Réunion de famille...

Trois jours qu’elle était ici. Trois jours qu’elle avait sensément sauvé la station… Trois jours que des cauchemars l’assaillaient au milieu de la nuit. Elle se sentait seule et coupée de cette époque qu’elle ne comprenait pas.
Remise de ses blessures grâce à la petite amie du Général, elle passait à présent le plus clair de son temps au gymnase ainsi qu’au réfectoire. Aux toilettes aussi, son organisme ayant énormément de mal à s’adapter à la nourriture non basée sur des protéines de soja.

Mais c’était tellement bon… Elle s’était découvert une passion pour les gâteaux au miel et essayait en vain de se restreindre à une dizaine par jour. Ce que son estomac lui faisait chèrement payer.

*Une gueule de bois avec du sucre… Clara, si tu voyais ça, tu te foutrais bien de moi !*

Penser à son amie morte depuis longtemps, et qui ne naîtrait peut-être jamais, lui mit les larmes aux yeux. Elle cracha une dernière fois au fond de la cuvette et alla se passer de l’eau sur le visage. Son état mental se voyait dans ses yeux rougis et ses traits épuisés.

Il lui fallut quelques instants pour comprendre que la vibration qu’elle entendait n’était pas dans sa tête mais provenait du communicateur bizarre qu’on lui avait remis. Son esprit se congela en constatant qui l’appelait. Evidemment, ça devait arriver. Mais elle n’était pas prête à le rencontrer.  Elle ne ressemblait à rien, n’avait qu’un uniforme d’emprunt à mettre… Elle aurait préférée affronter à mains nues un lion des montagnes d’Acheron.

Après quelques secondes, le marines refit surface. C’était une officier supérieur et elle un petit sergent sans affectation. Elle n’avait aucun choix.

Elle remit rapidement de l’ordre dans ses vêtements, peigna ses longs cheveux puis sorti pour se rendre vers le bureau du second. Elle frappa, puis rentra et se mit au garde a vous.

"- Soldat Cook au rapport, sir ! "

Le Major n'attendit pas longtemps avant qu'on ne frappe à la porte de son bureau. A peine le temps de prononcer le moindre mot que la personne entra et respecta la hiérarchie. Thaïn leva le regard du bureau et resta bouche bée. Le long silence qui suivit provoqua une certaine pression dans la pièce. Cook parcourut tout le corps de la jeune femme sans se rendre compte de sa maladresse. Il était surtout impressionné par sa taille.

* Woww ! Et beh, l'avenir va nous réserver quelques surprises... *

Mais le Major se reprit rapidement et déglutit avant de se lever de son fauteuil. Il désigna de la main le siège en face de lui.

" - Excusez-moi, Major Cook, second du JPS. Veuillez prendre place je vous prie. "

Thaïn attendit que Nadja s'asseye pour faire de même. Puis il fit semblant de ranger quelques dossiers avant de croiser de nouveau le regard de la jeune femme.

" - Je tenais tout d'abord à vous féliciter et vous remercier suite aux derniers évènements. Je n'étais pas présent mais j'ai eu vent de vos exploits. J'attendrai un rapport plus complet pour en savoir un peu plus sur ce qu'il s'est passé. Mais passons aux choses qui m'ont fait vous convoquer dans mon bureau. Bienvenue sur le J.... "

Cook s'arrêta en pleine phrase et baissa un regard de plus en plus grave. La pression était trop forte au niveau de son crâne et il ne put retenir une certaine rage.

" - Bon arrêtons les flatteries de suite ! Qui êtes-vous bon sang ? Et que faites-vous là ? Votre dossier est un ramassis de conneries ! "

Nadja laissa passer l’examen sereinement. Ça n’était pas la première fois qu’un officier supérieur la détaillait de la tête au pied. Oui, elle avait le physique d’un grand cheval musclé. C’est ce que le boulot demandait, et elle n’allait pas se relâcher maintenant.

