Where's my love

En quelques secondes le matériel de réanimation fut auprès du capitaine et Mei lui envoya une première décharge. La grande carcasse de marine se cabra puis retomba. Le son continue du moniteur cardiaque emplissait la salle alors que le médecin s’apprêtait à lui renvoyer un nouveau choc.

Nadja ouvrit les yeux sur un plafond qu’elle ne connaissait pas. Encore… fut sa première pensée. Le ronronnement continu qu’elle ressentait jusque dans son squelette lui fit comprendre qu’elle était à bord d’un vaisseau. Quand à savoir lequel…

Mais il y avait autre chose. Une sensation étrange sur laquelle elle n’arrivait pas à mettre de mot.

« - Bordel ! c’est quoi enc... »

Elle se redressa en entendant le son de sa voix, très loin de celui dont elle avait l’habitude car bien trop masculin. Montée sur ressort elle s’arracha du lit et s’effondra au sol, incapable de se mouvoir correctement.

« - Mais qu’est ce qui m’a foutu une... »

Après quelques tâtonnements, elle finit par se mettre debout et jeter un œil dans le cabinet de toilette attenant à la cabine. En découvrant le visage dans le miroir, un nouveau chapelet de jurons lui échapper. Elle n’eut pas le temps d’en dire plus qu’un gouffre s’ouvrait sous ses pieds.

Après plus d’une minute de réanimation le cœur de l’ex marine se remit à battre. Elle prit une grande inspiration qui lui déchira la poitrine. Dans l’instant, ses yeux s’embuèrent de larme alors que les événements lui revenaient d’un coup.

Incapable de dire un mot, elle tentait vainement de se raccrocher au souvenir de son rêve. D’autres images lui revenait pèle mêle, mais elle n’arrivait pas à les trier pour l’instant. La seule chose donc elle était sure, c’était que Zander était mort et qu’elle était à nouveau seule.

Mei ne se laissa pas décourager par l'échec du premier choc et poursuivit la réanimation de Nadja. Elle continua à la choquer pendant une bonne minute et lui fit injecter plusieurs injections de médicaments pour relancer son coeur, dépassant les doses maximum habituelles. Ce n'était pas quelque chose qu'elle hésitait à faire avec son amie, mais elle savait qu'elle ne devait pas exagérer non plus.

Finalement, l'organe vital repartit et l'ex-marine inspira un grand coup. De son côté, la médecin respira, mais elle restait inquiète de ce qu'il venait de se passer et de la possible hémorragie.

« Nadja ? Est-ce que tu m'entends ? Est-ce que tu sais où et quand tu es ? Tu viens de nous faire une sacré frayeur… »

Cette question allait devenir standard la concernant, au vu des derniers événements. Elle vit les larmes dans ses yeux, alors qu'elle allait vérifier ses pupilles, et s'arrêta.

« Jessie ? Vous pouvez nous laisser une minute et préparez les appareils pour les autres examens ? Merci. » demanda-t-elle doucement.

Son chef-infirmier fit signe à l'équipe de s'éloigner et de s'occuper de la suite, mais il resta à proximité, au cas où. Elle s'assit sur le lit puis prit et serra doucement les mains de Nadja, même si elle aurait fait bien plus si la situation l'avait permis, mais elle garda le silence. Rien de ce qu'elle pourrait dire ne pourrait alléger la douleur de son amie. Pas tout de suite en tout cas.

S’entendant interrogée, Nadja hocha la tête doucement. Oui, elle savait où elle était et quand, même si beaucoup de choses étaient floues.

« - C’est pour te remettre dans le bain plus vite, croassa-t-elle. »

La plaisanterie sonnait faux et elle serrait les dents pour ne pas s’effondrer en public. Heureusement, Mei congédia le reste du personnel et Nadja put se laisser aller. La douleur physique qu’elle ressentait à chaque respiration faisait écho à celle de son esprit. Finalement, la respiration à moitié coupée par ses sanglots, elle tenta de se redresser ce qui lui arracha un gémissement de douleur.

« - Quelqu’un sait ce qu’il s’est passé en bas ? Comment c’est arrivé ?"

