La situation prenait une tournure désagréable mais nécessaire. Bruce se sentait comme au Poker. Il n'avait qu'un cochon en main, soit aucune combinaison de cartes qui lui donne quoi que ce soit de valable, même pas une paire, et avait balancé des éléments de reproche en espérant qu'il avait raison. C'était du bluff au fond.
Cependant, même dans le cas où il avait raison, ce qui semblait se confirmer avec l'attitude de la doctoresse, en plus du fait que sa remarque sur la quantité ne tenait pas debout, la demoiselle ou la dame au nom de Stanford avait probablement raison sur un point.
Elle avait trouvé Bruce condescendant et c'était une attitude que Bruce tentait de réprimer chez lui autant que possible. Ce qui voulait surtout dire qu'il était bien capable de l'être.
Même si la belle jeune femme qui devait avoir une dizaine d'années de moins que lui n'était pas des plus aimables aujourd'hui, surtout avec sa remarque sur Internet que Bruce trouvait déplacé, le géologue avait sans doute, malgré lui, été tout aussi désagréable à sa manière. De plus, il était normal qu'elle se défende surtout si elle se sentait bel et bien menacée.
L'espace d'un instant, Bruce pensa à l'utilité de la toile. Pour en avoir tenté à plusieurs reprises l'expérience, le géologue trouvait qu'il s'agissait d'un super outil quand il s'agissait d'informer, mais si peu pratique quand on cherchait a apprendre. Il enviait presque les hackers pour leurs capacités qu'ils avaient à en user à leur guise.
*Mais là n'est pas le propos !*
Bruce sentit la tension qui aurait pu être visible à l’œil nu si on avait été dans un manga. Mais c'était la réalité. La jeune femme si elle n'avait pas perdu patience était sur le point de la perdre.
Il crut bon, surtout en voyant avec quel geste violent elle se débarrassa de la poigne du militaire, de faire preuve de diplomatie et de présenter des excuses au médecin.
"Dr Stanford ! Si vous me permettez, je vous prie de bien vouloir me pardonner pour la remarque portée à votre encontre. Ce n'était en effet ni poli, ni probablement juste et il semble bien que vous aviez raison de me répondre comme vous l'avez fait, aussi brusque cela a-t-il pu être."
Toutefois, Bruce, pour avoir entendu ce qu'il jugeait comme une excellente remarque de la part du militaire, ne s'arrêta pas là. Si celui qui était apparemment le responsable en chef de la section médicale était bien présent, autant en profiter et lui demander son avis. Et puis, ce ferait toujours une personne de plus avec qui converser dans la station.
*Qui sait ? Peut-être le médecin vu tout à l'heure dans la salle d'entraînement n'était autre que le Dr Fellner ?*
"Toutefois, Mademoiselle Stanford, enfin, je suppose, ou Dr, si vous préférez, puisque votre collègue a la possibilité d'être présent, autant en profiter pleinement et lui demander son opinion. De ce que je sais, vous m'avez dit vous-même être nouvelle ici. Or, il est humain de se tromper quoique je pense cela fort rare dans votre cas étant donné le professionnalisme dont vous devez faire rigueur. Soit vous avez raison et dans ce cas, je réitérai mes excuses, je resterai avec le Dr Fellner et ne chercherai plus à vous importuner. D'ailleurs, je tâcherai de vous éviter soigneusement sauf si vous m'ordonnez le contraire. Soit vous avez tort, ce que je ne souhaite pas, et dans ce cas, ce sera toujours une information utile à retirer auprès de votre confrère. De plus, je pourrai ainsi lui demander ce qu'il en sera de mes analyses sanguines. Qu'en dites-vous ?"
Bruce savait qu'il avait beaucoup parlé et en repensant à ce qu'il avait dit, il sentait qu'il avait été mielleux jusqu'au bout des ongles. Il espérait ne plus avoir à refaire un tel exercice de verve pour tenter de transformer une situation en la faisant passer de la guerre aux négociations.
*Au moins vaut-il mieux l'armistice que la victoire écrasante et sanglante ! En tout cas, dans ce cas, oui !*
"D'ailleurs, pour vous prouver notre bonne foi à tous deux, je vous propose que monsieur Wallas et moi-même reculions et vous laissions décider d'ouvrir la porte sans vous forcer à quoi que ce soit. Sinon, laissez-moi m'en charger, je dois moi-même voir le Dr Fellner. D'ailleurs, puisque c'est votre collègue, vous pourriez ainsi me présenter et ce serait une bonne chose de faite. Je vous le demande comme un service. A genoux s'il le faut !"
En fait, si Bruce avait invité Wallas à reculer, c'était pour une double raison. La première pour mettre en confiance la jeune femme ce qui était sincère et qu'il avait d'ailleurs expliqué en parlant de bonne foi. Toutefois, Bruce pensait, et c'était la seconde raison, qu'il serait plus simple pour le militaire, en étant plus éloignée de la doctoresse, de faire usage sur elle de l'arme nommée apparemment zatniktel ou quelque chose dans ce genre-là, dont il connaissait d'ailleurs les effets. Pour avoir vu son propre ami James Conrad Ferrus en faire usage sur un autre militaire qui, heureusement, n'en était pas mort, le géologue savait que ce serait douloureux, mais heureusement, non mortel. Et si James en avait fait usage, c'est que cela ne devait pas laisser de séquelles, hormis peut-être la sensation d'avoir été électrocuté.
Bruce repensa qu'il avait peut-être tort de faire confiance au militaire. Toujours avoir un doute valable. Mais en ce moment, son doute valable était pointé sur la ravissante femme et non sur l'homme, qui à bien y regarder, devait lui aussi être plus jeune que Bruce. En même temps, il ne trouvait pas cela difficile. Le scientifique faisait plus vieux que son âge. Bien plus vieux.
Un rythme de sommeil forcé à quatre heures par jour pendant des années et plusieurs autres conditions extrêmement rigoureuses à cause de ses années d'étude et de mise en pratique de ses doctorats l'avaient en quelque sorte fait vieillir prématurément. Bruce n'avait trouvé la stabilité de son esprit que grâce à une condition physique qu'il entretenait au mieux avec sports et arts martiaux.
*Un esprit sain dans un corps sain !*
Bruce attendait devant la porte, se demandant si elle lui demanderait de s'éloigner pour qu'elle l'ouvre elle-même ou au contraire, s'il devrait l'effectuer lui-même. Il songeait surtout aux derniers mots qu'il avait prononcés.
*Là, j'en ai peut-être fait un peu trop ! A genoux ! Non mais quelle idée ?*
En même temps, il fallait reconnaitre qu'avec un physique pareil, on devait soulever des montagnes pour cette personne diplômée en médecine, alors s'agenouiller...
*Au fond, c'est un moindre mal ! Cela dit, je pense que j'ai vraiment besoin de sortir si j'en arrive là !*
Bruce en attendant la réponse du Dr Stanford songea à la dernière fois qu'il avait eu une véritable petite amie. Il constata comme un certain désastre dans sa vie sentimentale.