The hurting time

« - Avez vous déjà entendu parler des Noxs ?
- Lennox ? La chanteuse ?
- Heuu, non, la race. Je suppose que non, du coup. »

Nadja, Prius et Zander était installés à la table du salon de Stella, autour d’un verre. Le prêtre, en poste sur Atlantis, était passé les voir un peu plus tôt ce soir avec visiblement une idée derrière la tête. Il avait fallut un repas, quelques plaisanteries et un peu d’alcool pour qu’il se décide à aborder le sujet de sa visite.

« - Depuis que je sais à propos de votre état de santé, Nadja, je… Non ne protestez pas s’il vous plait. Je suis aussi soigneur, vous vous souvenez. Je vous voit lentement dépérir au fil des semaines et si je comprend vos raisons de ne pas souhaitez de soins trop invasifs, permettez moi de chercher d’autres méthodes. »

Pour une fois à court d’arguments, Nadja referma la bouche et avala une gorgée de bière.

« - Les Noxs sont une ancienne race. Ils ont disparu aujourd’hui mais leur technologie était aussi avancées que celles des Asgard. Plus peut être dans certains domaines, comme la médecine. D’après certaines légendes, ils étaient même capable de faire revenir un corps à la vie, mais cela me semble un brin exagéré. Comme je vous le disais, ils ont disparu mais certaines de leur connaissances restent ici et la, bien que très rare. Mon ordre garde cependant une oreille attentive à ce genre de chose, bien que nous n’ayons jamais pu nous en procurer jusque ici. »

Il fit une pause pour boire à son tour, regardant ses deux amis par dessus son verre.

« - Ne me demandez pas comment je l’ai appris, mais une vente va avoir lieu d’ici quelques jours. Des antiquités, des objets d’arts. Mais l’un d’eux serait relié à cette race. Je pense que c’est une rumeur intéressante à investiguer s’il y a la moindre chance que cela vous soit utile.
- Je ne serai pas votre cobaye, Prius.
- Je ne vous y obligerais pas. Mais si ça peut aider d’autres personnes, ca n’est déjà pas si mal, vous ne trouvez pas ? »

En appeler au sens du devoir de l’ex marine n’était sans doute pas très honnête de sa part. Il n’avait cependant menti à aucun moment. Son ordre serait ravi de récupérer toute connaissances médicale avancées. Si un passage, il pouvait aider ses amis, c’était simplement un bonus. Non négligeable.

Zander passait la soirée avec Nadja et Prius sur Stella. Autant il aimait travailler sur la Cité et dormir dans leurs quartiers là-bas pour la vue et le bruit de l'océan, autant son vaisseau restait un havre de paix pour tous les autres moments où personne ne venait les embêter et où il se sentait vraiment chez lui et libre.

Son ombre n'avait d'ailleurs pas le droit de cité dans cette partie du vaisseau et devait rester dans la soute, comme elle serait restée devant la porte de leurs quartiers. Parce que même un mois après leur retour d'Hebrida et malgré son travail sérieux et sans tâche sur Atlantis et son respect des règles auxquels il était astreint, il devait toujours être escorté. Enfin, ce n'était pas comme s'il ne pouvait pas se faire la belle s'il le voulait et la débarquer en la téléportant de toute façon...

À l'occasion, comme ce soir-là, il cuisinait des plats avec les provisions récupérée sur son monde natal. Il adorait ces petits moments tranquilles entre eux, comme ils auraient pu en avoir sur n'importe quelle planète. Il avait bien remarqué que le prêtre voulait dire quelque chose depuis le début, mais il lui fallut un moment pour franchir le pas, ce qui était étonnant venant de lui. Ce n'était pas vraiment son genre d'hésiter de la sorte.

Il l'écouta attentivement, car ce devait être important, et secoua la tête négativement concernant les Nox. Ou Annie Lennox, ce qui visiblement importait peu. Il ne s'attendait pas à ce que le prêtre se mêle de cette histoire et cherche activement un moyen de sauver Nadja.

