Bad Therapy

Depuis presque un mois, le calme régnait sur le JPS. L'entrainement avec JP2 , mis à part, Nadira avait pu profiter des installations impressionnantes de la station. Elle avait rarement travaillé dans un laboratoire aussi bien équipé. D'autant que les quelques demandes de matériel supplémentaires qu'elle avait pu faire lui avaient été accordées sans le moindre battement de sourcil.  On leur avait même alloué des maisons sur Terre. Elle cherchait toujours une bonne raison pour réquisitionner une Lotus Elise. Elle trouverait…

L'autre avantage de ce laboratoire était qu'elle pouvait y travailler à toute heure, seule la plupart du temps. Elle avait fait un peu de charme à un technicien informatique la semaine précédente pour accéder au système audio depuis son ordinateur. Depuis, à chaque fois qu'elle se savait tranquille, elle  faisait exploser les décibels et ondulait en rythme entre les paillasses tout en surveillant ses cultures de cellules.

Ce soir, elle observait les ravages d'une mutation du virus Ebola sur des tissus Jafa tout en se déhanchant sur un rock endiablé.

I'm like evil I get under your skin
Just like a bomb that's ready to blow
Cause I'm illegal
I got everything
That all you Aliens might need to know
I'm gonna take you down
Yeah down, down, down

Totalement dans son univers elle chantait les paroles (inconsciemment modifiées) et ne vit pas son visiteur avant que celui-ci ne frappe à la vitre.

Rougissant comme une gamine prise la main dans la boite à gâteau, elle coupa la musique et fit signe au sergent de ne pas bouger. Après être passée par le sas de décontamination, elle sortit et l'écouta bafouiller. On aurait dit un lycéen à son premier rendez-vous.

"- Non c'est plutôt calme," répondit-elle en souriant. "Mais il vaut mieux ça que l'inverse, je pense. Je peux faire quelque chose pour vous sergent ?  "

Intriguée, mais pas mécontente de la distraction, elle se demandait quelle mouche avait piqué le soldat anglais.

Un peu surprise, elle regarda l’anglais s’installer tranquillement et sortir de quoi fumer. Elle n’eut cependant pas le temps de le sermonner qu’il lui posait une question bien plus précise et elle comprit pourquoi il était là.

*Et merde !* songea-t-elle.

Ça devait lui arriver un jour ou l’autre en acceptant ce poste bien plus généraliste que celui dont elle avait l’habitude. Elle détestait tenir la main de patients ou de leurs familles. Sa brusquerie, dans ces moments-là, lui avait d’ailleurs value de sévères remontrances durant son internat ce qui avait orienté son choix de carrière. Un microbe se plaint rarement.

« - Si vous fumez ici, vous allez vous retrouver couvert de mousse dans la seconde qui suit. Attendez une seconde.»

Elle pianota sur sa console et désactiva les systèmes anti incendies avec une aisance qui montrait une certaine pratique. Puis elle récupéra la cigarette qu’il lui tendait avec un sourire.

« - Merci. Je ne suis pas particulièrement adepte mais je reconnais que de temps en temps c’est agréable. Comme vous l’avez vu, quand j’ai besoin de penser à autre chose, j’ai plus l’habitude de danser."

Elle récupéra une boite de Pétri vide pour recueillir les cendres puis s’installa en face du militaire.

« - Et si vous commenciez par le début ? Je sais que ce n’est pas vous qui êtes malade.  C’est un proche, je suppose ? »

L'égyptienne se retint de rire lorsqu'il lui demanda d'être moins protocolaire. Elle comprenait parfaitement ce qu'il voulait dire et ca n'était, en fait, absolument pas drôle. D'autant qu'il faisait visiblement des efforts pour s'ouvrir.
Elle se releva donc et enleva sa blouse blanche qu'elle lança sur son bureau un peu plus loin et se réinstalla en retournant la chaise, a califourchon.

Le chemisier crème et le jean serait sans doute moins intimidants, tout comme la positon de "cow-boy".

"- J'aime autant vous prévenir que j'ai dormis pendant la plupart de mes cours de psychologie. Donc va pour la discussion entre collègue."

