Quitte ou double

Aeryn referma la porte de son bureau et prit un moment pour inspirer profondément. Il était indispensable d'éviter cet affrontement. Mais il s'agissait là de deux grandes puissances et d'un nombre incalculable d'appareils et de vies. Elle ne pouvait pas prendre une décision à la légère. Voilà plusieurs mois qu'elle avait donner des consignes pour le moins discutables à ses hommes chargés de la surveillance et de la téléportation. Ils devaient être vigilant à tout envoie de tête nucléaire et autres projectiles de grande envergure et les téléporter en dehors de l'atmosphère. Elle était consciente que cela ne résoudrait pas les tensions et que le JPS ne pouvait intervenir que sur la moitié de l'hémisphère mais c'était toujours mieux que rien. Une tête nucléaire qui disparaissait, c'était des centaines de millions de vies sauvées.

Mais aujourd'hui, il s'agissait de bien plus gros et on ne pouvait pas téléporter ainsi des gens qui n'avaient aucune idée de l'existence même de ce procédé.

Soudain, l'irlandaise se figea et fronça les sourcils. C'était peut-être ça la solution. C'était risqué. Très risqué. Elle risquait de perdre beaucoup mais avait-elle un autre choix ?

Alors qu'elle faisait un pas en avant pour rejoindre son bureau, des coups résonnèrent contre la porte. C'était son assistant qui s'était dépêcher de la rejoindre, comme demandé.

"Gary, je voudrais vous demander quelque chose de particulier. Ce n'est pas un ordre et vous pouvez parfaitement refuser."

"Je ferai ce que vous me demanderez Docteur."

Aeryn sourit. Le technicien avait toujours été quelqu'un sur qui compter.

"Je voudrais que vous alliez chercher Adam à l'école et que vous le rameniez ici."

Le technicien hocha la tête.

"Autre chose ?"

"C'est déjà beaucoup. Merci."

Gary sourit et sortit de la pièce. Aeryn saisit immédiatement son téléphone et appela l'école pour les prévenir de l'arrivée imminente de son assistant afin qu'ils ne lui fasse pas de difficultés.

Puis, elle s'assit sur son siège et se servit de sa ligne sécurisée pour contacter la maison blanche. Elle n'avait presque jamais utilisé ce numéro et s'en félicitait mais aujourd'hui, elle n'avait plus vraiment le choix. Le visage d'un homme en costume étincelant s'afficha sur l'écran de son ordinateur alors que la caméra se mettait en route de son côté.

"Docteur Sincet, notre gouvernement a quitté l'ONU et nous n'avons plus aucun rapport à avoir avec le SDT."

"Je sais mais il est important que je parle au président rapidement."

"Je suis désolé mais cela ne va pas être possible. Ne tentez plus de nous contacter."

Alors que le général allait raccroché, Aeryn reprit la parole.

"Attendez ! Il a tout intérêt à m'écouter. Ou alors vous n'aurez qu'à lui transmettre mon message."

L'attention de son interlocuteur sembla piqué au vif mais l'irlandaise ne voulait pas trop pousser sa chance.

"Je sais que votre flotte est sur le point d'attaquer la Chine et je veux que vous retiriez vos navires. Un affrontement serait catastrophique. A l'échelle mondiale et vous le savez !"

"Nos agissements ne vous regardent en rien et …"

"Nous avons une équipe qui enquête sur l'attaque de votre base de Diego Garcia et justice sera rendue mais pas comme ça ! Je suis prête à intervenir si nécessaire. Et cela sous-entend l'intervention de technologie dont la population ignore l'existence. Ce sera inattendu et provoquera sans doute une panique générale mais au point où on en est il n'y a plus rien à perdre. Vous savez aussi bien que moi que si on ne fait rien il n'y aura bientôt plus de population dont il faudra s'inquiéter."

Et si cela pouvait détourner l'attention ou avoir un effet dissuasif, alors tant mieux. Le général resta silencieux un long moment en fixant l'écran.

"Vous bluffez."

"J'aimerai bien."

L'air déterminé, Aeryn rendit son regard à son interlocuteur.

