Like a Prayer

Après quelques minutes, Jeremy reprit la discussion.

« - Vous me donnez matière à réflexion. Mais cela suppose que vous puissiez envoyer une délégation, pas juste un seul homme, n'est-ce pas ?
- Probablement. Et du matériel, j'imagine. Vous ne devez pas avoir ce qu'il faut avec vous, que ce soit en terme d'expertise ou technique. Vous n'aviez certainement rien prévu de ce genre ou pour mener des projets comme cela.
- Effectivement. De combien de personnes parlez-vous ?
- Il faudrait que je puisse me rendre sur place pour faire une évaluation précise en fonction des lieux, de ce que vous voudrez que nous fassions et de ce dont vous disposez déjà. Mais au final, tout dépend aussi de combien de personnes vous êtes prêt à accueillir et de vos besoins.
- Je ne peux accueillir une énorme délégation, c'est certain. Et ke dois vous avertir tout de suite d'un point. Je ne peux pas permettre à quiconque d'aller et venir librement pour des raisons de sécurité.
- Cela revient-il à dire qu'une fois que les membres seront sur place, ils ne pourront pas repartir ? fit Prius, pensif.
- J'en ai peur. Sauf absolue nécessité, comme l'évacuation de la Cité. Personne ne sait où nous sommes et cela doit impérativement rester ainsi. Plus de gens à l'extérieur sont au courant, plus les risques d'être localisé augmentent pour nous. Nous prenons d'infinies précautions à ce sujet. Il faut qu'un nombre aussi restreint que possible de personnes de votre Ordre soit informés de cette opération.Si certains venaient à apprendre l'implication de votre ordre…
- Ils pourraient décider de s'en prendre à nous pour vous atteindre et vous trouver. Et je ferai tout ce que je peux pour que cela reste aussi confidentiel que possible. Il doit cependant y avoir un moyen de trouver un compromis ?
- Je peux vous faire venir en suivant les mêmes protocoles que nos équipes, mais en aucun cas je ne pourrais autoriser des rotations régulières de personnel ou des allers et venus pour quelques raisons que ce soit. Je serai intransigeant sur ce point, tout comme que vous ne serez pas informé des coordonnées de la planète sur laquelle votre délégation se trouvera exactement.
- Je comprends parfaitement. Il vous faudra un émissaire pour assurer le lien entre la congrégation que vous accueillerez et le reste de l'Ordre et il devra pouvoir se déplacer un minimum. Je suggère d'utiliser Hébrida comme intermédiaire, vu que vous avez des contacts et des échanges plus ou moins réguliers avec la planète. Notre monastère y sera bientôt pleinement opérationnel et pourra nous servir de relais sans éveiller de soupçons. »

Les deux hommes burent leur bière en silence, chacun réfléchissant quelques minutes aux paroles de l'autre et à leur implication. Le génétivien était contraint de limiter les déplacements de tous pour des raisons de sécurité. Même en prenant toutes les dispositions possibles et imaginables, il était conscient que le risque zéro n'existait pas. Mais la proposition de Prius de servir d'Hébrida comme plaque tournante n'était pas bête. Il devrait en discuter avec Nadja, mais il pourrait probablement faire transiter hommes et matériel par le biais de Stella ou une porte tierce. Quand à Prius, il réalisa qu'il allait devoir vraiment s'impliquer dans cette histoire pour limiter au maximum le nombre de personnes impliquées. Le choix des membres seraient crucial et ils devraient accepter d'être isolé pendant un certain temps. Il ne doutait pas de trouver des volontaires que ce défi enchanterait.

« - Me voila taxi à présent, s’amusa Nadja avant de redevenir sérieuse. Je suppose qu’on peut changer d’endroit toutes les deux semaines. Ca évitera les suspicions. Mais pour lui, je ne suis pas sure que ca soit la meilleure des socialisation possible. »

A peine le temps de se faire des amis qu’il devrait repartir… non ça n’était pas l’environnement le plus sain qu’on pouvait offrir à un enfant.