« - Stella, tu peux faire des recherches sur les Nox dans les bases de données, s'il te plaît ?
- C'est déjà en cours, répondit l'IA.
- Merci ma grande. »

Il étudierait tout ça en détail plus tard. Il sourit quand Prius leur demanda de ne pas chercher à connaître ses sources. Cela lui disait tout aussi long. Peu recommandable. Il n'ignorait rien des liens douteux que pouvaient entretenir les Bergers, mais cela relevait souvent de la nécessité. Lui aussi avait ce genre de relations malheureusement nécessaires dans certains coins.

Il ne dit rien lorsque Nadja refusa de jouer les cobayes. Il pouvait comprendre tant qu'ils n'en savaient pas plus sur l'objet, ses propriétés et son fonctionnement, mais une fois qu'ils en sauraient plus, il serait plus facile de la convaincre d'essayer.

« Je crois aussi que ça vaudrait le coup de s'intéresser à cette rumeur. Où exactement doit avoir lieu cette vente et comment peut-on y participer ? » demanda-t-il.

Contrairement à Diane, il ne s'intéressait pas nécessairement aux antiquités et encore moins aux œuvres d'art. Il en allait cependant tout autrement dès qu'on lui parlait d'une technologie issue d'une race beaucoup plus avancée, d'où l'attrait quasi irrésistible qu'exercait la technologie des Anciens sur lui. Il n'avait jamais entendu parlé des Nox, mais il était certain que ce peuple allait tout autant le fasciner. S'ils mettaient la main sur ce matériel médical, il tâcherait de le faire passer entre les mains des scientifiques hébridiens. Eux en tireraient ce qu'il y avait à savoir pour l'assimiler et l'utiliser, mais il ne finirait pas entre les mains des Terriens qui se contenteraient de le mettre dans un coin sans chercher à en savoir plus et où il serait oublié.

Le prêtre s’autorisa un petit soupir soulagé. Au moins, ces deux amis ne l’avaient pas envoyé paître trop vertement.

« - Les habitants nomment leur planète Alpenglow. Il n’y a, à ma connaissance, aucune porte la bas. Et les goa’uld ne s’y sont jamais intéressés. Technologiquement, ils sont au début du développement industriel. Autant vous dire qu’ils n’ont jamais entendu parler de voyage spatial. Il y a quelques années, une épidémie à faillit les renvoyer à l’âge de pierre. Mon ordre est intervenu discrètement pour leur fournir un médicament et nous maintenant depuis la bas une antenne. C’est un endroit parfait pour former de nouvelles recrues ou permettre des convalescences loin de toutes mauvaise influences. »

Il leur sourit, conscient que son exposé se faisait un peu longuet.

« - Je pense que c’est un de nos anciens patient, justement, qui profite de cette discrétion pour réunir de potentiels acheteurs. Zander tu as peut être entendu parler de lui. Le professeur Simon. C’était un des contact de Diane et sans doute l’un de ces mécène. Il a été gravement brûlé l’an dernier dans l’explosion de son vaisseau. Après sa convalescence, il a décidé de rester un moment sur la planète et y a visiblement fait des découvertes. »

Prius les regarda un moment pour leur laisser intégrer tous ces paramètres avant de continuer.

« - Je n’apprécie pour ma part pas vraiment qu’il use de ses connaissances extra-planétaire pour dépouiller la planète et s’enrichir au passage. D’un autre coté, si les locaux tombaient sur des connaissances bien trop avancées pour eux, qui sait ce qu’ils en feraient ? Du coup, nous pourrons vous fournir des vêtements locaux, de l’argent et une couverture locale. Inutile de vous dire que nous voulons au maximum éviter d’alarmer les locaux. »

Cette fois, c’est Nadja qui intervint, avant que le prêtre reprenne son monologue.

« - Il y aura d’autre personne extérieure à la planète, je suppose ?
- Oui très probablement. Mais impossible de savoir qui, à l’avance. Vous devrez être très prudents dans vos paroles. 
- Ma grande spécialité, grommela l’ex marine en vidant sa bouteille.»

Zander fut pris au dépourvu par la suite et grimaça. Il ne voulait même pas savoir comment les Bergers avaient réussi à s'introduire sur la planète ou gardaient le contact avec les leurs sur place. Jusqu'à présent, il avait toujours cru que Prius et les siens n'opéraient que sur des planètes ayant une Porte ou qui étaient au fait des voyages spatiaux et donc au courant qu'il existait des mondes au-delà du leur.

