Frère Prius, sonnez les matines

Confusément, Nadja sentit Zander se lever pour aller répondre à la porte, ou peut être tuer quelques jaffas qui approchaient de sa position… non ça s’était dans son rêve. Ils pouvaient la tuer de toute façon, elle n’en avait rien à cirer ce matin. Son corps avait la consistance du coton mou et elle nageait dans une brume d’hormone qu’elle n’avait aucune envie de chasser avec quelque chose d’aussi trivial qu’un souvenir de guerre ou un petit déjeuner.

Même s’il sentait très bon.

Très, très bon, même !

La vie est injuste…

En grommelant, elle se redressa tout en se drapant dans le drap et regarda son mari sans pouvoir s’empêcher de sourire.

« - Tu sais que si je finit par quitter l’armée, il me faudra ce genre de nuit très régulièrement pour garder la forme.  »

Elle attira le plateau à elle et en profita pour voler un baiser à Zander avant de leur servir deux pleines tasses de café brûlant. Il y avait des toasts, de la confiture, mais aussi des œuf brouillés et du bacon, ainsi qu’une grande carafe pleine de jus de fruit, du pamplemousse à l’odeur.

« - On m’avait dit que le service était impeccable ici… Par contre, on a pas grand-chose à se mettre de décent pour repartir. »

Elle jeta un œil un peu atterré au tas de vêtements qui jonchait le sol de la chambre. Certain étaient toujours trempés, d’autres déchirés… Même son blouson en cuir semblait faire grise mine ce matin.

Zander rit depuis son fauteuil à la déclaration de Nadja.

« Pas de problème. C'est un très bon exercice physique et en plus, je dors tellement bien après que c'est quand tu veux. Pas besoin d'attendre que tu raccroches ton uniforme pour de bon. » dit-il.

Il se releva et alla se servir des œufs, du bacon, du pain et de la confiture, mais ne prit pas de jus de fruit avant de retourner dans son fauteuil et de se mettre à engloutir le tout.

« Ah ça, il n'y a rien à y redire là-dessus. Mais j'avoue que j'ai quand même été surpris qu'ils nous reconnaissent hier quand nous sommes arrivés. Je ne me rappelle pas être déjà venu ici et encore moins suffisamment souvent pour que le personnel se souvienne de mon nom. Mais c'est agréable. »

Il regarda à son tour les vêtements et il ne put s'empêcher d'éclater de rire. Elle avait fait un sort à son T-shirt comme elle le lui avait promis et celui-ci n'était vraiment plus mettable. Sa veste avait survécu par contre. Quand à son pantalon, aucune chance qu'il le mette s'il était toujours trempé. Quand au reste…

« Peut-être que la réception peut nous aider… Ils vendent peut-être des T-shirts et des survêtements avec leur dessus ? Ça se fait dans les hôtels de ce genre, non ? »

Il ne serait pas surpris qu'ils aient même des vêtements tout ce qu'il y avait de plus classique.

« On n'a pas besoin de trucs classes qui coûtent une fortune, juste de quoi s'habiller décemment le temps de sortir et rejoindre le quartier résidentiel pour rentrer. »

Et comme ça, il aurait l'occasion de voir l'endroit de jour pendant qu'ils le traverseraient pour rejoindre le point de transfert qui s'y trouvait. Parce qu'il ne pouvait pas dire qu'il avait vu quoi que ce soit la veille.

« D'ailleurs, je crois que je vais bientôt avoir besoin de m'acheter des vêtements pour renouveler les miens, au rythme où tu les déchires... » fit-il avec un grand sourire.

Il allait devoir en parler avec l'intendance pour savoir comment il pouvait faire pour s'en procurer. Puis il déposa son assiette sur la table.

« Mais avons-nous vraiment besoin de vêtements, là tout de suite ? » demanda-t-il avant de la rejoindre dans le lit.

Nadja avait aussi été surprise de l’accueil, mais se doutait des raisons de celui-ci.

« - Ils nous connaissaient à cause de nos puces. Je suis à peu prés sure qu’il y a un lecteur à l’entrée de l’hôtel. Du coup, je suppose qu’on a eut droit au traitement VIP. Je sais pas toi, mais je n’ai aucun souvenir d’avoir commandé un petit déjeuner, par exemple. »

Elle se joignit à ses rires en constatant l’état de ses propres vêtements. Ils avaient été particulièrement déchaînés, hier soir.