Aeryn soupira dès que le général pris la parole. Encore un vieux gradé qui ne supportait pas qu'une femme dirige une organisation de cette envergure, … ou peut-être même le simple fait qu'une femme travaille, d'ailleurs, … La position de son président à ce propos n'était pas un secret d'Etat. Evidemment, il ne chercha pas à réfléchir sur son propos. l'avait-il seulement écouté ? Non, il était plus mature et constructif de lui fermer simplement la porte au nez, comme l'aurait fait un enfant gâté à qui on aurait refuser d'acheter un jouet. L'irlandaise faisait de son mieux pour contrôler sa propre colère face à cette situation ridicule et grimaça légèrement lorsque son interlocuteur affirma que l'accord négocié par Lawrence ne tenait plus. Etait-il sérieux ? Etait-on revenu à l'école primaire ? Mais avant qu'elle n'ait pu ouvrir la bouche, le général coupa la communication et son écran redevint noir.

"Mais quel con !"

La jeune femme jeta un oeil à sa cafetière, posée non loin mais repoussa cette idée. Elle était déjà bien assez remontée comme ça. Mais si elle ne faisait rien, l'attaque du Pacifique aurait lieu et tout serait perdu. Alors elle prit son téléphone et envoya un message à Thomas.

[J'ai demandé à Gary d'aller récupérer Adam et de le ramener ici. Je ne serais peut-être pas là quand il va arriver. Il faut que tu t'occupe de lui et que tu trouves à qui le confier pendant ton absence si je ne suis pas revenue. Je t'aime.]

L'irlandaise se rendit alors dans ses quartiers, y récupéra le bouclier personnel qu'elle avait fait pour Adam et gagna le premier pont. Lorsqu'elle entra dans le centre de contrôle, elle se dirigea directement vers Garfield Preston, le technicien responsable de la téléportation.

"J'ai besoin que vous me téléportiez dans le bureau ovale, à la maison blanche et que vous écoutiez ce qu'il va s'y passer. Si je m'adresse à vous, il faudra que vous fassiez ce que je demande sans délai. Est-ce que vous pouvez faire ça ?"

Après avoir eu sa confirmation, elle se recula légèrement et activa son bouclier.

"C'est quand vous voulez Preston."

Aeryn inspira profondément et fut innondée de lumière blanche. Lorsque le décors autour d'elle se fit de nouveau net, elle leva les mains en signe d'apaisement.

"Je ne suis pas armée."

Elle chercha des yeux le président qu'elle méprisait en silence en se désolant qu'il ne s'agisse pas de son prédécesseur qui semblait plus raisonnable.

A suivre ici.

Dans une lumière aveuglante, Angelika Karlsson apparu dans la salle des anneaux. En tailleur, un chignon parfait tiré à l’arrière du crâne, elle leva la tête vers le garde en faction qui la regarda d’un air surpris et se mit aussitôt au garde à vous. Sa mine grave et son regard dur ne présageait rien de bon. Elle fit juste un hochement de tête et sortit de la pièce d’un pas rapide. En arrivant dans le couloir, elle vit tout de suite de quelques chose n’allait pas. C’était l’effervescence, les techniciens se pressaient entre la salle de contrôle et celle de la porte des étoiles.
Elle continua son chemin et descendit de deux étages jusqu’au bureau de Aeryn Sincet. Elle frappa et entra, trouvant le bureau vide. Elle envoya un rapide message sur son commutateur:
“ Je vous attend dans votre bureau, maintenant.”

Juste après l'envoi, Karlsson reçu un appel.
" Oui, j'y suis…."
Tout en écoutant son interlocuteur, apparemment furieux à l'autre bout du fil, elle se pinça l'arête du nez entre son pouce et son index.
" Je comprends,... oui, je vous remercie…. Je n'y manquerai pas…"

La diplomate raccrocha et poussa un soupir en jetant un regard à sa montre.

Aeryn avait hésité à passer voir Adam avant de rejoindre son bureau mais s'était abstenu. Faire attendre Karlsson était sans doute une mauvaise idée. Elle avait toujours les manches de sa chemise relevées sur ses avants bras lorsqu'elle poussa la porte de son bureau sans frapper. Après tout, s'était sa pièce à elle. Encore pour quelques minutes au moins, …

"Madame la présidente."

