Créance de sang

Vendredi 9 novembre 2018

Installée dans un fauteuil du bureau du docteur Teoh, Nadira dégustait sirota son café tout en balayant la liste des membres du personnel transféré depuis l’Achille vers la station. Elles avaient procédé à l’exercice inverse quelques minutes auparavant.

Les deux médecins chef avaient pris le parti de se rencontrer tous les six mois pour échanger sur les départs et arrivées dans leur juridiction. Les échanges entre les bases étaient rares mais il y en avait assez en six mois pour justifier une telle réunion. Techniquement, elles avaient d’ailleurs l’une et l’autre la possibilité de refuser la venue d’un nouveau membre d’équipage mais cela n’était encore jamais arrivé.

Mei venait de passer en revue les sept transferts et l’égyptienne les valida en appuyant son pouce dans le coin droit de sa tablette.

« - Bien, merci de cette présentation. Et n’oubliez pas de prendre soin du docteur Kent. Il est doué dans son domaine et plutôt beau garçon ce qui ne gâte rien. »

Elle lui fit un grand sourire avant de charger un autre programme sur sa tablette.

« - Je voulais vous parlez d’un autre sujet. Vous vous souvenez de ces analyse que j’ai demandé pour le chef Cook il y a deux mois ? Comme je vous l’ais expliqué, je cherchais une enzyme qui avait contaminé son mari. Heureusement, cette contamination c’est révélée non contagieuse comme l’a montré l’analyse que vous m’avez transmise. J’ai cependant noté autre chose dont je voulais vous parler. »

Elle marchait sur des œuf ici car le chef n’était pas sa patiente et le docteur Teoh était très protectrice de ces patients, exactement comme elle au final. Mais elle ne pouvait pas ne pas en parler.

« - Vous vous souvenez sans doute que j’ai été la première à examiner un échantillon sanguin de notre voyageuse temporelle, pour prouver ces dires au sujet de sa filiation. Mais son échantillon contenait bien d’autre chose. A commencer par des anticorps à la plupart des maladies connues y compris pour celle dont on ne dispose pas de vaccin à l’heure actuelle. Vous imaginez l’intérêt que ça peux avoir pour une virologue. Du coup, lorsque vous m’avez envoyer les résultats, j’en ai profité pour les comparer. »

Elle afficha un graphe ou s’étalaient un certain nombre de données.

« - En bleu, ce sont les résultats par type d’anticorps du premier prélèvement, il y a deux ans. En rouge le nouveau. »

Le résultat était sans appel, la ligne rouge était partout largement en dessous de la première a une exception prés, les anticorps anti-HLA. Cela dit, aucun taux n’était en soit inquiétant, seule la superposition des deux séries d’informations pouvait attirer l’attention.

Dernière édition par Nadira Garett le Mar 8 Jan 2019 - 23:20, édité 1 fois

Mei buvait du thé en lisant les dossiers dans le cadre de la réunion sur l'échange de personnel entre l'Achilles et le JPS. Les demandes de transferts étaient suffisamment régulières pour le justifier. Le personnel embarqué demandait régulièrement à pouvoir pouvoir travailler sur la station, notamment ceux qui avaient des familles, après deux rotations à bord, avant de revenir. Cela donnait l'opportunité au personnel du JPS de venir découvrir la vie et le travail de leurs collègues sur le vaisseau.

« Je note. Le personnel féminin va être ravi de sa présence, le masculin un peu moins. » fit-elle en souriant.

Elle valida les dossiers avant d'écouter Nadira concernant Nadja, qui avait un peu le moral dans les chaussettes en ce moment en raison du départ de son mari. Elle hocha la tête, voyant à quoi sa collègue faisait allusion.

« Oui, je me rappelle. Et oui, je comprends l'intérêt particulier pour vous. Mais je pense que tous les médecins sont intéressés par le sujet et pas seulement. » dit-elle.

Ce n'était pas son domaine, cela avait aussi attisé sa curiosité. Elle regarda le graphisme. Si elle avait noté la diminution des anticorps. Cela pouvait simplement montrer que la protection n'était pas permanente. Malheureusement, ils ne seraient pas en mesure de la renouveler, du moins pas pour tout. Elle n'avait donc pas relevé.

« J'avais remarqué la diminution des anticorps, mais votre graphique donne une autre perspective aux données. Le fait que le taux d'anti-HLA ne bouge pas me laisse en revanche songeuse. Il n'y a rien d'alarmant en soi pour l'instant, mais cela mérite d'être suivi de plus près, surtout vu ses origines. Cela indique peut-être un problème plus grave, mais si c'est quelque chose lié à des technologies médicales du futur, nous aurons peut-être du mal à comprendre quoi et surtout à pouvoir intervenir pour la soigner de manière adéquate. Vous avez un avis sur la question ou des suggestions ? » demanda-t-elle.

Sa collègue devait en avoir certain un, sinon elle ne lui aurait pas montré ces données et elle était curieuse de l'entendre. Nadja étant un cas à part et elle prenait tous les avis en considération en cas d'anomalies, surtout lorsque cela ne relevait pas de son champ d'expertise.

Au moins, Mei n’avait pas mal pris son ingérence. Elle lui confirma qu’elle avait également noté la baisse d’anticorps chez sa patiente, ce qui n’avait rien d’étonnant, mais la vision qu’apportait Nadira était révélatrice.

«- Proportionnellement, les anti HLA augmentent. Même si ça ne parait pas inquiétant pour l’instant, il doit exister une cause à ce problème. Vous savez si le Chef Cook a reçu une transplantation à un moment de sa vie mouvementée ? »

Ça ne paraissait pas totalement aberrant de le penser. A moins d’avoir eu une chance insolente, elle avait du être blessée a plusieurs reprise dans sa vie militaire.