« - Oui j’en ai entendu parler, soupira-t-elle. Les soldats mutants de Hawkins avait ce genre de croissance. Ça permet de les envoyer plus vite au front. »

Mais ca paraissait bien tôt pour déjà disposer d’une telle avancée. D’autant que la survie du médecin n’était pas assurée. L’un dans l’autre, pas sur que Mei apprécie ce qu’elle venait de lui dire même si elle devait probablement soupçonner quelque chose comme ça.

Une fois rallongée, elle écouta l’explication offerte sans y croire une seconde.

« - Moais… J’ai surtout l‘impression que tant qu’il faut que je tape sur quelqu’un çà va mais des qu’il faut être un minimum plus fin, y a plus personne. Je sais même pas pourquoi ça me surprend encore !»

Ou la vexe, mais cette partie la était sans doute évidente. Elle se vengea sur un nouveau sandwich et s’allongea pour bronzer un peu. Stella l’informa également que la rencontre entre Prius et Doyle se déroulait correctement et que les deux hommes vidaient consciencieusement ses réserves d’alcool.

Mei fit un large sourire à la fausse plainte de Nadja.

« Tu ne me feras pas croire qu'aller sur Celestia est la pire des destinations où te rendre dans ton rôle de taxi, surtout pour ton neveu adoré. Je suis sûre qu'il fera des ravages parmi la gent féminine. » répondit-elle avant de soupirer.

Socialiser Isaac était une situation inextricable, elle en avait conscience. Il était probable qu'elle ne puisse rien faire du tout sur le sujet et peut-être serait-ce mieux ainsi.

« Je sais. Le socialiser risque de se révéler impossible, mais le laisser grandir sans contact uniquement entouré des adultes de la Cité qui ne pensent qu'à guerroyer n'est pas forcément mieux. Ce serait peut-être mieux qu'il grandisse dans un environnement moins... agité et plus stable. Je ne crois pas qu'il y ait vraiment de solution. Il est unique en son genre et il n'existe rien de vraiment approprié pour lui. Il n'aura jamais le temps de nouer des liens avec d'autres enfants et ce sera impossible tant qu'il n'aura pas finir de grandir, à supposer qu'il s'arrête une fois un certain âge atteint. Cela pourrait même faire plus de mal que de bien que de le mélanger à d'autres enfants. »

Donc ce genre de choses se faisaient à son époque. Mais pas à la leur. Cela n’existait probablement qu'à l'état de réflexion, mais il n'y avait pas de recherches dans ce domaine pour ce qu'elle en savait.

« Tu crois que c'est une technique qu'il a ramené du futur ? Qu'Isaac est un genre de test pour voir si elle est viable à notre époque et s'il peut s'en servir tout de suite ? Il est le seul à avoir survécu, pour autant que j'en sache... La croissance accélérée fait du sens dans l'optique de produire des troupes et à ton époque, ils devaient naître par lot sans peut-être même avoir besoin de mère porteuse. Ensuite, ils leur suffisaient de les entraîner militairement au fur et à mesure de leur croissance. Ils n'avaient pas besoin de se préoccuper de les socialiser s'ils n'était là que pour faire office de chair à canon. » dit-elle d'une voix détachée tout en réfléchissant.

Elle s'allongea sur sa serviette après avoir jeté un œil à l'enfant qui dormait toujours du sommeil du juste. Il n'avait pas à pâtir de ses origines et elle ne pouvait pas le détester à cause de cela, même s'il lui rappelait encore régulièrement ce qu'elle avait traversé, mais aussi ce que sa mère avoir dû endurer, à son corps défendant. Aucun d'eux n'y étyait pour rien dans cette histoire. Ils n'étaient que des pions dans les plans des Goa'ulds. Elle sourit à son amie pour le surf.

« En vérité, je crois que ce n'est tout simplement pas ton genre d'activité. On ne peut pas être bons partout. C'est comme la cuisine. Certaines personnes ne sont tout simplement pas douées pour certaines choses. »

Elle, par exemple, était un cas désespéré avec une arme et en combat rapproché, mais elle ferait une excellente épouse comme il fallait, capable de tenir une maison, de cuisiner pour sa famille et de la divertir en jouant de la musique. Et avec de la pratique, elle était certaine de pouvoir coudre de manière décente. Ça ne devait pas être plus compliqué que de recoudre quelqu'un, non ?