Il lui expliqua ensuite le soucis et elle inspira une longue bouffée de fumée avant de répondre. Elle comprenait bien le désarroi du militaire, sans doute habitué à pouvoir gérer n'importe quelle situation. Mais dieu qu'elle pouvait haïr ce genre de situation…

"- Sale coup," hésita-t-elle. "Maintenant, on est plus au XXe siècle et ce genre de cancer se soigne généralement bien, et sans rechute. Ensuite, tout dépend évidement de l'étendue de l'infection ainsi que de l'âge et de la résistance de votre mère.  "
 
Elle avait beaucoup moins dormis pendant les cours d'oncologie et préférait ne pas trop s'avancer sans avoir accès au dossier.

"- Cela dit, une chimio secoue toujours pas mal. Attendez vous à ce qu'elle soit diminuée pendant plusieurs mois"

Quatre-vingt ans. Nadira ne releva pas mais elle savait que l'âge avancé n'aiderait pas. Du coup, le pronostic rassurant qu'elle avait fait auparavant battait un peu de l'aile. Et il le savait parfaitement. La question sur ces parents était une diversion mais elle y répondit de bonne grâce. Confidence pour confidence

"- Je ne les ai pas vu depuis mon mariage. Nous sommes un peu en froid pour tout vous dire. Ils acceptent mon mode de vie mais ne le comprenne pas vraiment. Et réciproquement. Avec tout ce qui se passe en Egypte en se moment, j'aurai voulu qu'ils viennent s'installer aux états unis mais ils ne veulent rien entendre."

Un silence un peu pesant s'installa quelques secondes entre eux. Paul était plongé dans ses souvenirs et elle dans les siens. Pourquoi lui avait-elle dit ça? Il était la pour parler de ces problèmes, pas entendre les siens.

Finalement, il vida son sac, confirmant ses suppositions première. Et elle se demandait bien quoi lui répondre. Pour se donner un peu de contenance, elle se leva et se dirigea vers une unité réfrigérée sensé contenir des médicament d'urgence. Elle l'ouvrit, souleva un plateau chargé de flacon et récupéra une canette de biere qu'elle lança au militaire avant de s'en prendre une également et de refermer le tiroir.

"- Strict usage médical et ca reste entre nous," dit elle en se réinstallant. "Je n'ai pas de réponse toute faite à vous donner. On réagit tous à notre manière dans ces circonstances. Vous pouvez vous protéger de vos émotions au boulot, parce que ça ne vous touche pas. Mais un proche… c'est impossible. C'est ce qui fait des nous des humains.  Même si c'est une vraie plaie, parfois. "

La gorge de Nadira se serra à la mention de son mariage. Mais pourquoi avait-elle parlé de ça?

"- La distance, ca nous a fait du mal, c'est vrai. J'étais en Alaska, en mission pour le CDC et lui… ici. "

Son regard se détourna de l'anglais pour contempler le fond de la pièce.

"- Il est mort là-bas, sur ce lit. L'équipe à tout tenté pour le ranimer mais ses blessures étaient trop étendue."

Elle avait regardé la vidéo plusieurs fois depuis son arrivée. Mais elle ne trouvait rien à redire à ce qui avait été fait. C'était juste… comme ça.

Elle dissimula son  émotion à fleur de peau avec quelque gorgée de bière et écouta la suite en silence. L'anglais n'avait pas eut une vie facile lui non plus. Et il prenait très à cœur ses devoirs envers ses équipiers.
Finalement il revint sur ce qu'ils avaient vécu dans la salle de la porte et elle soupira.

"- Peter m'avait montré, une ou deux fois comment utiliser un pistolet. Mais ce n'est pas mon truc. Vous avez raison, néanmoins, ca aurait pu être bien pire. Surtout si ils n'étaient pas passé. Vous vous souvenez de la piqure que je vous ai faite? Si la femme que j'avais contaminée était resté, elle aurait décimé la station en quatre heures. Nous n'aurions pas eu le temps de synthétiser l'antidote pour tout le monde. "

Elle soupira en vidant sa canette. Elle savait qu'ils étaient passé très prés de la catastrophe ce jour la. Et si son plan avait fonctionné, c'était plus grâce à la chance qu'a ces talents de stratège.