« - Vous pourriez aussi l’interroger sur d’éventuels traitements préventifs qu’elle ait pu recevoir. Il est concevable que les militaires de son époque se voyait injecté des doses de vaccin génériques régulièrement. Un peu ce que nous faisons avec les équipes d’exploration et les cocktails d’antibiotiques qu'ils recoivent en revenant de mission d'exploration. Du coup, ce que nous voyons ici ne serait qu’une adaptation de son corps à puiser dans ses propres défenses. »

Elle n’y croyait pas vraiment mais devait quand même exposer toutes les hypothèses.

« - Sinon… nous assistons ici aux prémices d’un effondrement de son système immunitaire. Et je ne suis pas certaine que nous pourrons y faire grand-chose. Mais ça reste le scénario le plus pessimiste, je vous l’accorde. »

La vérité se trouvait sans doute entre ces deux extrêmes. Seule des analyses plus poussées sur le chef permettraient de se faire une idée. Xinan lui envoya soudain une image, dont elle se serait bien passée, sur les idées qu’il avait concernant des analyses poussées. Faussement outrée, elle l’envoya balader en le traitant de vieux pervers et se reconcentra sur la discussion.

Mei écouta attentivement Nadira. Elle avait tiré des conclusions similaires concernant certains points. Elle ouvrit le dossier de Nadja pour consulter les informations contenues dans son implant. Rares étaient ceux à y avoir accès.

« Pour les anticorps, je pensais qu'il s'agissait d'une diminution de l'efficacité des vaccins dans le temps, nécessitant des rappels réguliers. Je trouve ça curieux vu leur niveau dans certains domaines, mais peut-être n'ont-ils pas encore réussi à résoudre cette contrainte. Nous pouvons en renouveler certains si nécessaire, mais nous ne pourrons certainement pas lui offrir le même niveau de protection qu'elle avait à son époque. Je lui poserai la question concernant les traitements préventifs éventuels, mais je doute qu'elle soit en mesure de me fournir des renseignements précis. Vu ce que je sais de son époque, je ne serais pas surprise que ça ne lui soit même pas venue à l'esprit de poser la question et même si elle l'avait fait, je ne pense pas qu'on lui aurait donné tous les détails. » dit-elle en haussant les épaules.

Pas avec son conditionnement, surtout si les médecins étaient des officiers, comme maintenant, et que se faire vacciner était un ordre. Même maintenant, peu étaient ceux qui demandaient ce qui leur était précisément injecté, surtout si c'était quelque chose d'obligatoire. Ceux qui le faisaient recevaient une réponse générale. Elle arriva à la section qui l'intéressait et en vérifia le contenu.

« Concernant les transplantations, elle a en effectivement subi plusieurs, notamment pour sa jambe qui a été reconstruite par clonage pour remplacer celle qu'elle a perdue au combat. De même, elle a eu quelques greffes de peau, aussi clonées au préalable. Ne ne posez pas de questions, je n'en sais pas plus sur les techniques utilisées, même si j'adorerais, croyez-moi. Et cela ne manquerait pas de faire bondir et s'étouffer les communautés scientifique et médicale en bas si cela se savait... » fit-elle.

Elle n'avait personnellement aucun problème avec cette utilisation du clonage et cela lui posait moins de problèmes éthiques que les améliorations génétiques, mais c'est quelque chose dont elle ne parlerait pas, à moins d'y être obligée. Elle grimaça à la dernière hypothèse. Elle n'aimerait vraiment pas devoir lui annoncer ça, ni à elle, ni à son mari.

« Espérons que cela ne soit rien d'aussi grave et que ce soit un problème, s'il y en a un, que nous serons en mesure de soigner avec nos moyens actuels... »

Nadira écouta ce que disait son homologue concernant l’époque où était née le Chef. Tout ça avait l’air particulièrement riant. Elle savait que plusieurs membres de l’équipe avaient été secoué par des révélations sur leur futur et vibrait elle-même de curiosité. Elle n’avait cependant jamais osé franchir le pas, pas certaine du tout d’apprécier ce que l’imposante marine avait à révéler.

« - Je peux tester ces immunités si vous le souhaitez, et comparer les résultats avec les premiers résultats obtenus à son arrivée. Nous serons fixées sur le sujet. »

En matière d’immunologie, le laboratoire de la station était sans commune mesure avec celui de l’Achille. Mem si sa demande était intéressée car le cas de la marine était passionnant, sa proposition était également parfaitement logique.

« - On lui a cloné une jambe ? reprit-elle, surprise. Elle n’en montre aucune trace, c’est impressionnant. Si nous pouvions retaper nos soldats blessés de la même manière… Je vous rejoins sur l’utilité primant sur l’éthique. Nos collègues pontifiants ne sont pas sur le terrain comme nous. Il est toujours plus simple de juger quand on est loin. »

Elle était surprise d’une telle confidence de la part du médecin asiatique qu’elle avait toujours considérée bien trop rigide et procédurière. Sans doute l’avait-elle mal jugée.

« - Je l’espère aussi. N’hésitez pas, le cas échéant à faire appel aux ressources de la station. »

Sur ces derniers mots, elle reposa sa tasse vide et s’apprêta à retourner vers la Terre. Ce dernier rendez-vous était le dernier de la journée et même de la semaine. L’égyptienne avait bien l’intention de profiter dignement de son weekend.

Lorsque Nadja reçu le message du médecin, elle n’était pas tes loin de l’infirmerie et claudiquait même dans cette direction en pestant intérieurement.