Mais peut-être que l'Ordre ne s'en vantait pas, car cela aurait pu leur valoir des ennuis avec certains mondes qui voyaient d'un mauvais œil ce genre d'interférence, à commencer par Hebrida. En tant qu'explorateur, il connaissait les règles à respecter s'il venait à tomber sur une planète comme celle-là, à commencer par éviter les contacts et interférer le moins possible le cas échéant.

« Ça ne me plaît pas du tout. Je ne me rends jamais sur ces planètes-là et je croyais que les Bergers non plus. C'est extrêmement contraignant, très risqué et souvent pour pas grand-chose. Nous ne pourrons pas prendre nos armes ni aucune technologie au-delà de leur niveau pour ne pas les contaminer, en plus de surveiller nos paroles. Et Stella devra rester en orbite. » fit-il.

Il secoua la tête négativement quand Prius lui parla du probable responsable. Ce nom ne lui disait rien. Il était choqué d'apprendre que les Bergers étaient intervenus pour les soigner et qu'ils utilisaient toujours les lieux, notamment pour héberger des extra-planétaires. C'était dangereux, peu importait les raisons. Il se demandait qui dans l'Ordre avait pu autoriser une telle opération et surtout s'il y en avait d'autres. Il se renfrogna. Ce que Prius lui disait le perturbait vraiment. Heureusement que celui-ci n'appréciait pas ce qu'il se passait et il doutait qu'il prenne bien ce qu'il allait lui dire.

« La question n'est pas de savoir ce que ce peuple pourrait faire de ces objets. Cela pourrait justement être le déclencheur qui leur permettra de progresser technologiquement et les fera rejoindre les étoiles un jour. En attendant, leur sous-développement ne donne le droit à personne de piller leur planète et de s'enrichir dans leur dos. Ces objets leur appartiennent, pour le meilleur ou pour le pire. Il faut mettre un terme à ce trafic et les Bergers doivent cesser d'envoyer des extra-planétaires là-bas, ou sur toute autre planète similaire, pour leur convalescence. Cette situation prouve que c'est une très mauvaise idée et cela pourrait entraîner bien pire. » dit-il très sérieusement.

Les prêtres étaient responsables et ils laissaient plus ou moins faire. Il ne jugea pas utile de rajouter que c'était comme ça que les Goa'ulds avaient asservi une bonne partie de la galaxie par le passé, en se faisant passer pour des dieux grâce à leur technologie auprès de peuples qui n'avaient aucune idée de quoi il s'agissait.

« J'ai besoin que tu m'envoies toutes les informations que vous possédez sur ce monde et les couvertures que vous entendez nous fournir. Je vois aussi d'autres problèmes. Atlantis d'abord. Ils ne doivent pas être informés de ce que nous allons faire, car il est fort probable qu'ils y opposent leur véto. Donc il va falloir trouver un prétexte pour partir puis se faire la belle. Et il faudra se débarrasser de mon escorte. Hors de question d'embarquer quelqu'un sans l'avertir au préalable et de le mettre en danger ou d'avoir à le séquestrer à bord. »

Il estimait déjà qu'Atlantis outrepassait son autorité en exigeant qu'un membre de la sécurité l'escorte lorsqu'il quittait la Cité, surtout s'il partait mener ses propres affaires. Il n'avait pas à se plier leurs règles une fois hors de la planète. Évidemment, ils devraient subir les conséquences à leur retour et cela les rendrait encore plus méfiant envers lui, mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid.

« Ensuite, l'argent. Ce genre d'enchères est généralement très concurrentiel. Que se passera-t-il si nous n'avons pas assez de fonds ? »

Sachant que l'Ordre n'était pas riche, il avait pensé utiliser sa fortune, vu qu'il en avait une, ce qui aurait probablement évité tout problème.

Un peu surprise par la colère de Zander, Nadja le laissa parler. Elle ne comprenait pas vraiment pourquoi il prenait si mal la présence des Berger sur cette planète. N’avaient ils pas sauver la population ? Elle avait entendu parler il y a longtemps de cette théorie selon laquelle les populations des planètes devaient découvrir seule le voyage spatial, que ça soit par une porte ou un voyage supraluminique. Elle savait également que dans la pratique cela n’était jamais respectée, à partir du moment ou une planète possédait des ressources intéressantes.