Même si seul le sort de Zander lui importait réellement, Nadja se souvenait qu’il n’était pas seul dans son expédition. Et s’il y avait un responsable, elle ne donnait pas cher de sa peau. Elle essuya ses yeux en inspirant profondément, ce qui lui provoqua une nouvelle grimace de douleur puis regarda son amie.

« - Je pourrai jamais commander dans cet état-là. Il faut prévenir Bolger, qu’il prenne la suite. On rentre sur Atlantis de toute façon… »

Une nouvelle nausée la terrassa et elle eut juste le temps de se pencher vers une cuvette en métal avant de vomir un mélange de sang et de glaires peu ragoutant.

« - Ca s’aggrave, hein ? »

Elle aurait sans doute dû être inquiète mais à cet instant-là, elle s’en moquait éperdument.

Mei secoua la tête à la tentative de plaisanterie. C'était plutôt un bon signe qui montrait qu'elle était redevenue la Nadja qu'elle connaissait. Mais elle semblait souffrir.

« Il ne fallait pas te donner tout ce mal. Une simple bière, voir un verre de quelque chose de plus corsé, aurait suffit, tu sais. »

Elle l'aida à se redresser et la prit doucement dans ses bras, de manière spontanée, pour lui offrir un peu de réconfort.

« On lui a déjà fait passer le message, ne t'inquiètes pas de ça. » fit-elle en se reculant et en l'aidant à s'installer aussi confortablement que possible.

Elle aurait préféré ne pas répondre à la question suivante et attendre un peu, mais elle n'avait guère le choix.

« Tout ce que je sais, c'est qu'ils exploraient une épave et qu'il y a eu une explosion de type nucléaire. La raison est inconnue ou on a oublié de me le préciser. »

Elle n'ajouta rien de plus, n'ayant pas d'autres détails. Ce n'était peut-être pas le bon moment pour lui dire que ce qui était arrivé pouvait simplement être le fruit d'un accident ou d'un système de sécurité quelconque qui se serait déclenché alors qu'ils étaient à l'intérieur ou n'importe quoi d'autre... C'était terrible, mais cela faisait partie des risques inhérent à l'exploration, en particulier lorsque cela impliquait des technologies inconnues.

Elle grimaça carrément ensuite. Dire que son état s'était aggravé était un euphémisme, mais assez typique. Elle n'avait probablement consulté personne après sa disparition, laissant les choses dégénérées. La voir à nouveau cracher du sang n'annonçait franchement rien de bon.

« Oui, c'est le moins que l'on puisse dire. Tu m'as attendue exprès ? Je parie que tu n'as fait aucune visite en mon... absence. Trop occupée, c'est ça ? Où est-ce que tu as mal exactement ? Et quel type de douleur ? » fit-elle en récupérant le bassin qui allait partir au labo d'analyse.

Elle soupira doucement avant d'enchaîner, sachant que cela n'allait probablement pas plaire à son amie.

« Je sais que tu n'apprécies pas, il va falloir te faire passer toute une batterie de tests pour trouver ce que tu as. À commencer par une échographie et des radios. Tu saignes quelque part et il faut trouver où pour arrêter ça. Et prépare-toi à devoir refaire un tour dans le scanner. »

Elle se rendit soudain compte que ce n'était pas à elle de se charger d'elle, de par sa propre situation. Dans le feu de l'action, personne n'avait protesté, mais maintenant, il en irait probablement autrement, comme cela s'était produit avec Thena.

« Un autre médecin va devoir s'occuper de toi, mais je peux rester si tu veux. Officiellement, je ne suis pas apte au service et plus ou moins en liberté surveillée selon les ordres du commandant… » dit-elle, un poil contrariée.

« - Je serai pas contre une bière, moi non plus, mais je sens que tu vas pas être d’accord. »

Rire lui faisait un mal de chien mais ça n’était pas un souci. La douleur physique lui fournissait un excellent dérivatif à l’autre, bien plus insupportable.

Nadja avait entendu parler de cette épave, juste avant son départ. Elle était dans la zone radioactive de la planète et sans doute sa source. Mais une explosion nucléaire, qu’est ce qui avait bien pu se passer ? Une attaque ? Stella en aurait parlé. Et l’Achille n’était pas repassé au poste de combat. Un accident alors ? Elle ne le saurait peut-être jamais de toute façon.