« - Je suis là dans une minute, répondit-elle par reflexe. »

Depuis le départ de Zander elle broyait du noir. Au départ, regarder l’anneau qui brillait à son doigt lui redonnait du baume au cœur mais, au fil des jours, le manque se faisait de plus en plus puissant et influait sur son humeur. Elle s’en rendait compte et ça l’agaçait d’autant. Il y a deux jours, elle avait laissé passer un mauvais coup et un soldat était parti à l’infirmerie avec une côte cassée. Aujourd’hui, pendant un exercice de microgravité, elle s’était mal réceptionnée et sa cheville en avait fait les frais. Elle n’avait évidemment rien dit sur le moment mais une fois l’exercice terminée, l’ex marine avait constaté que sa cheville prenait une belle teinte bleue violette du plus bel effet. Elle savait bien sur reconnaitre une foulure quand elle en voyait une. Rien de grave, mais elle connaissait suffisamment bien Mei pour savoir que si elle n’allait pas la voir d’elle-même, le médecin chef finirait par s’en apercevoir et lui passerait un savon de première.

Son service terminé, elle s’était donc mise en route en pestant contre tout et n’importe quoi à chaque fois que son poids se transférait un peu trop sur sa jambe blessée.
En entrant, elle reconnut immédiatement le première classe Boyd qui se faisait changer son bandage.

« - Comment vont ces cotes, soldat ?
- Ca se ressoude Chef. D’ici quelques jours, je compte bien prendre ma revanche.
- Ca, tu peux toujours rêver mon gars, sourit-elle. Mais j’ai pas oublié que je te dois une bière.
- Moi non plus chef !
- Quand vous ne serez plus sous anti-douleur, grogna l’infirmier. »

En riant, et soulagée qu’il ne lui en veuille pas, elle se dirigea vers le bureau de son amie et frappa avant d’entrer à son invitation et de la saluer. Amie ou pas, Mei restait sa supérieur hiérarchique après tout.

Dernière édition par Nadja Cook le Ven 11 Jan 2019 - 8:26, édité 1 fois

Mei vit Nadja arriver en boitant et fronça les sourcils. Cette fois, c'était la victime de son propre entraînement ? Elle ne se souciait pas vraiment du protocole et que les militaires qui arrivaient ici la saluent ou non. De toute façon, une bonne partie en était souvent incapable. Mais il y avait des indécrottables pour qui il était impensable de ne pas le respecter.

« Repos. Comment ça va ? Je vais devoir vérifier ta main et ta cheville, c'est ça ? Allez, assieds là et enlève ta chaussure que je regarde ça... » dit-elle en désignant un lit libre juste à côté de son bureau.

La blessure ne devait pas être grave, car elle marchait donc il s'agissait probablement d'une foukure, mais elle allait devoir ralentir quelques jours, ce qui n'allait certainement pas lui plaire.

« Comment tu t'es fait ça ? Tu te rends compte que tu vas devoir rester sur la touche pendant quelques jours pour laisser guérir ça et ne pas forcer quelques temps ensuite ? Sinon, c'est un plâtre et des béquilles qui t'attendent et tu seras coincée chez toi. » lui fit elle.

Elle savait que la laisser enfermer était une mauvaise idée, surtout en ce moment, raison pour laquelle elle n'allait pas la retirer du service actif, à moins que Nadja se montre déraisonnable et ne l'y contraigne.

« C'est une entorse légère. Dons pas d'entraînement, rien que du travail de bureau et de la supervision, sinon je te confine à l'infirmerie pour être certaine que tu ne forces pas. Forme donc un adjoint, ça t'occupera. Oui, il ne sera pas aussi bon que toi et il ne pourra pas faire les mêmes choses que toi, mais il faut bien quelqu'un pour te remplacer lorsque c'est nécessaire. Il faut que tu fasses un peu plus attention aux autres, mais aussi à toi, Nadja. » dit-elle doucement.

Elle alla récupérer chercher une bande élastique afin de bander la cheville.

« Il va falloir que tu mettes de la glace dessus et que tu gardes ta jambe surélevée lorsque tu es assise ou couchée. Je vais aussi te prescrire des anti-inflammatoires. Reviens me voir dans 3 jours et on verra comment ça évolue. Je t'enverrai probablement voir le kiné pour qu'il te montre quelques exercices simples pour favoriser la guérison après ça. Et j'ai une question tant que tu es là. Est-ce que tu avais droit à des vaccins et des rappels réguliers à ton époque ? » en profita-t-elle pour lui demander.

Elle regarda la main et jugea qu'elle allait pouvoir retirer les points de suture et s'attela à la tâche en l'écoutant.

Nadja s’installa sur le lit en grommelant pour la forme. Portant elle dû reconnaitre que libérer sa cheville et la poser à l’horizontale fut un vrai soulagement.

« - Entrainement en microgravité. J’ai mal jaugé ma vitesse et la réception a été un rien plus brutale que d’habitude. Quand je dis qu’il faut que je prenne ma retraite sur une plage de sable fin… »

Elle écouta les recommandations qui ne la surprenait guère, même si sa mine s’allongea à la mention de travail de bureau.

« - Bah on est vendredi soir et je en suis pas d’astreinte ce weekend. Si je te promets de rester tranquille ces deux jours ça ira ? D’ailleurs tu as prévu quelque chose ? J’irai bien me balader un peu. Enfin sauf si tu veux te préparer pour l’arrivée lundi du docteur Kent. J’ai vu sa photo, tu vas avoir tout le personnel féminin à l’infirmerie à mon avis. »

Elle finirait bien par caser la jolie asiatique, un jour ou l’autre. Mais il fallait al faire un peu sortir de sa coquille pour ça.