Et s cette planète possédait des sites archéologue de ces fameux Nax… Nix… trucs… cela se saurait vite et attirerait tous les trafiquants du secteur.

Sentant le ton monter entre les deux amis, l’ex-marine réagit à sa façon, tout en diplomatie et délicatesse.

« - Si vous voulez, je peux faire sauter le lieu de vente. Comme ça, plus de vendeur, plus d’acheteur et plus de trafics. Non ? Bon alors on arrêtes avec les grands principes et on se concentre sur le problème actuel. Prius, nous allons vous aider. Pas pour moi, mais parce que ce trafic doit cesser et son responsable botter hors de la planète à coup de pieds aux fesses. Zander, je vais m’occuper des autorisation locales. L‘Achille va aller faire quelques exercices dans un système voisin et j’ai justement besoin de Stella pour servir de plateforme d’observation. »

Elle les regarda l’un et l’autre à tour de rôle, les défiants de protester. Finalement, ce fut Prius qui reprit la parole, d’un ton plus doux.

« - Pour les détails, il faudra voir avec le dirigeant du monastère local. C’est lui qui vous fournira vos couvertures, vos vêtements et l’argent nécessaire. Si cette somme s’avérait effectivement ne pas être suffisante, il faudra peut être envisager d’autres solutions. Dans tous les cas, je vais vous donner les fichiers qu’ils m’ont fait parvenir pour vous familiariser avec l’environnement. »

Prius n'avait rien répondu à Zander. Cela n'aurait servi à rien. Son ami pouvait parfois être… soupe-au-lait et obtus. Mieux valait laisser passer l'orage et attendre un moment plus propice pour arrondir les angles. Il ne s'était vraiment pas attendu à cette réaction, mais le pilote ne s'était pas complètement braqué et n'avait pas rejeté dans la foulée sa suggestion, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire quelques années plus tôt. Il fallait dire qu'il avait une bonne raison d'aller là-bas, mais s'il n'aimait les conditions. Il se contenta d'approuver du chef la suggestion de Nadja. Cela lui convenait, car le pire dans tout ça, c'était que Zander avait raison quant à la nécessité de mettre un terme à tout ça. Les Bergers devraient se montrer plus prudents à l'avenir et peut-être faire quelque chose pour empêcher que la situation ne se reproduise.

*****

Zander attendait la réaction du prêtre, mais ce fut Nadja qui intervint et proposa de mettre un terme au trafic tout en gérant Atlantis. Il ne trouvait rien à y redire. Prius, fidèle à lui-même dans ces cas-là, préféra éviter d'engager la discussion et répondit plutôt à l'ex-marine qu'à lui et approuva. Il prit sur lui et ne poursuivit pas non plus. Il n'avait pas envie de se crêper le chignon avec elle non plus. Et dire que la soirée avait si bien commencé...

« Je sais que ce n'est pas ton fort, mais cela doit se faire discrètement pour ne pas éveiller les soupçons de la population locale… Et tant que tu trouves aussi un moyen de me débarrasser de mon escorte et qu'on puisse s'éclipser sans éveiller les soupçons, ça ira. » fit-il.

Le reste ne le réjouissait pas non plus. Ils n'auraient pas le temps d'assimiler les informations relatives à leur couverture avant d'arriver et de travailler un peu dessus pour la parfaire. Ils devraient les apprendre une fois sur place. Pareil pour l'argent, ils ne sauraient pas s'ils en auraient assez jusqu'à la dernière seconde. Cela ne commençait vraiment pas bien du tout.

« Qu'entends-tu par trouver d'autres moyens ? Voler par exemple ? Tout cela m'a l'air bien trop improvisé… fit-il remarquer. Dans combien de temps a lieu la vente ? » demanda-t-il en bridant son agacement.

Prius n’avait pas réellement répondu à Zander sur d’éventuelles suite. Il n’avait aucun moyen de savoir. Il se débrouilla pour obtenir des information sur la planète rapidement, ce qui permit à ses deux amis de se préparer pendant le voyage. Alpenglow était semblable par bien des cotés à la Terre. Seule sa gravité était légèrement plus faible que sur Terre.