« - Je suis venu une fois ou deux, éluda-t-elle. Mais j’étais occupée oui. Et j’avais pas très envie d’expliquer à nouveau mes histories a quelqu’un. »

Elle posa la main sous sa poitrine au centre de son torse pour montrer ou elle avait le plus mal puis le long de ses cotes.

« - J’ai du mal à respirer en fait. J’ai l’impression d’avoir courue vingt kilomètres a fond de train. »

La pensée de nouveaux examens à venir la fit grimacer mais il fallait bien en passer par la. Il faudrait juste qu’elle évite de démolir le scanner comme la derrière fois. Elle secoua par contre la tete quand Mei lui expliqua qu’elle allait devoir laisser sa place à un autre.

« - Surement pas. Je veux personne d’autre. Et si tu as besoins d’un ordre écris du capitaine, je te le signe de suite ! »

Elle s’était un peu emportée et elle dut s’arrêter pour reprendre son souffle, entre deux vrille de douleurs.

« - Ecoute. Quand je ferme les yeux, je vois d’autres blouses blanches en train de me charcuter la poitrine. Je sais pas ce qu’ils m’ont fait, ni même quand. Mais en ce moment, t’es la seule personne en qui j’ai confiance. »

« Non, pas tout de suite, effectivement. Mais j'espère bien que tu vas m'en offrir une plus tard. » répondit Mei.

Elle secoua la tête quand Nadja confirma qu'elle n'était pas vraiment venue consulter, mais elle comprenait aussi pourquoi elle avait rechigné. Elle n'aimait déjà pas de base cela, mais devoir réexpliquer son cas très complexe à quelqu'un d'autre n'était effectivement pas forcément évidement.

Elle l'écouta attentivement décrire sa douleur et où elle avait mal et nota les informations.

« Oui, ta saturation me dit la même chose. Quelque chose ne va pas. On va essayer d'améliorer ça et de soulager la douleur. » fit-elle en lui remettant le masque à oxygène sur le visage.

Elle sourit en l'entendant protester à l'idée d'avoir un autre médecin et insister pour que ce soit elle.

« De toute façon, je ne suis pas sûre de trouver un volontaire pour s'occuper d'une patiente modèle comme toi. Comme je te l'ai dit, on va commencer par une radio et une échographie du cœur. Si tu dois passer au scanner, on en reparlera avant pour faire si on peut te rendre les choses moins désagréables, d'accord ? »

Elle écouta la suite et hocha la tête aux explications. Elle faisait des attaques de panique en somme et cela faisait remonter des souvenirs refoulés par la même occasion.

« Ces blouses blanches, ce n'est pas ici. Tu n'as jamais eu besoin d'opération à ce niveau-là, dit-elle en refermant son dossier. Donc ça doit être à ton époque. Tu as l'air de penser que tu es morte lors de la mission sur le Romanov. Mais peut-être qu'en réalité, les médecins ont réussi à te sauver la vie. Ce que tu vois sont probablement des flash de l'intervention, probablement dû à une anesthésie défaillante. Ça arrive parfois suite à un mauvais dosage ou à une résistance aux drogues utilisées. Je te concède que c'est traumatisant, par contre. La technologie pour faire pousser des organes comme le cœur existait ? » demanda-t-elle.

Si les événements avaient aussi traumatisants qu'elle le laissait entendre, il était possible que son cerveau ait simplement bloqué le tout. Ou peut-être que les médecins avaient quelque chose à voir là-dedans. Elle ne serait pas vraiment surprise d'apprendre que c'était le cas. Mais c'était un mystère qui devrait attendre un autre jour.

Quand Mei lui parla de réduire la douleur, Nadja secoua la tete (ce qui n’était sans doute pas la meilleure idée, vu la nausée qui suivie ce simple mouvement).

« - Je préfère avoir mal. Ça m’évite de trop penser… Tu comprends ? »

L’inquiétude de son amie était visible malgré tous ces efforts. Cette fois, elle s’était pas ratée. Et elle ne savait même pas comment. L’ex marine hocha la tête quand le sujet scanner revint sur le tapis. Elle se moquait éperdument de son confort à ce moment précis mais autant éviter de tout casser.
L’explication qu’elle lui donna ensuite était la plus probable. Même avec la technologie dont disposerait les humains d’ici un siècle, la résurrection restait du domaine du mythe. Mais le médecin ne disposait pas de tous les éléments.