« - Anti-inflammatoire ? Ça veut dire pas d’alcool ca… Pas de mec, pas d’alcool, pas de sport… j’ai le droit de jouer aux dominos ? »

Ça ne l’empêcherait pas d’aller faire quelques longueurs dans la piscine mais elle savait qu’elle devrait rester tranquille si elle voulait reprendre lundi dans de bonne conditions.

« - Des rappels ? Je suis pas sure de savoir de quoi tu parles. Nos armures assurent une protection totale contre les maladies, en mission. Et quand je en l’étais pas, l’environnement contrôlé d’un vaisseau ou d’une station empêchait le développement de pathogène. »

Elle avait entendu parler d’effondrement en cascade d’environnement mais n’y avait jamais été confronté personnellement. En fait, elle avait rarement été malade a l’exception de coup de froid occasionnel.

« - Pourquoi ? Ca marche comment ici ? »

Mei regarda Nadja en haussant un sourcil. Un nouveau membre dans son équipe n'avait rien d'extraordinaire et tous les détails étaient déjà réglés.

« Pourquoi voudrais-je passer mon week-end à me préparer pour accueillir un nouveau médecin ? Cela ne demande rien d'extraordinaire. Et si d'aventure tous les membres du personnel féminin s'avisaient de se servir de l'infirmerie pour le rencontrer, je m'assurerais que de le faire regretter leur idée pour qu'elle ne leur traverse plus jamais la tête. Il y a le mess pour ça. » répondit-elle.

Elle réfléchit quelques secondes.

« Tu peux jouer aux dominos ou même aux cartes autant que tu veux. Si tu restes au repos complet demain, on ira marcher dimanche. Mais je veux te voir lundi matin dès ta prise de service. Il est probable que tu doives continuer à y aller doucement quelques jours. Et c'est pour ça que tu iras voir le kiné qui t'expliquera exactement ce que tu peux faire et comment, puisque qu'il va être impossible de te garder au repos complet. Donc on va faire en sorte que tu puisses bouger et te défouler, mais sans risquer d'aggraver les choses. Et si tu veux t'éclater le week-end à boire et faire du sport, fais attention pendant tes entraînements. D'accord ? »

Le fait que Nadja ne sache pas de quoi elle parlait en mentionnant la vaccination était une réponse en soi, mais cela soulevait d'autres questions quand à la présence des anticorps et la raison de leur diminution. Mais depuis deux ans, son système immunitaire était probablement sollicité comme jamais auparavant, en raison des environnements moins protégés et aseptisés dans lesquels elle vivait désormais et qui exposaient sans aucun doute son organisme à des éléments inconnus. Il était d'ailleurs surprenant qu'elle ne soit pas plus souvent malade.

« Eh bien, pour nous protéger de certaines maladies, nous nous vaccinons. Pour faire simple, on injecte de faibles doses d'un virus aux enfants et aux jeunes pour apprendre à l'organisme à se défendre et développer des anticorps spécifiques à ces maladies. Mais cette protection n'est pas permanente et nécessite des rappels pour maintenir la production d'anticorps. Tu présentes toi-même des anticorps contre beaucoup de maladies, y compris contre certaines pour lesquelles nous n'avons pas encore de vaccins. Mais depuis ton arrivée, ces défenses diminuent. C'est pour cela que je te demande si vous aviez des rappels de vaccins. Je n'ai aucune idée de comment cela fonctionnait à ton époque. Peut-être que c'est le cas, mais que tu n'en as pas conscience. Est-ce que vous aviez des traitements réguliers lorsque vous n'étiez pas soignés pour des blessures ? Enfin bref, nous allons devoir garder un œil là-dessus et nous devrons peut-être te vacciner selon nos méthodes préhistoriques. Par contre, tu ne seras plus aussi bien protégée qu'avant. » lui expliqua-t-elle d'une voix posée.

Que ses supérieurs ne lui disent rien sur comment ils la gardaient en bonne santé ou ce qu'il lui faisaient exactement quand elle était à l'infirmerie ne la surprendrait même pas avec ce qu'elle savait de cette époque, mais cela ne l'Arrangeait pas du tout. Elle ne pouvait cependant rien y faire et elle allait devoir travailler avec ce qu'elle avait.

« Ce qui signifie que je vais te faire des prises de sang plus souvent et que je vais même en faire une maintenant tant que nous y sommes. » fit-elle en allant chercher un kit de prélèvement.

« Voilà, j'en ai terminé avec toi, à moins que tu ne veuilles discuter d'autre chose. » dit-elle.

Mei n’avait pas comprit (ou pas voulue comprendre) son allusion et l’ex marine lâcha l’affaire en souriant. Dans ce domaine, le médecin restait indécrottable… mais ça ne l’empêcherait pas de continuer a la titiller. Ça finirait par porter ces fruits, Nadja n’en doutais pas une seconde.

« - D’accord, d’accord, je resterai tranquille demain, promis. Et je serai la lundi matin avant d’aller traumatiser mes petits nouveaux. »

Il n’y avait pas que l’infirmerie qui recevait du personnel en plus. Trois nouveaux militaires européens rejoignait l’équipage. Et vu qu’un certain nombre d’américains s’était vu réaffecté dans leur pays d’origine, çà n’était pas du luxe.

L’explication sur les vaccins lui fit dresser un œil. Ils injectaient des maladies à leur enfants ? Ca paraissait complètement fou. Mais elle avait entendu parler de ça et comprit de quoi parlait réellement le médecin.