L'irlandaise s'arrêta non loin de son aînée en se demandant ce qui allait lui arriver.

"Je suis désolée mais nous avons un certains nombre de situation périlleuses à régler en même temps et nous risquons d'être interrompues à tout moment."

Autant être franche dès le départ. Entre Zander qui dérivait dans l'espace bien trop près du soleil, la porte des étoiles inutilisable alors qu'ils avaient un certain nombre d'équipe en mission et la situation sur Terre, ce n'était clairement pas le moment le plus calme qu'ait connu la station.

"Je pense savoir pourquoi vous êtes là et j'admets que ce n'était peut-être pas le plus malin mais j'ai agis comme je le pensais le mieux dans une situation d'urgence."

Si elle voulait bien accepter la responsabilité de ses actes, il était hors de question qu'elle s'excuse d'avoir voulu bien faire.

Aeryn fit son entrée et salua Angelika.
«  Docteur Sincet » répondit-elle en penchant la tête laissant la chef du JPS parler.

Karlsson leva le menton d'un air intéressé lorsque Aeryn évoqua un certain nombres de problèmes en cours, mais ne dit rien. L'irlandaise dit ensuite connaître la raison de la présence de Karlsson aujourd'hui et se défendit de son geste.
Angelika laissa passer un long silence en se pinçant les lèvres.
«  Docteur, vous savez que j'ai toujours eu beaucoup d'estime pour votre travail, et que j'ai toujours défendu le fait que vous étiez la meilleure pour ce poste. Mais si vous me le permettez... c'est quoi ce bordel ?! » lâcha t-elle.
Cette vulgarité soudaine avait de quoi choqué toute personne ayant un tant soit peu côtoyé la suédoise, toujours très distinguée autant pas l'apparence que par le language.
«  Qu'est ce qu-il vous a prit de vous téléporter directement dans le bureau du Président des États Unis d'Amérique ? En temps normal il s'agirait déjà d'un affront, mais étant donné nos relations actuelles avec eux, il s'agit presque d'une déclaration de guerre aux yeux de leur Président. »
Karlsson leva une main pour temporiser ses propos.
«  Entre nous, nous savons toutes les deux que l'homme n'est pas pourvu du jugement le plus fin, mais justement, raison de plus ! Nous marchions déjà sur des œufs avec eux, à présent ce sont des tessons ! Pourquoi donc avez-vous décidé de faire cavalier seul en passant outre la hiérarchie ? Pourquoi ne pas m'avoir contacté directement ? Je n'ai peut-être pas la téléportation mais j'ai une ligne directe avec le Président. »

Karlsson pencha la tête sur le côté pour marquer une pause et continua.
" Bon. Je ne suis pas là pour réécrire le passé, sachez seulement que vous devrez payer les conséquences de vos actes. Et croyez-moi, j'ai le bras long, mais pas assez pour vous épargner en totalité, je le crains. En attendant, dites moi donc, quels sont ces "situations périlleuses" qui vous préoccupent tant à bord. J'ai pu remarquer une certaine agitation sur le pont 1." demanda t-elle finalement.

Aeryn grimaça légèrement lorsque Karlsson se mit à jurer. C'était suffisamment exceptionnel pour refléter la merde dans laquelle l'irlandaise se trouvait mais, en compraison avec le sort de la planète, le sien devenait anecdotique.

"Lorsque j'ai eu l'information des flottes qui étaient en chemin, il ne restait que très peu de temps. J'ai appelé d'abord mais je suis tombée sur un général arrogant et misogyne qui n'a pas écouté un mot de ce que je lui disais. Alors je me suis dit que c'était un coup à tenter. Je encore être trop naïve pour croire qu'il y a encore des gens un minimum intelligent aux commandes de nos pays, …"

La jeune femme soupira avant de reprendre.