« - Oui c’est possible. Nos tailles sont dans le systèmes central, on devrait pouvoir se faire livrer le minimum vital. Je te préviens, ça n’a rien de sexy. Par contre, si tu veux t’acheter des vêtements, je devrais pouvoir t’emmener faire les boutiques. C’est à deux pas. Ça serait dommage que je ne puisse plus te les arracher, pas vrai ? »

Deux vrais gamins… Mais elle n’allait pas bouder son plaisir. En attendant, elle sirotait son jus de fruit et se toast avec appétit. Les exercices physiques, ça creusent !

Quand il revint vers elle, elle protesta pour la forme, puis fondit quand ses baisers se firent plus précis. Il commençait à décidément bien la connaître et elle se laissa aller sans gêne, oubliant qu’elle allait sans doute être en retard.

Zander écouta sa réponse. Voilà qui était fort plausible, mais cela soulevait tout un tas de questions auxquelles il n'aurait probablement jamais de réponses.

« Oh… Je n'avais pas pensé à ça, mais ça expliquerait effectivement comment ils savaient qui nous étions. Cet établissement appartient donc au SDT ? Dans quel but ? Pourquoi le traitement VIP ? Et pour le petit déjeuner, je crois qu'il a demandé… » dit-il

Il sourit quand elle parla des vêtements qu'ils risquaient d'avoir. Il s'en fichait un peu, tant que cela lui permettait de quitter les lieux vêtu de manière décente pour la population locale.

« Pas besoin d'être sexy. On ne peut juste pas se balader à moitié nu dans la rue. Et puis tu es sexy quoi que tu portes, alors ça n'a franchement aucune importance. » lui répondit-il en souriant.

Il poussa un soupir à la mention de faire les boutiques. Il n'aimait pas vraiment faire ce genre de choses, mais il n'avait pas vraiment le choix.

« Alors j'aurai intérêt à faire un stock de T-shirts. Et puis comment je vais payer au juste ? Non, oublie ça. Ce n'est pas important pour l'instant et ça peut attendre, parce qu'on ne va pas faire ça dans la journée. »

Il se renseignerait auprès de l'intendance. Il savait qu'il était payé et que l'argent était mis quelque part, mais il n'avait aucune idée du montant qu'il recevait et de où allait l'argent, ni comment faire pour y accéder directement.

[Un peu plus tard]

Il avait un sourire béat sur le visage et il était heureux. il n'avait pas le moins du monde envie de bouger, mais un coup d'oeil au réveil l'informa que Nadja risquait d'avoir des problèmes sous peu, s'ils ne partaient très vite.

« Dis, tu ne vas pas finir par être en retard, toi ? Moi je m'en fiche un peu car je ne travaille pas aujourd'hui, mais il me semble que ce n'est pas ton cas… »

Mais cela ne signifiait pas qu'il n'avait rien à faire pour autant. Il appela la réception pour demander des vêtements aussi rapidement que possible. Et il n'eut effectivement pas à donner leurs tailles respectives.

« Nos tenues arrivent dans cinq minutes… » lui annonça-t-il.

Quinze minutes plus tard, ils étaient à bord de Stella, Prius les accueillant avec un grand sourire.

« À voir vos têtes, vous vous êtes vraiment très bien amusés hier soir, les enfants… au point de ne pas rentrer… »

Il secoua la tête. Et dire qu'il avait l'intention de les surprendre en faisait le petit déjeuner pour les remercier de leur accueil et de leur hospitalité, mais son plan était tombé à l'eau lorsque Stella l'avait informé qu'ils n'étaient revenus à bord. Ce serait pour une autre fois.

« Et je suis au regret de vous informer que je vais devoir vous quitter aujourd'hui. Le devoir m'appelle, malheureusement. »

Nadja n’avait pas toutes les réponses concernant cet hôtel étrange mais se souvenait de quelques détails.

« - J’ai lu que c’est ici que loge ceux qui ne restes que quelques jours, Soit parce qu’ils ont un travail très précis à accomplir soient parce qu’ils sont basés dans d’autres pays. La station et encore moins l’Achille ne peuvent se permettre d’héberger ce genre de personnel itinérant. Mais oui, l’hôtel appartient au SDT. Et comme nous en sommes des résidents permanents, ils nous connaissent. »

Elle sourit et rougit un peu quand il la qualifia de sexy. Ca n’était pas dans ses habitudes d’entendre ce genre de compliment sur son physique, mais ça n’avait rien de déplaisant… vraiment pas.