« - C’est normal pour les anticorps, je les produit naturellement. Mes parents étaient tous les deux résident d’Hebrida. Leur gênes avaient été modifiés afin de les produire naturellement. Enfin pour ma mère, ça lui venait de ses parents, vu qu’elle était native de la bas. Bref, tout ca pour dire que mon immunité est innée. Et c’était d’ailleurs le cas de la plupart des soldats que je côtoyais, La technique s’était rependue avec les années. Il me semble qu’un médecin m’avait expliqué qu’il faudrait encore une ou deux générations pour totalement se débarrasser de la plupart des maladies terrienne restantes. »

Du coup, la baisse de son immunité était inquiétante, non ? Ça n’avait pas l’air de perturber son amie plus que ça, mais après tout, elle venait de lui expliquer qu’elle contaminait sciemment des bébés.

« - Va pour les prises de sang, soupira-t-elle en tendant son bras. Je suis sure qu’en fait c’est pour me faire venir ici et garder un œil sur moi. »

Non elle n’avait pas d’autres questions. Son service était terminé et lui tardait simplement de rentrer chez elle et de se faire chauffer une pizza. En espérant ne rien faire exploser...

Mercredi 03 avril 2019 - 08h17

Il était un peu tôt pour arriver à l’infirmerie de bord, songea Nadja. Mais elle avait droit à son analyse sanguine deux fois par mois et savait qu’elle se ferai tirer les oreilles si elle ne se présentait pas d’elle-même.

« Bonjour Lieutenant, fit le docteur Kent en la gratifiant d’un sourire digne d’une publicité pour dentifrice. »

Difficile de dire ce qui la surprenait le plus. Être appelé lieutenant ou le fait que la couverture de magazine de mode en face d’elle soit médecin. Le pire, c’est qu’il était d’une gentillesse et d’une prévenance extrême et ne semblait pas avoir conscience de l’effet qu’il faisait sur la partie féminine de l’équipage.

A se demander s’il n’était pas gay.

Habituée à la manœuvre à présent, Nadja s’installa dans le fauteuil et releva sa manche. Le médecin la piqua d’une main sure et se mit à remplir des tubes.

« - Vous m’avez gâté aujourd’hui, commenta-t-elle en observant les récipients qui se remplissaient rapidement.
- Nous avons décidé d’élever un bébé vampire. C’est fou ce que boit à cet âge. »

C’est qu’il était drôle en plus…

Une fois l’aiguille enlevé, une infirmière lui porta un plateau repas avec du café et quelques biscuits qu’elle se mit à engloutir méthodiquement. Voilà qui faisait du bien et lui permettrait de tenir la matinée. La nuit avait été chaotique et hachée, comme souvent. Mei lui avait recommandé d’avoir le psychologue de bord mais elle n’avait toujours pas pris le temps de le faire. A choisir, elle préférait encore les somnifères mais n’avait pas vraiment son mot à dire la dessus.

Mei entra dans l'infirmerie et constata avec satisfaction que Nadja était venue d'elle-même. Elle n'aurait donc pas besoin de lui courir après encore une fois ou d'envoyer la sécurité la chercher pour la traîner jusqu'ici. En tant qu'officier, celle-ci se devait désormais de montrer l'exemple, et le bon. Cette pensée la fit sourire, l'ex-sergent chef ayant vraiment beaucoup de mal à endosser cet uniforme et le rôle qui allait avec. Mais c'était un apprentissage en cours.

D'ici peu, elles embarqueraient toutes les deux, ainsi que Jimmy, à bord du Lorion, le vaisseau d'Atlantis venu pour réparations, lors de son voyage de retour vers la Cité. Elle avait sauté sur cette occasion lorsqu'on lui avait proposé ce détachement. Tous les trois auraient pour mission d'aider l'équipage, et celui du tout nouveau bâtiment de la Terre, l'Héphaïstos, à prendre en main leurs vaisseaux respectifs.

« Bonjour, Clark. Et merci. » fit-elle au médecin qui s'éloigna avec les prélèvements.

Elle regarda Nadja d'un œil critique. Cette dernière avait l'air épuisé. Ces cauchemars ne devaient pas la laisser tranquille. Ça ou elle ne dormait pas assez pour d'autres raisons beaucoup plus joyeuses. Elle la soupçonnait aussi de ne pas avoir suivi ces conseils, ce qui allait probablement l'obliger à devoir lui donner l'ordre d'aller consulter le psy de bord.

« Tu sais que la nuit est normalement faite pour dormir et pas seulement pour faire des galipettes avec ton mari, pas vrai ? » fit-elle sur le ton de la plaisanterie, sachant que cela n'avait probablement rien à voir. Elle espérait qu'elle prendrait l'initiative de parler d'elle-même, sinon elle allait devoir lui tirer les vers du nez, perspective qui ne la réjouissait pas vraiment. Elle préférait nettement lorsque ses patients étaient coopératifs, mais il arrivait très souvent qu'ils minimisent les choses, voir en dissimulent, de peur d'être relevé du service.

L’ex marine finissait ses gâteaux quand le médecin chef arriva dans son domaine. Elle remplaça le beau brun sans même y penser tout en la saluant. Si elle était sensible au charme du médecin, elle le cachait vraiment bien. Nadja finissait par se demander si elle ne préférerait pas les femmes.

Tout en buvant une gorgée de café, Nadja se laissa scruter tranquillement. Elle faillit cependant recracher sa gorgée lorsque Mei reprit la parole.

« - Non, mais... Nous, bafouilla-t-elle. Roh mais quoi que je dise, ça se retournera contre moi hein ? Prend un café avec moi plutôt ! Ça m’évitera de me ridiculiser un peu plus. »

Elle-même emplie sa tasse à nouveau et attendit que le médecin soit installé pour lui répondre.

« - C’est toujours ce foutu cauchemar. Je cours dans un couloir, j’ai quelque chose derrière moi qui finit toujours par me rattraper pour me bouffer. Quand je me réveille, j’ai toujours le gout de mon propre sang dans la bouche et une sorte de douleur rémanente au fond du bide. Ca dure pas évidemment, mais ca me fiche une trouille bleue. En fait… »

Elle s’interrompit en cherchant ses mots, pas sure que ce qu’elle avait à dire avait du sens.