Technologiquement, une bonne moitié de la planète se trouvait à un niveau équivalent du début du XXe siècle sur Terre. Le reste se situait entre le moyen age et des tribus éparses. Politiquement, les trois continents étaient essentiellement de petits pays régulièrement en guerre les uns avec les autres. La population mondiale avait diminuée de trente pourcent à cause de la Mort Rouge, une maladie qui avait balayée les pays civilisés dix ans plus tôt.

Le monastère était situé dans une chaîné de montagne en marge d’une des villes les plus développée. Ils pourraient y poser discrètement Stella au besoin ou bien sur se téléporter, bien entendu.

Nadja et Zander laissèrent l’Achille à ses exercices (et la nounou gentiment confinée a ses quartiers par le capitaine qui l’avait menacé de le faire téléporter dans une étoile s’il en sortait) pour se diriger vers la planète en question.

Dans la cabine de pilotage, Nadja à la place du copilote lisait la fin du document et jura soudain. Devant le regard surpris de son mari, elle lu à haute voix.

« - La place des femmes est peu enviable. Elle n’ont ni le droit de gagner de l’argent ni celui de posséder quoi que ce soit. Dans la haute société, leur seul but est de paraître, représenter socialement la famille et bien sur faire des enfants. »

Elle prit une profonde inspiration et serra les dents.

« - Je te jure, en revenant, Prius va me le payer. »

Pendant deux jours, Zander s'était concentré sur la mémorisation de tout ce qu'il avait pu trouver sur les Nox et leur technologie ainsi que les informations sur la planète que leur avait fournies Prius. Sans surprise, le monastère était dans les montagnes. C'était toujours le cas.

Puis il avait accompagné l'Achilles avec Stella pour faire office d'observateur pour le compte de Nadja pendant les manœuvres qu'elle avait organisées. Enfin, c'était en tout cas la raison officielle. Il ne savait pas ce qu'elle avait raconté à ses officiers pour justifier sa disparition pendant l'exercice ou comment elle avait obtenu que son ombre quitte Stella et reste à bord de son vaisseau. Mais Atlantis en entendrait sûrement parler. Peut-être pourraient-ils dire qu'ils avaient simplement voulu quelques heures rien que pour eux ?

En attendant, il était assis aux commandes en train de scanner les environs, alors qu'ils approchaient de leur destination. Il tourna la tête vers Nadja quand celle-ci se mit à jurer alors qu'elle lisait les informations d'Alpenglow. Il pouffa quand elle lut le passage incriminé. Il savait qu'elle allait adorer lorsqu'elle le découvrirait.

« Tu seras l'exception qui confirme la règle, alors. Il doit forcément y avoir des femmes qui se rebellent contre ce système et ne s'y conforment pas. Il y en a toujours. » dit-il.

Cela ne le tentait pas particulièrement de devoir jouer celui qui menait à la baguette son épouse ou leur couple.

« Et tu as vu les tenues à la mode ? » demanda-t-il, amusé.

Elle était loin d'être la seule à vouloir faire payer le prêtre. Il digérait assez mal toute cette histoire et avait plus ou moins évité son ami depuis.

« Je me demande si on arrivera à mettre la main sur des armes. Je ne serais pas surpris que plusieurs de nos concurrents en aient. Et il va falloir se déplacer à pied. » dit-il.

Ils n'auraient pas le choix. Quand à Stella, elle devrait rester en orbite, dissimulée, une fois qu'elle les aurait téléportés sur la planète. Il était hors de question qu'elle se pose sur la planète où le risque que quelqu'un la trouve existait, aussi minime était-il. Il devait réduire au minimum leurs interférences.

S’il y avait des rebelles à leur conditions, le document ne les mentionnaient pas. En découvrant les tenues, a base de robe longue dont certaines à cerceaux, elle ne put s’empêcher de jurer à nouveau.

« - Si on veut se fondre dans le décor, je ne pourrai pas me permettre de jouer l’outsider. Je vais devoir m’en remettre à toi pour payer mes dépenses et assouvir mes goûts de luxes… Finalement rien de nouveau. »

Elle riait encore quand ils sortirent de l’hyperespace et captèrent la balise du monastère. Aucun trafic dans l’espace à part ça ni d’onde radio d’aucune sorte. Aucun risque d’être repéré. Nadja passa à l’arrière s’équiper. Pas d’armes à énergie bien sur, ni même à poudre. Elle se contenta d’une lame courte, en acier trempé. Voilà quelque chose qui devait exister ici sous une forme ou une autre.

