Le retour du docteur Maison

Nadira n’avait jamais été une grande spécialiste de politique ou de sociologie. Mais l’utopie que lui décrivait Aynira était un peu trop belle et parfaite pour être vrai. Etait-elle en train de la baratiner ? Possible mais dans quel but ? Ou alors elle était incapable de voir les mauvais côté de sa société. Avec toutes les bidouilles génétiques qu’avait subi son corps, y inscrire une fidélité à la patrie n’était pas impossible. Le rêve de tout dictateur.
A moins qu’elle dise simplement la vérité, mais alors que faisait-elle-la ? Si vous vous vivez au paradis, pourquoi en partir ?

Persuadé qu’il y avait quelque chose de pas net dans l’histoire de la narisienne, elle continua néanmoins ces analyses tout en continuant la discussion.

« - Vous possédez d’autres monde ? C’est une fédération de planète que vous me décrivez ? »

Elle déplaça quelques électrodes pour stimuler les muscles de la jeune femme. Les résultats étaient impressionnants. Avec ces capacités, Aynira devait être capable de balayer la moitié des soldats de la station d’un revers de la main. Elle lui demanda alors la raison de ces analyses et Nadira sourit.

« - Si j’arrivais à reproduire ne serait-ce que 20% de vos améliorations, nos soldats arrêteraient peut être de mourir comme des mouches. »

Et puis encoder génétiquement des directives était décidément une bonne idée.

«- Je vous que vous avez soigneusement étudié notre culture si vous citez Star trek. Remarquez, il vaut mieux ça que la Guerre des Mondes ou Indépendance Day. »

Il y avait sans doute d'autre culture à étudier mais la série de Gene Roddenberry avait le mérite d’être l'une des rares science fiction positive imaginée ces cinquante dernières années.

« - Je n'ai pas la prétention d’être une grande voyageuse mais c'est plutôt rare une galaxie mono raciale, non ? Et un peu triste. »

Évidemment, leur galaxie se serait sans doute bien passée des Goa'uld. Mais il y avait d'autres races bien plus intéressantes…. Et pacifiques… enfin quelques unes.

En revenant sur le sujet médical, la Narisienne lâcha une autre information qui la fit tiquer.

« - D'un autre coté, et à la lumière de tous ce que vous venez de m'expliquez, je vois assez mal ce que nous pourrions échanger avec vous.  C'est sur que cela chamboulerait pas mal de choses mais en les introduisant pas à pas, cela pourrait se faire. Ne vous faites pas d'illusion, au départ, seuls les plus riches en profiteraient. Et cela se démocratiserait au fur et à mesure.»

Les Enfants d'Icare lui revint en mémoire. Elle avait lu ce roman au lycée mais il lui avait fait forte impression. Principalement pour son coté athéiste à l'époque, mais il prenait une toute autre saveur à présent.

Un moment, Nadira se demanda ce que pouvait donner le visionnage de film de science-fiction par deux extraterrestres. Leurs opinions devaient valoir leur pesant d'or.

« - Si le livre était sans doute intéressant dans son contexte, le film a été idiot de ne pas s’adapter à notre monde moderne. Des êtres capables de vols interstellaires ne connaissant pas les règles les plus basiques de filtrage d’atmosphère ? C’est purement stupide.  Sans parler du fait que leur vaisseau ne sont, du coup, pas étanche. Avouez que ça doit poser un soucis»

Chassez la virologue, elle revint au galop. Elle récupéra un petit tube près d’elle et regarda sa « patiente ».

« - Je peux vous faire un prélèvement ? Je me demande comment voter système immunitaire réagit à certains pathogènes, justement.»

Le sujet des anciens la fit tiquer. Ainsi ils partageaient ce mythe pour cette bande de  semi divinité hippies. Intéressant. Surtout s’ils se considéraient comme un essai plus récent de civilisation. De là à se considérer comme des élus et partir en croisade, il ne devait pas y avoir loin.
La dernière phrase alla d’ailleurs dans ce sens. Oui, ils avaient bien une logique « Overlords » pour reprendre la dénomination d’Arthur Clark.

« - Ça devrait suffire pour le moment oui. Merci beaucoup. Et je serai ravie de continuer à discuter avec vous. Si nous ne pouvons pas organiser d’échanges officiels entre nos peuples pour l’instant, rien ne nous empêche de discuter progrès et sciences, pas vrai ? »

« - Regardez Contact, à l’occasion, c’est bien plus intéressant… et intelligent. »

Le film écris par Carl Sagan était, à sa connaissance, un des rares à plus faire appel à l’intelligence du spectateur qu’a des effets spéciaux grandiloquent. Ce qui expliquait sans doute son succès mitigé.

D’une main sure, elle piqua la veine de sa patiente en souriant.

« - Je ne sais pas qui c’est occupé précédemment de vous. En tant que virologue, j’ai une certaine habitude des prises de sang. »

Évidemment, la douceur et le confort des patients étaient généralement secondaire  dans sa spécialité, mais elle préférait néanmoins laisser le moins de traces possible, principalement pour pouvoir repiquer aisément au besoin. Rapidement, les tubes sous vide se remplissaient et elle les remplaçait tout aussi rapidement. Finalement, elle enleva l’aiguille, qu’elle jeta immédiatement, tout en posant un pansement  sur la petite plaie.

« - Pliez le bras un moment. Voilà vous ne devriez pas avoir de marques.  Du coup, café ?»

La remarque n’était pas tombée dans l’oreille d’une sourde et elle-même avait bien besoin d’une pause. Elle étiqueta les échantillons consciencieusement puis enleva ses gants en latex pour leur préparer deux tasses. 