« - Plus que la douleur, je crois que c’est ça qui me panique. Cette peur complétement irraisonnée. Tu me connais depuis un moment, j’ai jamais eu peur de grand-chose y compris de ma propre mort. Mais là, rien que de penser à ce truc qui me poursuit, j’ai la chair de poule alors que je ne sais même pas ce que c’est. »

Mei fit un grand sourire à Nadja, ravie d'avoir réussi à dérider un peu son amie. Elle s'assit sur un tabouret et récupéra la tasse que lui tendit Jessie qui passait par là, comme par hasard. Il en profita pour tirer un rideau et leur donner un peu d'intimité.

Elle écouta Nadja attentivement. Elle ne s'était pas trompée sur les raisons de son manque de sommeil.

« Toi, tu n'es pas allée voir le psy comme je te l'avais recommandé, n'est-ce pas ? Tu ne crois pas qu'il serait justement bon de chercher la cause de ces cauchemars et de cette chose qui te poursuit ? » lui demanda-t-elle.

Elle connaissait pertinemment les réticences de son amie à se confier à un inconnu. Peut-être qu'en discuter avant l'encouragerait à aller voir la bonne personne.

« Je ne suis pas une spécialiste qualifiée dans le domaine, mais il semble évident que ton subconscient cherche à te dire quelque chose. La question est quoi. Je ne peux qu'émettre quelques hypothèses que seul un psy pourra confirmer. Il va donc vraiment falloir que tu le consultes, Nadja. »

La première raison à laquelle elle pensait n'aurait rien de surprenant et serait même parfaitement commune par les temps qui courraient. Beaucoup de membres du personnel en montraient des signes, principalement en raison des tensions sur Terre. Nombreux étaient ceux à s'inquiéter pour l'avenir, mais aussi pour leur famille qui se trouvait en bas.

« D'abord, ces cauchemars pourraient être l'expression inconsciente de stress et d'angoisse qui seraient représentés par ton poursuivant. Ce ne sont pas les raisons qui manquent, qu'elles soient personnelles ou professionnelles. Ça pourrait venir de ta promotion et des changements majeurs que cela représente pour toi en terme de responsabilités. Ça pourrait aussi venir de ton mariage et de ton couple. Oui, ça a beau être un événement heureux, c'est générateur de stress, et tes antécédents en la matière justifieraient parfaitement que tu t'angoisses de manière démesurée, même sans en avoir conscience. »

Si c'était ça, il était toujours possible de la faire travailler pour apprendre à mieux gérer son stress et à relativiser les choses, quitte à en passer par des médicaments pour l'aider pendant un temps, mais elle préférait éviter de lui en donner d'emblée, car cela ne ferait que traiter les symptômes sans s'occuper de la cause.

« Tu pourrais aussi t'angoisser pour l'avenir de manière générale, et celui de ta famille en particulier. Tu sais ce qui va arriver en bas, n'est-ce pas ? » lui demanda-t-elle doucement.

Connaître le futur devait être un véritable fardeau pour elle en ce moment. Elle devait se retrouver dans la peau du témoin impuissant d'événements qui s'étaient déjà produits dans son passé et qu'elle semblait incapable d'arrêter. Elle pourrait à nouveau tout perdre. De quoi angoisser à s'en rendre malade. Si c'était cela, ce serait beaucoup plus compliqué à traiter. Un autre point l'inquiétait cependant et contre lequel elle pourrait éventuellement faire quelque chose.

« Tu dis que tu as le goût du sang dans la bouche, mais y en a-t-il vraiment ? Si c'est le cas, tu souffres peut-être un ulcère, ce qui serait cohérent avec un stress intense. Il faudrait que je t'examine et que je soumette à quelques examens pour vérifier ça. » lui annonça-t-elle.

Les problèmes physiques, elle pouvait les traiter. C'était son domaine. Les problèmes psychologiques, en revanche, c'était beaucoup plus complexe et pas vraiment son rayon, même si elle avait suivi quelques cours supplémentaires sur le sujet. Heureusement que leur psy de bord était toujours à bord.

« Une autre possibilité, c'est qu'il s'agisse d'un souvenir qui chercherait à refaire surface. Ou plutôt un événement traumatisant que tu refoules et qui serait survenu avant que tu arrives ici. Et quelque chose que tu as croisé, vu, entendu ou même senti aurait réveillé ta mémoire. Depuis quand tu as ces cauchemars exactement ? Est-ce que tu peux lier leur apparition à une mission ou un événement en particulier ? Savoir s'il y a eu un déclencheur pourrait s'avérer utile. » lui expliqua-t-elle.

Si c'était le cas, elle devrait vraiment aller voir le psy.

« - J’en ai trop vu des psys, grommela Nadja, concentrée sur son café. En général ça se finit par une tape sur l’épaule et l’autorisation de retourner me battre. »

Elle était surtout terrifiée qu’au lieu de cette tape sur l’épaule, on lui interdise le service actif. Et que ferait-elle alors ?

Mei proposa plusieurs possibilités pour expliquer les cauchemars de Nadja qui secoua lentement la tête.

« - J’ai du mal à croire au stress. Ça fait un bout que j’ai appris à le gérer. En général avec une bouteille et un mec. Et de ce coté la, j’ai pas à me plaindre en ce moment comme tu le faisais si finement remarquer tout à l’heure. Après, c’est vrai que cette histoire de mariage à fait resurgir certains vieux démons. Mais ça me semble quand même un peu beaucoup. »

L’évocation du futur de la Terre la fit grimacer. Oui, ça, ça l’inquiétait énormément.