Une fois leur nouvelle session d’exercice terminée, elle passa sous la douche et ressortie couverte d’un épais peignoir confortable. Le grand sourire qu’il arborait fit faire des cabrioles a son cœur et elle dut se faire violence pour ne pas lui ressauter dessus.

« - Je le suis déjà, soupira-t-elle. J’aurai du me faire porter pale ! Avec tout ce qu’on a… pff je crois que j’ai mal partout. Je vais encore avoir l’air fine à l’entraînement. »

Elle en grognait que pour al blague bien sur, et ne put s’empêcher de l’embrasser encore une fois avant que le service d’étage ne vienne leur porter des survêtements qui lui rappelèrent son arrivée sur la station.

Une fois à bord, Prius, hilare devant leurs visages béats, leur appris qu’il devait repartir. Nadja n’avait que peu de temps mais lui serra la main chaleureusement.

« - A très vite, monsieur le voyeur. Quoi qu’en dise les mauvaises manières de notre hôte, vous êtes le bienvenue ici quand vous le voudrez. »

Elle les laissa ensuite se dite au revoir comme les vieux amis qu’ils étaient et en profita pour se changer et remettre un uniforme décent avant de partir prendre son poste. Comme si elle en avait envie...

Prius serra la main de Nadja avec un grand sourire.

« Ce fut un véritable plaisir de vous rencontrer. Et comptez sur moi, je reviendrai, peu importe que M. Grognon le veuille ou non. » dit-il en désignant Zander qui roula des yeux avant de secouer la tête.

« Ça, je ne doute pas une seule seconde que tu reviendras squatter ici et m'empoisonner la vie par la même occasion. » répondit l'intéressé avec un sourire.

Nadja s'éclipsa pour se changer et Prius se tourna vers Zander avant de venir lui faire une accolade.

« Mon ami, tu as trouvé une perle rare. Il serait bien que tu ouvres les yeux sur ce que tu ressens vraiment et que l'acceptes. Tout le monde s'en portera beaucoup mieux, à commencer par toi. Et tu vas détester ce que je vais dire, mais tu ne pourras accepter pleinement ce qu'on te donne tant que tu n'auras pas fait la paix avec ton passé. Tu ne pourras pas le fuir éternellement et tu le sais. Il ne tient qu'à toi de prendre ton courage à deux mains et de l'affronter, sinon tu risques de tout perdre. » lui dit-il très sérieusement.

Il le sentit se raidir au fur et à mesure de son discours, mais pour une fois, le pilote ne protesta pas.

« Et je crois que tu commences à t'en rendre compte. Le jour où tu te décideras à le faire, nous serons là, tous les deux, pour t'aider. » termina-t-il avant de le libérer.

« Comme d'habitude, ce fut une joie de te revoir, surtout dans de si joyeuses circonstances. Et si vous comptez renouveler vos vœux, n'oublie pas de m'inviter cette fois. Et pense à me donner des nouvelles plus souvent et de manière... moins lapidaire. » lui fit-il en souriant, sans avouer qu'il adorerait présider à la cérémonie. Il était cependant conscient que cela risquait d'être compliqué si elle avait lieu sur Terre selon les rites locaux.

« J'y penserai. À bientôt… mais pas trop vite, surtout. » dit Zander avec un petit sourire. Il ne le dirait pas à voix haute, mais le prêtre allait lui manquer.

Voyant Nadja revenir, il s'excusa pour aller prendre une douche et souhaita une bonne journée à son épouse en l'embrassant rapidement. Prius fit un signe à Nadja pour l'arrêter quelques secondes, profitant du départ de Zander, pour lui dire deux mots.

« Continuez à prendre bien soin de lui comme vous le faites. Et soyez patiente. Tout cela finira par porter ses fruits. Et pour le reste, je vous recontacterai bientôt. Mais n'hésitez pas à me tenir informer de comment les choses évoluent. » dit-il avec un sourire en la laissant partir.

Une heure plus tard, Prius saluait une dernière fois Zander après lui avoir remis une boîte de sa fameuse tisane, sans lui mentionner celles qu'il avait données à Nadja. Puis Stella le téléporta dans sa navette qui attendait non loin de là et il se mit en route vers sa prochaine destination.