« - Vous avez un équivalent, dans votre galaxie ? Ou on peut envisager de mettre nos secrets de fabrication dans la balance ? »

Nadira se demandait pourquoi l'extraterrestre lui prêtait ce genre d'intention. Si elle s'était montré sans pitié avec des envahisseurs il y a quelques mois, la chose ne s'était normalement pas ébruité et personne n'était au courant.

Enfin, elle aimait autant une réputation de croquemitaine que de « chaudasse en blouse blanche ». Café en main, elle écouta les explications sur une sorte de thé au goût de thé. Voilà quelque chose qu'elle testerait avec plaisir.

« - Il y a quelques années, je vivais avec quelqu'un qui avait quasiment élevé le café au rang de philosophie de vie. Il faisait venir du monde entier divers « grand cru ». il en notait scrupuleusement les caractéristiques sur des fiches et faisait lui même des mélanges pour trouver le parfait équilibre. C'était assez impressionnant au début. »

Mais lassant à la longue. Surtout qu'elle même n'était pas très difficile concernant le café. Du moment qu'il était raisonnablement fort et chaud…

« - Mais du coup j'ai découvert grâce à lui que certaines préparations était bien plus complexe que simplement faire sécher des graines puis les moudre et rajouter de l'eau. Donc, si notre technologie ne peux pas vous apporter grand-chose, peut être serez vous intéressé par ce genre d’expérimentations. »

Elle souriait, montrant bien toute l'ironie de la proposition. Maintenant qu'elles en avaient fini avec le sujet médical, autant être plus léger.

Nadira termina son café et sourit lorsqu’Aynira évoqua une éventuelle arnaque. Amusant comme elle pensait exactement à la même chose.

« - Vu votre avance technologique, n’importe quelle échange sera forcément déséquilibré. Depuis le début de notre conversation, vous m’expliquez à quel point votre civilisation nous est supérieure technologiquement et socialement. Que pourrions-nous bien vous apportez ? »

Elle prenait grand soin de ne mettre aucune animosité dans ses phrases. S’étaient de simples constatations logiques.  
« - Nous avons, sur Terre, une certaine expérience de ce genre d’échanges. Notre technologie ne s’est pas développée uniformément, et toutes les rencontres se sont globalement mal finies pour les populations sous développées. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que cela ne devrait pas se faire, évidemment, mais que des précautions devront être prises. »

Le café terminé, la narisienne prit congé et l’égyptienne se retrouva seule pour analyser et rédiger un rapport. Les résultats de ces tests étaient éloquents. La jeune femme était quasi parfaite dans tous les domaines. Elle se demanda si les autres avaient conscience de cela. Sans doute pas. Aynira avait l’intelligence de ne pas trop en faire. Elle devait savoir que cela ruinerait ses chances de passer inaperçue. Mais alors pourquoi avoir accepté ces tests aujourd’hui ? Pour montrer ce qu’elle pouvait avoir à échanger sans doute. 

Une heure plus tard, elle mit un point final au document et l’envoya sur la base de données de la base. Elle garda par contre l’échantillon sanguin dont elle tirerait sans doute beaucoup d’enseignements.

Buvant sa tasse, Nadira continua dans sa théorie comme quoi les Terriens n'ont rien à offrir d'équitable aux Narisiens et qu'elle expliqua qu'il y avait eut des cas dans l'histoire d'échange complètement déséquilibrés face entre les grandes puissances colonialistes de l'époque et les peuplades moins avancées qui se trouvaient sur les riches terres convoitées :

"Plein de choses ! Certes pas de technologies révolutionnaires, du moins terriennes, mais une civilisation ne se résume pas qu'à ses accomplissements techniques. Il y a la culture, l'histoire et même dans un sens plus global, votre monde fourmille de particularité unique. D'accord ce n'est pas rose partout, mais vous êtes la première civilisation extra-narisienne avec qui nous échangeons. On n'est pas là pour vous envahir ou vous dictez votre manière de vivre. On n'est pas là non plus pour faire genre "vous avez vous on est meilleur que vous" ou pour vous exposez comme dans un zoo où on vous regardera de haut. On est là pour échanger d'égal à égal.

On propose notre aide pour des problèmes qui vous minent afin d'aller de l'avant tout en attendant que vous en ferrez de même si ce genre de choses arrive chez nous. Je pense que c'est ça le problème en ce moment. Vos supérieurs pensent trop selon le modèle dominant/dominé en espérant être dans la première catégorie et craignant de se retrouver finalement dans la seconde, mais ce n'est pas ça qu'on veux."

La discussion continua jusqu'à ce que les deux tasses soient vides et qu'Ayni ne quittent l'infirmerie en saluant Nadira. Pour une simple analyse médicale, c'était plus conviviale et ludique que prévue. Elle marcha vers ses quartiers, croisant des membres d'équipages de l'Achilles. Elle se rappela alors de la promesse qu'elle avait faites à Charlie de le voir quand elle n'aurait rien de prévu et que l'Achilles étaient dans les parages avant que la médecin du JPS ne l'expulsent de l'infirmerie et c'était exactement le cas : elle n'avait rien à faire et l'Achilles était à quai.

Elle tourna alors les talons, se dirigeant vers le sas reliant le vaisseau à la station et après un petit dédale dans les coursives de l'appareil, elle arriva dans l'infirmerie de l'Achilles, mais aucune trace de Charlie. Une infirmière était présente et elle indiqua à la Narisienne l'emplacement du laboratoire médicale où le neurologue était présent :

"Bonjour ? J'avais promise de passer pour vos analyses si j'avais le temps et c'est le cas. Sauf si je vous dérange bien entendue"

Dernière édition par Aynira Leyva le Mar 23 Fév 2016 - 19:37, édité 1 fois