« - Tu comprends pas. On m’a délibérément fait oublier. J’ai des souvenirs de notre fuite du Romanov, de l’explosion de la navette… mais d’un autre côté, je me vois mourir à bord… ça colle pas. Et la psychochirurgie, je sais que ça existait. Implanter de nouveaux souvenirs dans la tête des gens, j’en avait entendu parler. Mais la, maintenant, je sais pas te dire quelle version est la bonne. Parce que je m’explique pas pourquoi on aurait dépensé tant d’efforts pour maintenir en vie un petit sergent des marines. Ou inversement, pourquoi on aurait voulu me faire croire que j’avais été tué à bord, sans que l’implant mémoriel ne fonctionne. Dans les deux cas, ça n’a aucun sens. Mais dans les deux cas, ces médecins ne me voulait pas du bien et ça me rend un tantinet parano.»

Depuis quelques mois, elle soupçonnait que sa mémoire avait été altéré. Elle en était à présent certaine mais cela ne voulait pas dire qu’elle en comprenait les raisons. Finalement les outils d’analyses arrivèrent et elle soupira de résignation avant de se prêter au jeu.

Surtout ne pas penser.

Mei secoua la tête quand Nadja lui dit qu'elle préférait souffrir. Elle entendit clairement le "physiquement" sous-entendu et elle comprenait très bien pourquoi. Elle devrait faire face tôt ou tard à la mort de son mari, mais peut-être valait-il mieux ne s'occuper que d'une chose à la fois.

« Comme tu veux. Mais si ça devient insupportable, dis-le. On peut la réduire un peu tout de même. Il faut que je puisse te faire les examens sans que tu hurles ou te tordes de douleur, parce que ça risque de me compliquer la tâche. »fit-elle.

Elle écouta la suite avec intérêt et réfléchit quelques instants, tandis que Jessie amenait les appareils.

« La psychochirurgie ? Le futur a l'air d'aimer aller trifouiller dans la tête des gens pour jouer avec. Je ne peux pas dire que j'approuve vraiment, mais autre temps, autre mœurs. En ce qui te concerne, et sans être une experte, j'aurais tendance à penser que la version de ta mort est celle qu'ils cherchaient à te dissimuler, puisque ce sont ces souvenirs qui remontent, je me trompe ? Quand à leurs raisons, nous ne le saurons jamais, mais ils devaient avoir besoin de toi, j'imagine. Qui pourrait résister à ton charme ? Est-ce qu'il y a un moyen de vérifier ce que tu racontes ? Je suppose que ce que tu appelles "implant mémoriel", ce sont ces faux souvenirs implantés et que ce n'est pas un implant au sens physique du terme ? Et je comprends mieux que tu n'apprécies pas les médecins… » dit-elle.

Jessie annonça qu'ils étaient prêts pour la radio. Au moins, c'était une procédure rapide et non invasive. Elle s'occupa ensuite de l'échographie. Elle n'aimait ce qu'elle voyait et elle apprécia encore moins les radios des poumons. Elle revint s'asseoir, l'air grave. Elle était encore incapable d'expliquer ce qui arrivait à Nadja et donc, de pouvoir le traiter efficacement.

« Tu souffres de plusieurs problèmes. D'abord, tu as une insuffisance cardiaque provoqués par des caillots qui obstruent les artères. Je voudrais faire intervenir un cardiologue pour déterminer avec lui le meilleur traitement. Mais ce sont tes poumons qui m'inquiètent le plus. Ils se nécrosent, sans raison apparente. Tout ce que je peux faire pour le moment, c'est retirer les parties nécrosées pour tenter d'enrayer le processus et éviter que cela s'étende ou provoque une infection. Et je vais envoyer un prélèvement pour analyse pour essayer de déterminer les causes. Ta capacité respiratoire va s'en trouver diminuée, de manière permanente. Là encore, on peut te donner des médicaments atténuer la gêne et gérer les crises. » lui expliqua-t-elle, attendant ses questions.

