On lui avait dit d'attendre. Charlie détestait attendre. Ceux qui lui avaient dit de venir n'avaient pas préciser qu'il devrait attendre tout le temps. Mais le docteur Kinley lui répétait sans arrêt qu'il devait faire des efforts, prendre sur lui. Alors il s'assit sur une chaise qui ne devait pas être lavée tous les jours et attendit. Longtemps.
Charlie en profita pour observer la pièce dans laquelle il se trouvait. Tout était gris, épuré. Comme dans les hôpitaux dans lesquels il avait travaillé, la propreté en moins. Et dans les hôpitaux, la couleur dominante était le blanc, pas le gris. C'était réconfortant disait-on, cela donner de l'espoir aux gens. Charlie avait bien du mal à comprendre comment la couleur des murs pouvait influer sur l'humeur des gens.
Et puis il y avait l'odeur. Ici ça sentait l'huile, la terre et la nourriture brûlée. A l'hôpital on ne sentait que l'odeur des produits d'entretient couvrant à peine celle de la vieillesse et de la maladie. Charlie, lui, préférait l'odeur de son jardin lorsque Steve, le jardinier, venait de passer la tondeuse.
Finalement, un homme aussi bourru que barbu fit son apparition. Il lui lança une interjection dont il n'attendit pas la réponse et s'éloigna. Tout d'abord, Charlie ne bougea pas. Il n'avait aucune envie de suivre cet énergumène, mais un regard à l'homme de l'accueil lui fit comprendre qu'il devrait le faire tout de même. Il prit donc son sac et emboîta le pas du militaire. Celui-ci lui posa une autre question. Le médecin ne répondit d'abord pas. Il n'en avait pas eu le temps la première fois, son interlocuteur n'attendait sans doute pas de réponse cette fois-ci non plus. Mais le silence s'installa et Charlie se dit qu'il devait sans doute agir maintenant.
"Vous êtes un homme étrange. Des hommes sont venus me voir et m'ont raconté des choses que je ne pensais pas exister. Ils me disent de venir ici et finalement ils m'envoie des hommes en retard. J'attends devant chez moi, j'attends ici, que vous ayez fini votre repas si j'en juge par les restes de bacon emmêlés dans votre barbe, vous posez une question dont vous n'attendez pas la réponse mais je dois répondre à la seconde. Et en plus, vous me demandez de justifier ma présence alors que ce sont visiblement vos employeurs qui sont venus me recruter ! Je ne vous ai rien demandé monsieur dont j'ignore le nom mais je suis ici parce qu'on m'a demandé de venir et on me l'a demandé parce que je suis le meilleur dans mon domaine. Alors maintenant si je pouvais avoir quelque chose à manger, l'heure de mon repas est passée depuis 20 minutes et cela va décaler toute ma journée."
Charlie s'était quelque peu laissé emporter. Son psychiatre n'aurait pas été très content de sa tirade, mais le jeune médecin détestait qu'on se moque de lui.