De son coté, elle regardait également cet homme qu’on lui avait érigé en modèle depuis sa plus tendre enfance. Il avait presque l’air d’un gosse… un morveux à tout moment prêt à faire une bêtise. Elle ne doutait pas un instant de sa compétence mais être derrière un bureau ne lui ressemblait pas. Mais peut-être était-elle influencée par els récit héroïque de son père.

Il lui proposa de s’assoeir ce qui la gêna un peu, n’ayant pas l’habitude d’être dans cette position face à un officier. Elle ne s’était pas attendu à ce qu’il soit aussi glacial envers elle, mais il n’allait pas non plus la faire sauter sur ces genoux, pas vrai ?

Il se lança ensuite dans un discours de remerciement qui la mit encore plus mal à l’aise. Elle n’avait pas l’impression d’avoir fait grand-chose si ce n’est de se souvenir de ses cours d’histoire. Et puis il s’arrêta et la gifla. Verbalement, mais l’effet fut le même.

« - Sauf votre respect, sir, il n’est pas dans mes habitudes de mentir à un supérieur. Je suis née en 2069 et suis la fille de Donald et Lena Cook. Je me suis engagée dans les marines à 17an et j’ai combattue les goa’uld depuis. Je comprends votre scepticisme, monsieur, mais, à moins que mon père m’ais lui-même mentit, je suis bel et bien votre petite fille. »

Elle avala difficilement après cette brève présentation. Si elle voulait rester ici, il devait la croire. Si elle voulait garder les repères moraux et d’excellence qui gouvernait sa vie depuis toujours, il devait la croire.

La réponse ne prit pas longtemps à venir et elle lui fit mal. Très mal. Elle serra les dents pour ne pas fondre en larmes devant cet homme qu’elle adulait en rêve depuis sa naissance.

« - Mon père vous ressemblait, sir. Il avait vos yeux. J’ai hérité de lui ses capacités physiques. Ma haute taille vient de ma mère. Elle était d’origine ukrainienne et était plus grande que lui. »

Mais qu’est-ce qu’elle racontait ? Il s’en foutait de sa vie. Et puis il avait dû voir les tests ADN non ? Il devait savoir qu’elle disait la vérité. Mais la suite lui fit écarquiller les yeux. Non il n’avait rien lu. Elle avait déjà raconté son histoire et elle était à peu près sure que ses entretient avaient été enregistrés.

Elle baissa finalement le regard pour le regarder dans les yeux. Colère et ressentiment se mêlaient dans son regard

« - Croyez-vous que j’ai eu le choix, Monsieur ? Je suis sans doute la seule survivante de ma compagnie de marines. Nous avons pris d’assaut la station de combat de Tonatiuh qui orbite autour de ce qui reste de la Terre à mon époque. Oui, c’était une mission suicide, mais nous n’avions plus rien à perdre et nous avons réussi. Les anneaux de transport se sont déclenchés alors que le trou noir s’arrachait de son confinement. Un de vos scientifique m’a expliqué que c’est ce qui a provoqué ma disparition de mon époque. Et si je suis arrivé à la vôtre, c’est à cause de votre expérience avec des satellites. Et j’ai eu de la chance que votre station soit à portée, sinon je me serai matérialisé dans l’espace. Je suis navrée que ça tombe sur « vous », monsieur. Croyez-moi, à choisir j’aurai préféré que ça tombe sur n’importe lequel autre de mes hommes. Mais je suis la, et ils sont tous mort et nous ne pouvons rien y faire. »

C’était sorti d’une traite, sa colère, son incompréhension, sa honte d’avoir survécu. Elle serrait les poings, incapable à présent de retenir des larmes de rage et de frustration.

« - Repartir ? Pour où ? Mon époque n’existe plus. Je m’en suis chargé en sauvant cette station. Je ne naîtrait jamais, ma famille non plus, votre fils non plus.»

Il est vrai que Thaïn avait manqué de tact. Et il s'en apercevait au fur et à mesure de la réponse de sa descendance. Il remarquait la colère dans le visage de la jeune femme. Son regard était impressionnant et perturbait le militaire. Il s'en voulait déjà. il s'était emporté et aurait aimé revenir quelques secondes dans le passé pour changer de discours. Mais il était trop tard.