Allongée sur sa serviette, l’ex marine réfléchissait à sa conversation précédente à propos d’Isaac. Se pouvait-il effectivement qu’il est été modifié avec des techniques du futurs ? Elle se souvenait cuisamment de sa conversation avec Tonatiuh. Il la connaissait, il avait eu le moyen de bloquer Emy à distance. Cela ne pouvait s’expliquer que par un contact avec son époque. Pourquoi se voiler la face ? Il n’avait pas dû occuper tout son temps libre à bricoler un moyen d’arrêter une seule armure Goliath. S’il avait ramener la recette des super soldats de Hawkins, ils avaient un très gros problème. Un de plus…
Mais comment en être sure ?
Il y avait bien un moyen, mais Mei n’allait pas du tout apprécier. Surtout si elle se trompait… Si elle avait raison également mais elle aurait alors des éléments pour se défendre.

« - Isaac, attrape ! »

L’ordre avait claqué brutalement, presque autant que le jet de la bouteille de crème solaire, un rien trop fort, un rien trop vite… Le petit garçon ouvrit les yeux, leva la main et attrapa la bouteille plastique avec précision. Nadja le félicita d’un sourire avant d’expliquer son geste.

« - Augmentation de la précision œil main… expliqua-t-elle, recablage du cerveau pour obéir aux ordres d’un supérieur. Grosso modo une version très améliorée de mes propres avantages. »

Sa lignée avait reçue quelques petites augmentations, essentiellement pratique. Celle des soldats avait eu plusieurs décennies de plus pour raffiner ses procédés… et beaucoup, beaucoup moins d’éthique.

Mei sursauta violemment lorsque l'ordre de Nadja claqua. Elle ne put pas non plus réagir, tétanisée qu'elle était, lorsque Nadja jeta la bouteille de crème solaire sur Isaac qui dormait.

« Hé ! »

Mais l'enfant, lui, réagi au quart de tour et se réveilla brusquement pour attraper la bouteille sans aucune hésitation. Elle ne l'avait jamais vu faire quelque chose comme ça auparavant. Jusqu'à présent, il n'avait jamais démontré de tels réflexes ou une telle réactivité, probablement parce qu'il n'avait jamais été stimulé de la sorte. Bien au contraire, il se comportait comme un enfant normal, avec une coordination semblable à celle attendue à son âge.

« Non, mais ça va pas ! Ce n'est ni un chien ni un soldat ! » lança-t-elle sur un ton réprobateur tout en foudroyant Nadja du regard.

Le gamin qui n'était pas tout à fait réveillé se mit à pleurer, perturbé parce qu'il venait de se passer.

« Tatie Nadja n'a pas été très gentille et t'a fait peur pas vrai, bonhomme ? » fit-elle doucement en le prenant dans ses bras.

En réalité, elle lui avait aussi fichu une trouille bleue et certains réflexes acquis pendant sa captivité avaient refait surface, lui faisant baisser la tête une fraction de seconde, terrorisée.

Elle écouta les explications de son amie, mais elle était plus que contrariée par ce qu'elle venait de faire. Elle n'avait pas nécessairement l'intention de partager cette découverte avec les médecins et les scientifiques de la Cité qui ne manqueraient pas de vouloir étudier le bambin encore plus au lieu de le laisser tranquille et grandir aussi normalement que possible.

« Est-ce que ces soldats subissaient aussi une programmation mentale similaire à la tienne pour renforcer cette obéissance innée et faire qu'ils exécutent les ordres sans réfléchir ? Étaient-ils capable de se comporter normalement ? »

D'après les bruits de couloirs qu'elle avait entendu, Tonatiuth utilisait une technique qui rendait ceux qui y étaient soumis totalement dévoués à leur maître et faisant ensuite ses quatre volontés. Cela rendait inutile le recours torture et garantissait une coopération "volontaire" et totale… Mais tous les Goa'ulds étaient loin d'être comme lui, notamment celle qui avait pris en main le JPS.

L’expérience avait porté ses fruits et Nadja n’en était pas vraiment fière, ni ravie. Elle aurait, de loin, préférer se tromper.