"Je suis désolée, madame la présidente. J'ai aussi énormément d'estime pour vous mais, sauf votre respect, vous savez comme moi que, dans ce genre de cas, il vous aurez fallu réunir tout le monde pour tenir une réunion d'urgence et statué de l'action à mener, ou pas. Et cela aurait été bien trop long, …"

L'irlandaise resta silencieuse un moment, espérant ne pas avoir vexé la suédoise avec qui elle entretenait de plutôt bonnes relations depuis le départ.

"Mon geste a été inutile et, comme vous l'avez dit, a même empiré les choses. Mais il fallait que je tente quelque chose. Je ne sais pas bien de quelles conséquences vous parler mais je les assumerai pleinement. Je vous demanderai juste de me laisser prendre des dispositions pour mon fils. Son père est en mission actuellement et je ne peux pas le laisser tout seul.

Devoir éloigner Adam était quelque chose de difficile. Si le tribunal du SDT jugeait qu'elle avait précipité la crise, elle pouvait être emprisonnée. D'ordinaire, elle aurait demandé à ses parents ou à l'un de ses frères de s'occuper du garçon mais dans un climat de guerre nucléaire, aucun endroit sur Terre n'était totalement hors de danger.

"Pour ce qui est de la station, en dehors des différents conflits sur Terre, nous avons découvert un satellite goa'uld espion autour du solei qui a explosé il y a peu. Je ne sais pas encore comment mais cela a provoquer une fusion des cristaux de la porte des étoiles. Elle est irrécupérable. J'ai donner l'ordre d'envoyer immédiatement une équipe pour tenter d'en trouver une autre avant de vous rejoindre ici."

Il était inutile de préciser les dégâts que l'absence d'une porte pouvait engendrer sur un programme d'exploration extra-solaire. En tant que dirigeante du SDT, Karlsson le savait aussi bien qu'elle.

Karlsson laissa Aeryn s'exprimer sans intervenir. Mais lorsqu'elle évoqua les conséquences et la possibilité de prendre ses dispositions pour son fils, Angelika leva une main.

" Docteur Sincet", commença t-elle en se penchant légèrement vers elle sur le ton de la confidence, "je ne vous relève pas de vos fonctions, pas encore, et j'ose espérer ne jamais devoir le faire. Mais il s'agit maintenant plus qu'une question de temps avant que quelqu'un ne demande votre tête, sachez-le. Et je crains qu'alors mon soutien pour vous ne fasse pas le poids. "
Karlsson écouta ensuite les nouvelles concernant la porte des étoiles. Elle fronça les sourcils, soucieuse.

" Je vois. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps dans ce cas. Envoyez moi de petits rapports réguliers sans formalités directement sur mon commutateur, je vous prie."
Karlsson tendit alors la main à Aeryn et la serra chaleureusement. Son visage était toujours grave.
" Trouvez nous vite une nouvelle porte. Occupez-vous de là-haut et laissez moi gérer là en bas. On est bien d'accord ?"

Aeryn retint un soupir de soulagement lorsque Karlsson l'arrêta. Elle ne risquait pas sa place. Pas pour l'instant. Mais, ce n'était pas tant son poste qui l'inquiétait que le risque de ne plus pouvoir voir son mari et son fils. Mais visiblement ce n'était pas encore à l'ordre du jour. Cependant, la présidente du JPS ne lui cacha pas que cela pourrait rapidement arriver. L'irlandaise hocha légèrement la tête.

"J'en suis consciente mais merci quand même."

Elle savait que, si cela ne suffisait sans doute pas, la confiance de la suédoise valait son poids. La jeune femme s'attela ensuite à résumer la situation actuelle à sa supérieure et acquiesça à sa demande. Elle lui faisait clairement comprendre qu'elle ne devait plus mettre son nez dans ce qu'il se passait à la surface de la planète bleue.

"Je vous tiendrai informée mais, si vous le permettez, j'aimerai également avoir des nouvelles de ce qui se passe en bas. Je ne ferai rien sans votre accord, vous avez ma parole."

Parce qu'il y avait tout de même des enjeux importants pour elle, comme pour tout membre du JPS et qu'elle ne pouvait pas les ignorer. De plus, une partie de son personnel était sur Terre en mission actuellement et elle ne pouvait pas se permettre d'ignorer ce qu'il se passait pour eux.