Les larmes montaient aux yeux de Nadja et ceux de Thaïn s'humidifiaient de compassion. Malgré tout, cette colère permettait à Cook de ne plus douter des dires du Sergent. L'histoire de Tonatiuh, ce futur témoignant d'une fin du monde, la fin tout simplement de l'humanité. L'histoire avait de quoi glacer le sang. Des visions d'horreur accompagnaient chaque mot, une chose était certaine, Thaïn ne voulait pas vivre ce dernier conflit. Nadja conclu et le Major releva le regard.

" - Je suis désolé... " finit-il par avouer " Je ne voulait pas être aussi direct, j'ai manqué de sang froid et me suis emporté. Je ne voulais pas vous froisser. Toute cette histoire est difficile à entendre. "

Cook hésita un instant supplémentaire, l'air était pesant dans la pièce, presque insoutenable.

" - Je suis obligé d'en venir à ce point maintenant mais... qui était votre grand-mère ? "

Cette question, il l'avait en lui depuis le début, depuis qu'il avait lu le dossier de Nadja. Il n'était pas certain de vouloir connaitre la réponse, pourtant, il ne pouvait plus garder ce mystère sans réponse plus longtemps.

Le silence s’éternisa un moment entre eux, seulement rythmé par les battements de tambour du cœur de Nadja. Finalement, le major baissa les yeux et s’excusa, ce qui la surprit mais lui plut. Peu d’officiers de sa connaissance se serait permit ce genre d’aveu.

D’un revers de main, elle essuya ses larmes en cherchant quoi répondre.

« - C’est mon histoire, monsieur, répondit-elle finalement d’une voix radoucie. Je comprends qu’elle soit difficile pour vous à entendre. Sans doute aussi difficile que pour moi d’être en face de vous aujourd’hui. Mon père vous citait très souvent en exemple, vous savez. Et le nom de Cook était souvent cité dans les reportages ou les livres d’histoires. »

Difficile d’expliquer à cet homme qu’il ferait un jour parti de l’Histoire. Et que se retrouver face à lui était comme rencontrer l’amiral Nimitz ou Vasco de Gama.

La question suivante ne la surprit guère. On la lui avait posée maintes fois.

« - Je l’ignore monsieur. Et j’ignore surtout pourquoi mon père n’a jamais voulu me le dire. Il vous a fallu du temps, après la mort de Dame Koomi. Je sais que mon père est né sur l’Agamemnon que vous commandiez mais est ensuite parti vivre à Alexandrie. C’est aussi là que j’aurais dû naître, si la colonie n’avait pas été bombardée quelques jours auparavant. Je sais aussi qu’il a été élevé par une famille d’adoption, même si vous veniez le voir aussi souvent que vous le pouviez. Il ne parlait jamais de sa mère, sir. Je me suis même parfois demandé s’il l’avait connu. »

Toujours debout devant le major, elle le regardais en un peu tristement. Elle aussi avait été curieuse de ce mystère familial quelques années plus tôt. Elle avait finie par faire contre mauvaise fortune bon cœur mais la situation faisait resurgir les vieilles interrogations.

Elle sentit qu’elle l’avait touché en abordant de front la mort de Dame Khoomi. Il était évident que la petite asiatique comptait beaucoup pour lui. Mais elle le savait déjà.

Elle s’installa lourdement dans le fauteuil qu’il lui désignait. L’émotion l’avait gagné elle aussi et ses membres tremblaient plus qu’elle ne l’aurait voulu se l’avouer. Elle aurait préféré affronter une demi-douzaine de jaffa à mains nues. Ça, au moins, elle savait faire.

« - Merci monsieur, murmura-t-elle en contemplait ses chaussures. »

Les paroles suivantes la firent légèrement grincer des dents. Il était un peu tard pour s’inquiéter de ça.