"- Je pensais être seule quand je j'ai injecté le virus. J'avais vu mourir tout le monde autour de moi en quelques minutes.  Et j'avais honte. De cette terreur abjecte qui me paralysait. Et d'être en vie alors que  d'autres avait donné la leur pour me protéger. Je voulais qu'ils paient pour ce qu'ils avaient fait ici."

Elle fixa le militaire avec des yeux soudain très dur.

"- Et croyez-moi, ils ont payé. Très cher" 

Nadira s’en voulait un peu d’avoir plombé la discussion. La mort de son mari était toujours une blessure ouverte, malgré les mois qui s’écoulaient, et les tournants drastiques qu’avait pris sa vie récemment.

Gênée de s’être ainsi laissé aller, elle écrasa une larme à la commissure de ses yeux et reprit une cigarette, pour se donner de la contenance.

« - Navrée, » s’excusa-t-elle en emplissant ses poumons de fumée.

Ils passèrent à autre chose, pressés sans doute d’évacuer la gêne pesante de leurs soucis respectifs. A sa grande surprise, il ne sembla pas particulièrement surpris lorsqu’elle lui expliqua ce qu’elle avait fait lors de la précédente mission. Il ne devait pas être étranger à ce genre d’atrocité. C’était effrayant, mais rassurant en même temps. Elle se sentit un tout petit peu moins seule, soudain.

* C’est ce qu’a du ressentir Bonny en rencontrant Clyde… souviens toi comment ça s’est fini.*

Il lui proposa d’apprendre à se servir d’une arme et elle sourit. Avec son nouveau rôle de chef d’équipe, elle allait difficilement pouvoir se passer d’en porter une.

« - Il y a quelque jours, je vous aurai dit non. Chacun ses armes. Mais vous savez que je prends la direction de JP1. Je ne peux décemment pas aller sur une autre planète simplement équipé de seringues, pas vrai ? Et je n’ai pas envie d’être plus  dangereuse pour mes équipiers et moi à chaque fois que je dégaine que nos ennemis. Alors pourquoi pas.»

Elle sourit quand il évoqua JP1 et leur nomination respective.

"- C'est moi qui ai proposé votre candidature. J'avais besoin de quelqu'un d'entrainé qui sache garder la tête froide dans des moments de stress. Vous m'avez déjà prouvé que vous en êtes capable."

Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il se rapprochait soudain, jusqu'à ce qui lui tende son pistolet. Il voulait lui montrer comment se servir de ça ICI ? Dans une infirmerie ? Si quelqu'un rentrait maintenant,  il verrait qu'ils avaient bu, fumé et jouaient avec des armes… C'était le monde à l'envers.

Elle jeta un coup œil nerveux à la porte, mais celle-ci resta fermée et elle se détendit légèrement en écoutant les conseils de sécurité. Le doigt le long de la glissière et pas dans le pontet, elle se souvenait de ça. Personne ne faisait ça au cinéma !

Et puis il se plaça derrière elle pour lui montrer la position de tir. Un rien trop prés, accidentellement sans doute. Le cœur de la jeune femme accéléra soudain alors que sa peau se recouvrait de transpiration.  Elle n'entendit pas la dernière phrase et fit un pas en avant pour se dégager en posant l'arme sur une banquette proche.

Dimanche après midi, soleil radieux. Peter est la, derrière elle et lui montre une posture similaire. Elle tire et tue une motte de terre. Il lui tient la taille doucement et l'aide à viser. Le piquet n'a pas une chance. Il dépose un baiser dans son cou et elle s'électrise. Elle se tourne légèrement et leurs lèvres se touchent.

Elle chassa le souvenir avec un mouvement de tête rageur. *Ne perd pas le contrôle, Nad. Reprends-toi. *

- Excusez-moi, Paul. Merci d'avoir essayé, mais ce n'est pas le bon moment, articula-t-elle sans se retourner. On reprendra au stand de tir, d'accord ? 

Lentement, le malaise reflua et elle reprit le contrôle de son corps et de son esprit. Détestable moment de faiblesse, devant témoin qui plus est. Le militaire eut le bon gout d’être discret et de la laisser se reprendre. Elle n’aurait probablement pas bien pris qu’il lui fasse un numéro de grand frère protecteur.