« - Je sais ce qu’on à perdre, en effet. J’ai pu voir la Terre réduite à l’état de désert vitrifié et radioactif. Un simple cailloux marron peuplé de squelettes. Et toi ? Tu ne t’inquiète pas pour ta famille ? »

Elle secoua la tête à la question suivante.

« - Non pas de sang, enfin sauf quand je me mords la langue, mais c’est sans commune mesure avec ce que je ressens. »

Inutile de lui parler de ses vomissements un peu sanglants régulier. Ça n’était vraiment pas le moment. D’autant que la suite la prit de cours. Pouvait-elle avoir raison ? Inutile de chercher très loin pour se souvenir d’une mission qui l’avait mis particulièrement mal à l’aise.

« - C’est une possibilité, murmura-t-elle en cherchant visiblement ses mots. Il y a quelques temps, une mission à mal tourne et on s’est retrouve littéralement dans l’estomac d’une bestiole qui dévorait des planètes. Encore un reliquat laissé par les anciens. Mais ça m’a laissé un gout particulier. Comme si cette chose m’était familière alors que je ne l’avais évidement jamais vu. Et oui ça m’a foutu la trouille. Sur le moment, il y avait trop de chose à faire pour rester en vie mais après… disons que c’est pas un souvenir que j’apprécie particulièrement. »

Mei ne fut pas surprise d'entendre les réticences de Nadja à aller consulter un vrai spécialiste.

« Je comprends. Mais je ne suis pas psy. Je ne suis pas la mieux placée pour t'aider dans ce domaine. Je ne peux faire qu'une nombre de choses limitée au-delà desquelles je me dois de référer les patients au psy de bord. Moi, ma spécialité, c'est de charcuter et de récoudre les gens, comme tu le sais, pas vraiment de soigner leurs esprits. » lui fit-il remarquer.

Ces tâches se limitaient généralement à écouter ceux qui en exprimaient le besoin et à évaluer ou non la pertinence de les envoyer à son collègue et de prescrire ou non des comprimés pour les cas classiques. Mais Nadja relevait clairement du psy. Elle allait juste devoir l'en convaincre pour qu'elle y aille d'elle-même. Elle sourit en réponse aux moyens de gérer le stress de l'ex-marine.

« Justement, tu crois peut-être que tu n'as aucun problème à gérer le stress, mais ce n'est peut-être pas aussi vrai que tu le penses et c'est ce que ton inconscient chercherait à te faire comprendre. Il se pourrait que l'accumulation de stress issus de toutes ces différentes sources que j'ai évoquées va au-delà de ce dont tu as l'habitude et provoque ces cauchemars en réaction. » expliqua-t-elle.

Elle hocha la tête et regretta de ne pas être dans un fauteuil dans lequel elle se serait volontiers enfoncée suite à sa question.

« Bien sûr que je m'inquiète pour eux. Mais je ne peux pas faire grand-chose, en dehors de m'assurer que ceux censés les protéger eux et la Terre soient en mesure de faire leur travail en étant au mieux de leur forme. C'est pour ça que je suis là et que je resterai. Mais même si je pouvais les évacuer de la Terre, je ne suis pas sûre qu'ils accepteraient. Je te l'ai déjà dit, mais ils voient déjà d'un mauvais œil mon engagement qu'ils ne comprennent pas. Ils ont du mal à accepter que je ne sois pas la fille modèle qu'ils espéraient et qui devrait désormais être une épouse au foyer aimante prenant soin de ses deux enfants au moins et de son mari. Et je crois qu'ils prendraient mal le fait que je leur ai menti sur ce que je fais réellement. Ensuite, ils voudront quitter leur foyer, peu importe les raisons. Et je ne leur ferai pas l'affront de les évacuer de force. » lui expliqua-t-elle sur un ton résigné.

Elle scruta Nadja quand celle-ci lui dit qu'il n'y avait pas de sang, pas convaincue que celle-ci lui dise la vérité. La suite se révéla beaucoup plus intéressante. Il apparaissait effectivement que le stress n'était pas la source des cauchemars. Ou peut-être pas la seule. Et cela était aussi bien plus problématique. Les conséquences d'un événement traumatisant refaisant surface pouvaient être dévastatrices.

« Tu n'as peut-être pas vu cette créature en particulier, mais quelque chose qui y ressemblait suffisamment pour que cela réveille ta mémoire... Si c'est bien un souvenir traumatisant que tu refoules, je ne vais vraiment pas pouvoir t'aider. C'est bien au-delà de mes maigres connaissances en psychologie et il faudra que tu fasses appel à un spécialiste. Quoi que ce soit, tu vas devoir y faire face, parce que cela ne te laissera pas tranquille et tu ne pourras pas l'ignorer en espérant que ça disparaisse tout seul. C'est d'autant plus sérieux que cela t'affecte physiquement et que cela risque de s'aggraver au fil du temps. » dit-elle, se doutant que sa réponse ne ferait pas plaisir à son amie.

Elle voulait l'aider, mais cela allait vraiment au-delà de ce qu'elle pouvait faire. Elle se demandait cependant s'il n'y aurait pas un moyen pour elle d'assister à ces séances sur le sujet, bien qu'elle en doutait. Mais elle était son médecin après tout et qui sait si ce qu'elle apprendrait ne lui serait pas utile pour mieux la soigner par la suite.

Nadja grommela quelques paroles inintelligible en réponse. Elle savait bien que Mei était une vrai doc, pas un bouffeur de pensées… N’empêche qu’elle préférait lui parler à elle, autour d’un café.