Et ce n'était que le début, car Nadja allait devoir modifier certaines choses dans son style de vie et notamment mettre la pédale douce sur le sport et les entraînements, ce qu'elle risquait de ne pas du tout apprécié, surtout en ce moment. Mais elle risquait de s'apercevoir assez rapidement par elle-même de ses nouvelles limites. Il fallait juste espérer qu'elle les accepterait et les respecterait.

« - Ok je te dirai… Et je ferai ce que je peux pour ne pas trop t’embêter, promis. »

Comme souvent avec la médecine du futur, Mei écouta patiemment et répondit, toujours aussi intéressée.

« - Que veux tu, on trifouille comme on peut… Mais je suis d’accord, c’est l’option la plus probable… Pas la plus agréable cela dit. Apres j’y connais pas grand-chose, hein ? Mais oui je parle bien de souvenir implanté, pas d’un truc physique. Enfin je crois. »

Les analyses qui suivirent furent douloureuses et aussi désagréable que prévue. Ce qui lui convenait parfaitement. Nadja fit ce qu’elle pouvait pour ne aps trop bouger ni crier, se contentant de grigner et gémir à une ou deux occasions.

Le visage de son amie était grave quand elle se réinstalla prés d‘elle, signe de mauvaise nouvelle. Elle l’écouta attentivement puis haussa les épaules.

« - Ou alors tu peux ne rien faire et me laisser… Ok ! Ok. Me regarde pas comme ça. Fais ce que t’as à faire. De toute façon, tu fais que regarder, si je comprend bien. »

Elle n’était pas croyante en une quelconque divinité et ce qu’elle savait sur l’univers avait confirmé cette non croyance. Mais la, la perspective d’une seconde vie ou elle rejoindrait Zander était plus que réconfortante, même si parfaitement illusoire.

Mei se figea et ses yeux se voilèrent un instant, puis elle jeta un regard peiné et douloureux à Nadja sur le fait de la laisser mourir. Elle tira le tabouret et s'assit, l'air sérieux. Ses propos ne la faisait pas rire, mais pas du tout.

« Tu ne devrais pas plaisanter sur un tel sujet. Je pourrais ne rien faire si c'est ce que tu voulais. En tant que patiente, tu as le droit de refuser les traitements qui te sont proposés. Bien sûr, en tant que médecin, mon travail sera de te convaincre de revenir sur ta décision et d'accepter les soins. Mais au final, c'est toi qui as le dernier mot. Il me semble te l'avoir déjà dit, mais je ne peux te forcer à rien. C'est en partie pour ça que je n'ai pas insisté pour les antidouleurs tout à l'heure. Je me dois de respecter tes choix, même si je ne les approuve pas. Et tu peux aussi décider qu'on ne s'acharne pas sur toi à la fin, si tu ne veux pas finir brancher sur des machines indéfiniment. Il existe des formulaires pour ça et tu peux aussi confier à quelqu'un la charge de t'assurer que tes instructions sur le sujet soient connues et respectées. »

Elle n'aborda volontairement pas le dernier point sur le fait que c'était la famille qui prenait la décision en dernier ressort, si aucune instruction n'existait. Ce n'était peut-être pas le moment idéal de parler de ça.

La voir prendre à la légère ce sujet lui avait noué l'estomac et l'avait renvoyé à quelques jours en arrière, sur le JPS. Combien de fois au cours des six dernières semaines avait-elle entendu des "patients" demandant à mourir et combien de fois avait-elle dû aller à l'encontre de leur volonté, alors qu'elle aurait tant voulu exaucer leurs souhaits et mettre fin à leur calvaire ?

Elle secoua la tête.

« Je ne vais pas faire que regarder. C'est le même principe d'une amputation pour cause de gangrène. Tu enlèves les tissus morts dans l'espoir de protéger les tissus sains et le reste du corps. Mais je ne te cache pas que je ne sais pas si cela fonctionnera, parce que je ne sais pas ce qui provoque cela. Et avant de te mettre sous antibiotiques au cas où il s'agirait d'une infection, je préfère m'assurer que c'est bien ce que tu as, pour pouvoir la combattre le plus efficacement possible. Dans tous les cas, je dois pratiquer une biopsie pour en prélever un morceau pour analyse. »

Et si elle n'y arrivait pas et que la nécrose se poursuivait, ce qu'elle venait de dire concernant ses directives avait encore plus d'importance… Mais elle n'allait pas se montrer défaitiste tout de suite.