Elle regretta d’avoir finie sa bière. Il en restait dans son frigo improvisé mais une canette était le maximum qu’elle pouvait s’autoriser. Elle devait avoir les idées claires en cas de soucis.

*Pas si claire que ça en ce moment…*

Après quelques profondes respirations de plus, elle se réinstalla à son tour, un peu plus loin que précédemment. Elle ne voulait pas que la proximité se réinstalle entre eux, ou qu’il voit ses yeux rougis.

« - J’ai conscience de ne pas avoir votre expérience du terrain, et il ne faudra pas hésiter à m’en faire profiter. J’aurai voulu un second militaire pour compléter l’équipe, mais il n’y en a pas de disponible pour l’instant. »

La question suivante la fit sourire. Là, elle était dans son élément.

« - C’est un marqueur dans votre ADN. Disséminé par une race encore plus ancienne que les Goa’uld. La capacité d’utiliser leur technologie était basée sur la présence de ce gène.  C’est une autre raison pour laquelle j’ai souhaité votre présence. Entre vous et Plume qui a du Naquadah dans son sang, nous pourrons utiliser la plupart des technologies que nous rencontrerons. »

Et elle pourrait se livrer à quelques expériences de son coté, afin de tenter de simuler la présence de ses éléments. En généraliser l’usage à tous les membres de JPS serait un énorme plus.

« - Une race extraterrestre. Très belliqueuse. Nos principaux ennemis si j’ai bien compris. Mais je n’en ai jamais rencontré encore. Je ne suis pas arrivé longtemps avant vous. »

Inutile de commencer à lui faire peur avec des serpents qui prennent possession des corps et autres choses amusantes du même acabit.

"- Je devrais être la première à vous dire  que nous ne sommes pas supposés utiliser ce genre de technologies pour notre avantage, mais nous sommes humains. Nous devons faire feu de tout bois lorsque nous le devons."

Le petit discours sur les progrès médicaux pouvait paraitre naïf ou idéaliste au premier abord. Mais il était surtout pragmatique. Si on ne pouvait pas aider ses proches, à quoi bon tout le reste ?

« - Quand Sincet est venue me vendre le projet SDT, elle m’a quasiment fait miroiter un prix Nobel. Même si au jour le jour je rafistole le personnel, la raison première de ma présence ici reste la recherche. Médicaments ou armes bactériologique, nous pouvons espérer trouver et retro-ingénieurer énormément de technologies en parcourant cette galaxie. C’est d’ailleurs aussi pour ça que j’ai accepté de faire partie d’une équipe d’exploration. Je sais ce dont nous avons besoin et pourquoi. »

Elle ne rajouta pas qu’elle n’aurait aucun scrupules à faire passer les besoins humains avant tous les autres.

"- Justement parce que nous ne les maitrisons pas forcement. C’est le principe de l’enfant jouant avec des allumettes. Mais il n’y a personne pour nous expliquer comment ça marche. Nous allons sans doute nous bruler, mais nous finirons par allumer ce fichu feu. Je suis sure que cela sera bénéfique sur le long terme."

Elle était contente de trouver quelqu’un partageant sa philosophie pragmatique, là où le principe de précaution semblait primer quasi partout. Le soutien du militaire lui serait précieux en mission.

"- Ca, si on m’avait dit l’an dernier que je me retrouverais à la tête d’une expédition interstellaire, j’aurai bien ris. Allez savoir où nous serons l’année prochaine."

Elle sourit lorsque Paul se leva et fit de même en éteignant elle aussi sa cigarette.

"- C’est vous qui accompagnez les Sincet, c’est ça ? Si vous avez un peu de temps pour vous, essayez de me faire parvenir le dossier médical de votre maman. Je ne suis pas douée en psychologie mais un peu plus en oncologie. Nous en parlerons à votre retour. Bon voyage et faites attention à vous."

Alors que l’anglais sortait, elle se demandait pourquoi elle lui avait fait cette proposition. Ça n’était ni le lieu ni le moment de lier des relations amicales. Surtout avec un militaire.  Ils mourraient tous si vite…