’effondra dans le canapé. Son corps épuisé ne la laissa pas retenir ses émotions plus longtemps et elle sanglota un long moment avant de finalement sombrer dans le sommeil.

Profitant de cette faiblesse, des souvenirs oubliés l’assaillirent immédiatement pour la faire hurler dans son sommeil. Elle se voyait sans cesse mourir au main d’un créature informes et monstrueuses au détour de couloirs labyrinthique. Puis son corps se régénérait et elle se remettait à courir, pour mourir encore… et encore… et encore.

Zander dormit profondément mais se réveilla en sursaut, en proie à son cauchemar habituel. Vu l'heure, il aurait dû rester se coucher et se rendormir, mais il n'avait plus sommeil. Il avait au contraire besoin de bouger et de faire quelque chose. Il fit donc le ménage à bord, s'occupa de deux ou trois autres choses puis alla prendre une douche. Il regarda l'heure et soupira. Il avait encore du temps à tuer. Beaucoup trop… Et étant dans son vaisseau, il ne pouvait pas faire grand-chose de plus à part regarder des films ou étudier.

La solitude qu'il avait appelée plus tôt lui pesa soudain et il sentit une vague de tristesse soudaine monter. Il se laissa tomber dans le canapé et se prit la tête entre les mains. Il eut brusquement envie d'avoir de la compagnie pour éviter de sombrer une nouvelle fois ou de pouvoir sortir se dégourdir les jambes.

La station ne suffirait pas pour ça. Et puis il avait l'intention de laisser mariner Prius jusqu'au matin. Le prêtre était assez doué pour se débrouiller tout seul et puis il était connu sur la station qui était au courant de sa présence, donc il s'en sortirait sans problème.

Il restait la Terre et Nadja… Il devait aller la voir pour comprendre sa réaction lorsqu'il lui avait annoncé qu'il voulait partir et parce qu'elle était justement revenue pour s'expliquer. Il devait donc lui laisser sa chance. Mais était-ce une bonne idée de débarquer au milieu de la nuit ? Au pire, il pouvait toujours aller se dégourdir les jambes un moment avant de la réveiller à une heure plus décente, voir même lui préparer un petit déjeuner. Oui, cela lui semblait être un bon plan.

Il se fit téléporter dans le salon. Il était là depuis à peine quelques secondes quand il entendit son hurlement qui lui fit froid dans le dos. Mais que se passait-il ? Il monta les marches quatre à quatre sans réfléchir et entra dans la chambre. Il s'approcha lentement du lit dans lequel elle était en train de se débattre.

« Nadja ? » l'appela-t-il pour essayer de la sortir de son cauchemar.

Il profita d'une accalmie dans son agitation pour aller la prendre dans ses bras et prier pour qu'elle ne réagisse pas trop violemment à son contact.

« Hé, du calme, tout va bien, tu es en sécurité… » fit-il doucement.

Violemment arraché à cauchemar, totalement désorienté, l’ex marine aurait basculée en avant s’il ne l’avait pas rattrapé. Sa poitrine lui faisait toujours mal comme si un projectile s’y était fiché. Non elle revoyait encore la pointe noire la traversant de part en part. L’image était figée avec un luxe de détails sanglants qu’elle aurait préféré ne pas imaginer.

Mais ce n’était qu’un cauchemar, pas vrai. Seul le goût de sang dans sa bouche était réel. Et les bras de Zander qui la serrait était le meilleur des remèdes. Elle le serra en retour un long moment, en silence. Finalement, elle se détacha a regret de lui et s’essuya la bouche pour constater qu’elle était effectivement pleine de sang.

« - Excuse moi un instant. »

Comme s’il allait disparaître… Calme tes angoisses, bordel !

Après s’être rincé la bouche et passé de l’eau sur le visage à la salle de bain, elle revint s’asseoir et remonta la couverture sur ses jambes. Elle était épuisée, vidée. La douleur n’avait pas disparue, juste atténuée pour n’être plus qu’un écho désagréable.

« - Je fais jamais rien à moitié, tenta-t-elle de plaisanter. Écoute, je suis désolée pour tout à l’heure… J’ai pas géré. Tu connais l’importance qu’a pour moi la famille. Quand tu m’a dis que tu partais, j’ai juste entendu mes propres démons, pas tes explications. Et j’ai réagit de la seule façon que je connaisse : en foutant par la fenêtre. »

Non, ça n’était pas malin et elle n’était pas très fière d’elle. Mais elle n’avait jamais prétendu être autre chose que ce qu’elle était : un sous officier des marines mal dégrossie plus prompte a chercher la bagarre que la discussion.