Nadja n’était toujours pas habituée à avoir son mot à dire dans ses choix de vie. Elle regarda son amie avec un sourire triste, essayant de trouver ses mots.

« - Je crois que je m’y ferais jamais. Mais je plaisante qu’a moitié, tu le sais. Je te propose un deal, tu me soigne, tant que ça veut dire que je peux tenir sur mes jambes et botter des culs de Goa’uld. Mais quand je pourrais plus, tu t’acharnes pas. J’ai déjà vu ça et c’est vraiment moche. Je refuse de finir dans une machine, juste parce que personne n’ose me mettre une fléchette dans la tête. »

Elle saurait s’en occuper elle-même quand le temps viendrait. Inutile de le vocaliser cela dit, Mei devait déjà parfaitement le savoir.

Même si elle avait compris de quoi parlait le médecin, le terme d’amputation la fit frissonner. Affronter des monstres, des soldats ou quoi que ce soit d’autres lui faisait finalement moins peur que de sentir son propre corps la trahir.

« - Fais ce que tu as faire, Mei. On est sur ton terrain la et je ne peux pas combattre cet ennemi. Tu pensais pas continuer à me bricoler des années plus tard quand t’as sorti ces bouts de métal de mon dos, pas vrai ?»

Se souvenir de son arrivée en fanfare la faisait généralement sourire, mais aujourd’hui, tout lui paraissait décidément sinistre. Elle se réinstalla le plus confortablement possible et attendit la suite. Son cerveau se fixa sur le montage et le démontage d’un pulseur mitrailleur et elle passa en revue toutes les opérations nécessaires au bon entretient de cette arme. Surtout ne penser à rien d’autre.

Mei approuva de la tête la requête de Nadja. Elle n'en était pas surprise. Cependant, débrancher un patient était une chose, mais Nadja était bien plus que cela. Serait-elle capable de ne pas s'acharner comme elle le lui demandait ? Elle savait qu'elle le ferait, mais probablement pas avant d'avoir la certitude qu'elle avait épuisé toutes les solutions pour la sauver. Elle n'avait pas franchement envie de creuser la question pour l'instant, mais elles devraient en rediscuter plus tard.

« Je vais t'apporter les papiers ou il faudra que tu l'écrives pour qu'on l'ajoute à ton dossier, pour le cas où ce serait quelqu'un d'autre que moi qui s'occuperait de toi. »

Elle se revit soudain sur le JPS et d'autres lui faire la même requête sans pouvoir la satisfaire... C'en était trop. Elle ressentit soudain le besoin de quitter l'infirmerie pour échapper à tout ça.

« - Jessie ? Avant de l'opérer, il va s'occuper de soigner son cœur pour la stabiliser. Je laisse t'occuper de tout préparer. Oh, vaut-il mieux faire ça ici ou sur Atlantis ?
- Comme vous voulez, mais il faut d'abord que je vérifie avec eux et que je vois si c'est possible.
- Tiens-moi informée. Je reviens... » leur dit-elle en se levant.

Elle avait à peine fait quelques pas avec l'idée d'aller s'enfermer cinq minutes dans ses quartiers, qu'une infirmière qu'elle ne connaissait pas et qui avait hérité d'Isaac arriva au même moment et lui mit le bébé d'office dans les bras en lui donnant un biberon.

« Je suis désolée docteur, mais c'est bien vous qui êtes responsable de ce nourrisson ? Je dois faire la tournée des patients et administrer les traitements, ce que je ne peux pas le faire avec lui dans les bras. En plus, c'est l'heure de le nourrir, si je ne me trompe pas, mais il n'y a personne de disponible pour se charger de ça. Alors si vous pouviez vous en occuper en attendant que j'ai fini… » annonça-t-elle.

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et fit demi-tour vaquer à ses occupations, la laissant désemparée. Le nourrisson ne perdit pas le nord et se mit à réclamer ce qui lui était dû. Elle soupira et retourna d'où elle venait pour reprendre sa place sur son tabouret.

« Visiblement, je suis de corvée biberon pour mon autre patient… » fit-elle.