« - Dame Khoomi est au courant, monsieur ainsi qu’une infirmière un peu bizarre… Plume je crois. J’ai eu un échange… musclé avec elles hier qui s’est terminé dans ses quartiers. Elles ne me croyaient pas et voulaient savoir. Comme je vous l’ai dit, je ne mens pas aux officiers, et je ne refuse pas non de répondre à leurs questions, même si celles-ci sont difficiles. »

Et difficile, la conversation l’avait été. Mais les deux femmes avaient fini par trouver un terrain d’entente, l’alcool aidant. Elles ne s’étaient pas revue depuis et Nadja n’était pas sûre d’en avoir immédiatement envie.

« - J’ai également dû révéler certains détails au docteur Sincet. Mais je m’en suis tenu au minimum. Comme vous, elle ne souhaitait rien savoir. Mais je crois que c’est tout. Peu de gens osent me parler pour l’instant.»

C’était le moins que l’on puisse dire. Mais de toute façon elle-même se murait dans un silence un peu dépressif depuis son arrivée. Pas forcement la plus saine des réactions mais, à chaque fois qu’elle rencontrait quelqu’un, elle ne pouvait pas s’empêcher de se demander comment il ou elle était mort à son époque…

« - Pour éviter ce genre de problèmes, je pense que je vais demander à être affectée à l’Achille. Peut seront au courant de mon « histoire » et je pense pouvoir y être utile. »

La mention de Plume fit partir le major dans un étrange monologue. Mais pourquoi parlait-il de ça maintenant ? Ensuite, il enchaîna sur sa demande d’affectation à l’Achille et lui confirma qu’elle avait de bonnes chances d’obtenir le poste en question.
Et puis elle comprit. Il était mal à l’aise face à elle. IL ne devait pas savoir comment gérer cette situation. C’était au final compréhensible. Si un petit fils lui avait soudainement débaroulé sur le coin de la figure, elle n’aurait peut-être être pas été aussi patiente.

« - Vous savez monsieur, si vous ne le souhaitez pas, nous ne sommes pas obligés de faire cas de notre lien de parenté. Je comprends que cela vous dérange. À mon époque, la famille est très importante. Nous sommes tellement peu nombreux que nos liens sont très resserrés. Mais ici, a votre époque, vous êtes plusieurs milliards. Les choses doivent être très différentes. »

Évidemment, elle avait espéré autre chose. Mais a quoi s’attendait-elle ? Qu’il la fasse sauter sur ces genoux en faisant des « gouzi gouzi sergent » ? Ils avaient quasiment le même age, c’était ridicule. Non malvenu, c’était son officier supérieur apres tout.

Elle se redressa et regarda Thain droit dans les yeux, attendant qu’il continue ou lui signifie la fin de l’entretien.

Calmement et sans rien laisser paraître, Nadja écouta son grand père, l’homme qu’on lui avait appris à admirer depuis toutes petite, froisser sa vie comme un vulgaire bout de papier et la jeter dans la corbeille sans plus y penser. Et il semblait trouver cela tres drole.

Elle entendit à peine ses derniers mots alors qu’il la congédiait et elle tourna les talons après un salut qu’elle espérait impeccable. Une fois dehors, elle prit une profonde inspiration en s’appuyant contre le mur de la station. Au moins avait-elle fait le bon choix en demandant l’Achille. Elle n’aurait pas à le voir tous les jours…

Sonnée, elle rentra vers ses quartiers en essayant de ne penser à rien. Mais sa solitude se reflétait dans le regards de tous les étrangers qu’elle voyait. Au dernier moment, elle changea de trajet et descendit vers le gymnase. Rester seule à déprimer n’était pas dans son caractère. Autant taper sur quelque chose…

L’ex marine termina son après midi à massacrer un sac de sable imaginant de nombreux visages à sa place. Tonathiuh, le Docteur, le général Cook… mais surtout elle même. Si elle était morte sur la station comme tout le monde s’y attendait, rien de tout cela ne serait arrivé. Mais elle n’aurait alors pas pu sauver cette fichu station… pour ce que ca lui avait rapporté !

Enfin, il y aurait sans doute bien d’autre occasion de se faire tuer une fois sur l’Achille.