Un instant plus tard, ils se téléportaient au sol, dans la cour d’honneur ou un petit groupe de berger les attendaient. L’un d’eux se datacha, un homme d’une cinquantaine d’année, allégrement enrobé, au visage jovial.

« - Soyez les bienvenue, je suis le père Honey mais appelez moi Paul, je vous en prie. Prius vous a chaudement recommandé et… oh... »

Son regard venait de tomber sur Nadja et les tatouages qui dépassaient de ses manches courtes.

« - Ne le prenez pas mal, madame, mais il va falloir trouvez un moyen de dissimuler tout ca. Vous ne faites pas très… locale.
- C’est bien ce qu’il me semblait avoir lu, oui.
- Nous allons bien trouvez quelque chose, ne vous inquiétez pas. Venez, suivez moi. »

Il les fit pénétrer dans le corps de bâtiment puis dans un vaste bureau décoré avec goût.

« - Je peux vous offrir un rafraîchissement ? Le vin local est délicieux.Nous n’avons pas beaucoup de temps pour vous préparer. La vente est ce soir. Elle se tient sur la propriété du duc de Courtois et réunira une bonne partie de la haute société locale. Je vous ai obtenu une invitation sous le nom d’un riche marchand de retour de voyage ainsi que son épouse. Cela ne devrait pas éveiller de soupçons. "

Zander sourit et se détendit un peu.

« Eh bien je t'avertis tout de suite qu'en tant que gestionnaire des cordons de la bourse, je vais devoir mettre un frein à toutes tes dépenses somptuaires, justement. Je ne suis pas aussi argenté sur cette planète que sur les autres et il va falloir faire très attention à la manière dont nous dépensons notre pécule. » répondit-il.

Ce qui était une réalité et cela le dérangeait au vue de l'objectif de la mission. Tous les profits que faisaient l'Ordre sur une planète étaient réinjectés pour soutenir leurs structures sur celles où il ne gagnait pas grand-chose ou pour leurs actions auprès des populations dans le besoin. Si Alpenglow avait été intégrée au niveau intergalactique, cela n'aurait vraiment pas été un problème.

Ils sortirent de l'hyperespace et il constata qu'il n'y avait strictement aucune des activités qu'il avait l'habitude de trouver autour d'une planète, ce qu'il trouvait fort étrange. Mais cela ne durerait probablement pas et d'autres acheteurs allaient finir par arriver.

« - Stella, tu ne détectes aucun vaisseau qui serait déjà au sol ? Pendant notre absence, j'aimerais que tu maintiennes une veille sur les environs. Signale-moi les vaisseaux ou toute activité anormale. Et active l'occulteur et coupe tous les systèmes inutiles pour réduire ta signature au minimum.
- D'accord. Bonne chance.
- Merci ma grande. À plus tard. »

Il aurait pu lui dire de passer en mode passif complet et de faire en quelque sorte la morte, mais il préférait que quelqu'un surveille leurs arrières, même de loin, et qu'elle soit prête à intervenir, ou partir, en cas de besoin. En quittant la passerelle, il récupéra un couteau, même s'il n'était pas vraiment un spécialiste. Mais c'était toujours mieux que rien.

Il salua le prêtre qui les accueillit et ne pu s'empêcher de sourire à sa remarque sur les tatouages de Nadja. Une fois à l'intérieur, il s'installa dans un fauteuil et accepta volontiers un verre de vin.

« Je veux bien goûter, merci. Cette couverture ne soulèvera peut-être pas de questions, mais j'aimerais avoir plus de détails pour être crédible. Certains voudront peut-être en savoir plus sur notre compte et il serait fâcheux que nous ne puissions pas y répondre. Par exemple, je suis marchand de quoi et d'où est-ce que je reviens exactement ? Il nous faut un minimum d'informations pour donner le change. » commença-t-il.

Il voulait bien travailler sous couverture, mais il tenait à limiter les risques de se faire griller au bout de quelques minutes au maximum.

« Autre question, qu'en est-il des armes sur cette planète ? Est-il mal vu d'en avoir sur soi ? »

Il préférait de loin en avoir une, aussi primitive soit-elle, mais il était évident qu'il se plierait aux mœurs locales en la matière. Et si justement il était de coutume qu'un homme soit armé, il entendait l'honorer pour ne pas se faire remarquer plus que nécessaire.