« - OK, ok, j’irai le voir, abdiqua-t-elle. Je suppose de toute façon que j’ai pas le choix et que tu m’y enmeneras en me tirant l’oreille si je ne le fais pas, pas vrai ? »

Imaginer le tableau la fit sourire et elle posa sa tasse vide devant elle. C’était déjà son troisième café, autant ne pas abuser si elle voulait faire son boulot sans sauter sur quelqu’un.

Quand Mei évoqua sa famille, elle sentit toute son amertume remonter, comme à chaque fois que le sujet arrivait sur la table. Le médecin souffrait de cette incompréhension avec ses parents et s’éloignait d’eux chaque jour un peu plus.

« - Ils ne voudront pas partir même si les bombes se mettent à voler ? C’est de la folie furieuse, gronda-t-elle. »

Elle ne pouvait pas croire qu’elle les regarderai mourir sans rien faire, juste pour respecter une fierté mal placée. Le fossé culturel entre elle était gigantesque sur ce point la. Nadja chercha ses mots un moment mais ne trouva rien à répondre. Quoi qu’elle dise, ça ne changerait rien pour l’instant.

Quand le sujet revint sur le « monstre », elle frissonna sans pouvoir s’en empêcher. Oui ce sujet la mettait mal à l’aise sans qu’elle comprenne vraiment pourquoi.

« - Un souvenir refoulé ? Attend, tu crois que j’aurai pu déjà rencontré çà et que je l’aurai oublié. C’est dingue. C’est possible un truc pareil ? Mais je m’en serai aperçu non ? Non je suppose que non sinon ça servirait à rien. Putain c’est dingue quand même ! Mais ca arrive comment ce truc ? »

Si elle ne pouvait plus faire confidence à son esprit, c’était quand même particulièrement flippant.

Mei fit un signe affirmatif de la tête.

« Je peux te donner l'ordre d'y aller, oui, et te suspendre jusqu'à ce que tu t'y présentes. Mais j'aimerais ne pas avoir à recourir à ce genre de mesures. Les séances sont souvent plus bénéfique quand la personne y va volontairement. Je sais bien que ce n'est jamais la joie d'y aller, mais ce genre de problème, c'est de leur ressort et il serait bien plus efficace que moi tout comme je te recoudrais bien mieux que lui. » fit-elle en souriant.

Elle fit la moue concernant ses parents. Le fait est qu'elle ignorait ce qu'ils décideraient, mais elle ne les voyait pas abandonner ce qui constituait leur vie et un héritage ancestrale pour devoir tout reconstruire sur une planète inconnue au milieu d'étrangers, pas à leur âge en tout cas.

« Honnêtement, je n'en sais rien. Peut-être changeraient-ils d'avis à la dernière seconde si le danger devenait réel. » dit-elle.

Elle sourit à sa réaction face à la possibilité que son cerveau ait délibérément occulté un événement hautement stressant et douloureux. Elle pouvait comprendre son incrédulité.

« Non, justement, tu ne n'en apercevrais pas, parce que ton cerveau fait en sorte que tu ne t'en souviennes pas. C'est précisément le but de la manœuvre. C'est une sorte d'amnésie sélective. Mais les faits sont toujours présents dans ta mémoire et susceptibles de refaire surface n'importe quand avec le bon stimulus. Après, je ne dis pas que ton souvenir implique la créature spécifique de ta mission, mais c'est suffisant proche et puissant pour raviver ce souvenir oublié. Il existe des techniques pour aider les gens à faire remonter ces événements. C'est pour ça que tu dois aller voir un psy, parce que je ne suis pas formée à les utiliser et je ne saurais pas comment m'y prendre. » lui dit-elle.

Si le psy décidait de faire une séance d'hypnose, elle pourrait peut-être y participer en suggérant de le faire sous surveillance médicale, à titre de précaution. Après tout, personne ne savait comment Nadja pouvait réagir à ce type de technique et si ceux de son époque n'avaient pas prévu des contre-mesures radicales contre ce genre de manipulation. Ils conditionnaient bien leurs soldats, alors cela ne la surprendrait pas, mais cela voulait dire qu'ils pouvaient éventuellement s'attendre à des réactions violentes et extrêmes.

Je te recoudrais mieux que lui, tu parles d’un argument…

« - C’est bon, j’ai compris, pas la peine d’en rajouter, lâcha-t-elle avec un soupir qui aurait tiré des larmes à un psychopathe. Pas comme si j’en avais jamais vu de ma vie non plus... »

Nadja garda pour elle ce qu’elle pensait de la situation des parents de son amie. D’un coté, elle voulait l’aider à les sauver, comme elle aurait souhaite pouvoir sauver les siens. De l’autre, elle savait que si tous les membres d’équipages raisonnaient de la même façon, cela poserait un sérieux problème. Et les officiers étaient censé montrer l’exemple dans une telle situation.

Cette histoire de souvenir caché la troublait énormément. Si elle ne pouvait pas faire confiance à sa propre mémoire, pouvait-elle même être sure de qui elle était ?

« - Des techniques pour faire remonter ce genre de souvenir ? Tu es sure que c’est une bonne idée ? Je veux dire : si mon esprit à choisit d’oublier quelque chose, c’est parce qu’il avait une bonne raison tu crois pas ? Imagine que j’ai tué quelqu’un ? Ou que j’ai commis un truc tellement horrible que… »

Elle soupira comprenant ou le médecin voulait en venir.

« - Et la seule façon d’être sure et que ça me bouffe pas la vie, c’est de tenter l’expérience. Ok, je suis longue de la comprenette mais je fini par comprendre. Allez promis j’irai le voir ton bouffeur de cerveau. On verra ce que ça donne. Et si je me rend compte que c’est encore un sale type que j’ai choisit d’oublier, tu me devras un verre. OK ? »