« - Un peu des deux en fait, marmonna-t-elle en secouant la tête. »

Elle laissa passer les reproches justifiés et fit un sourire un peu triste à la mère protectrice.

« - Je ne suis pas une experte dans le domaine. D’après ce que j’avais entendu, ces généticiens malade avaient introduit les gène de l’obéissance de chien dans son code génétique. Ça fait des soldats plus résistants et plus obéissant naturellement. »

Certains avaient reçus d’autres améliorations plus ou moins spécifiques mais ça n’était visiblement pas le cas d’Isaac ce qui était une bonne chose. La stabilité mentale de ces soldats n’était pas toujours parfaite.

« - Ce que je veux dire, c’est que ce sont des dispositions génétiques. Il faut ensuite les encourager pour qu’elle s’active réellement. La ou mon conditionnement a pris deux semaines intensives (et désagréables) cela se ferait chez lui en quelques jours seulement. Physiquement c’est pareil. Il a naturellement des capacité d’athlètes mais il faudra les cultiver pour qu’il puisse courir un marathon. »

Elle ne connaissait que les informations de bases et Mei comprenait ça bien mieux qu’elle de toute façon. Il lui faudrait sans doute un peu de temps pour l’accepter cela dit.

Mei était trop contrariée pour saisir pleinement ce que Nadja lui disait. Elle entendait bien que les caractéristiques étaient là, mais qu'il fallait que le porteur reçoive l'éducation appropriée pour qu'elles soient pleinement efficaces.

« J'ai intérêt à faire attention à comment je lui parle alors. Je ne veux pas qu'il se transforme en toutou obéissant qui attend qu'on lui dise quoi faire. Il faut qu'il apprenne à réfléchir et agir par lui-même, comme n'importe qui. Il doit garder son libre arbitre, être libre de faire ses propres choix et suivre sa propre voie. Le sport, ce n'est pas un problème, au contraire. Je pense que tu ne manqueras pas de lui apprendre à se défendre et s'il intègre tout cela plus vite que les autres, ça ne peut qu'être une bonne chose. Mais je ne suis pas certaine que ces informations devraient être dévoilées à qui que ce soit, en dehors du Dr Doyle peut-être. Cela pourrait l'aider dans ses analyses.Tout autre personne pourrait être tentée de s'en servir à mauvais escient. Qu'est-ce qu'il y a, bonhomme ? » fit-elle avant de sourire à l'enfant qui s'agitait et tendait le doigt vers l'arrière.

Elle se retourna pour voir Prius et Jeremy qui approchaient, les deux gardes sur leurs talons.

« Oh, regarde qui voilà ! C'est Oncle Prius. Va donc le voir. Je suis sûr qu'il sera ravi de jouer un peu avec toi. » dit-elle en libérant l'enfant qui partit en courant vers le prêtre à qui elle sourit et fit un signe de la main, certainement plus visible à cette distance.

« J'imagine qu'ils ont fini de discuter s'ils sont là. » dit-elle à Nadja, changeant délibérément de sujet.

Elle espérait que les deux hommes étaient parvenus à un accord et que les Bergers viendraient les aider. Comme ça, elle pourrait continuer à en apprendre plus sur l'herboristerie.

*****

Prius leva la main en réponse à la médecin et intercepta le bambin avant de le porter à bout de bras pour le plus grand bonheur de celui-ci. Les discussions s'étaient terminées quelques minutes auparavant, le Dr Doyle disant qu'il avait besoin de réfléchir quelques jours et de discuter avec d'autres personnes avant de lui donner une réponse définitive.

Le prêtre comprenait parfaitement, mais il restait ennuyé de ne pas pouvoir aller sur place avant pour déterminer avec exactitude ce qu'il faudrait à la congrégation qui partirait afin de les aider au mieux. Cela leur aurait fait gagner un temps précieux pour organiser les choses, mobiliser les bonnes personnes et le bon matériel. Ce qu'il avait prévu pouvait se révéler totalement inadapté, d'autant que les Terriens avaient un niveau technologique plus élevé que les peuples qu'ils aidaient habituellement. Mais il n'avait guère le choix que de faire avec et prendre son mal en patience.