« J'ai plusieurs questions d'ordre général. Qui sont les personnalités et les choses qu'il nous faut absolument connaître pour pouvoir tenir une discussion ? Qui est notre hôte et où se trouve sa demeure ? Y a-t-il des comportements que nous devons à tout prix éviter en tant qu'homme et femme et en tant que couple ? Je voudrais éviter de choquer qui que ce soit en l'embrassant en public alors que ça ne se fait pas, vous comprenez… » ajouta-t-il.

C'était souvent les gestes anodins qui trahissaient ceux qui travaillaient sous couverture, alors là aussi, il préférait tenter de limiter les impairs qu'ils pouvaient commettre alors qu'ils ne devraient pas.

Le vin s’avéra assez fortement alcoolisé et sucré et légèrement piquant. C’était surprenant mais une fois la surprise passée, c’était bel et bien délicieux.

« - Vous l’avez sans doute lu, l’industrialisation de cette planète est en cours. Ce faisant, les moyens de transport se font plus rapide. Ils ne disposent pas encore de moteur à explosion mais la vapeur règne en maître. Principalement le train et les bateaux. Des fortunes se construisent en ce moment grâce au commerce maritime. Tissus, épices, métaux précieux. Ce vin, par exemple, n’existait pas il y a encore dix ans. Il contient une épice uniquement trouvable de l’autre coté de la planète. Je pense que pour vous le plus serait… attendez un instant… voila. »

Il tira de son bureau un foulard cramoisi qu’il tendis à Zander. Le tissus était particulièrement léger et doux au doucher.

« - Je me suis laissé dire que le commerce de cette soie permettait des bénéfices de l’ordre de un pour dix. Nous sommes assez loin d’un port, je vous laisse imaginer les détails par vous même, sauf si vous avez des questions, bien sur. »

La question des armes le fit réfléchir un instant.

« - Les armes a feu n’ont quasiment pas cours dans les hautes sphères ou vous évoluerez. La tradition du duel à l’arme blanche est par contre encore très vivace. Le port d’arme dans ce genre de soirée, reste cependant limité au personnel militaire. Aux officiers bien entendu.
- Mais ou ai-je rangé mon uniforme, bougonna Nadja. 
- Ne le prenez pas mal, mais avant qu’une femme soit officier ici, il faudra encore de nombreuses années.»

Elle s’en était doutée mais ca ne l’empêcha pas de grogner. Nadja se sentait pousser des ailes de libératrice tout d’un coup.

« - On ne pourrait pas utiliser cette histoire de commerce pour expliquer mon physique ? Je pourrai être une autochtone d’un autre continent. Ça renforcerait l’histoire de Zander et éviterai qu’on s’émeuve de trop sur mes tatouages.
- Et bien… c’est une idée en effet. Ça expliquerai pourquoi votre mari cherche à se faire connaître loin de chez lui. Avec une telle mésalliance, il est probable que sa famille l’est renié. Mais attendez vous à des questions assez déplacées cela dit. Il est probable qu’aucun des invités n’ai jamais vu d’indigène. »

La dernière batterie de question de Zander le remit dans un environnement plus familier.

« - Je n’ai pas pu obtenir la liste des invités, mais il est probable que le gouverneur soit présent. Le duc est un fervent amateur d’art, d’histoire et un grand mécène des nouvelles technologies. Il dispose de plusieurs voitures à vapeur et s’intéresse de prés aux essais d’aéronefs. Concernant votre comportement, les marques d’affections en public sont généralement mal vu, bien que vous puissiez vous tenir par le bras. Il y aura sans doute des danses de salon pendant la soirée par contre. Si vous voulez, nous pourrons vous montrez rapidement cet après midi. Il va falloir aussi prendre vos mesures pour les vêtements que vous allez porter. »

Zander écouta avec attention ce que lui expliquait le père Honey. Il y avait moyen qu'il arrive à broder quelque chose de crédible concernant son histoire.

« Je pourrais me faire passer pour un marchand qui essaie de percer avec des produits de luxe, principalement la soie. C'est un peu ce que je fais en temps normal, alors cela ne devrait pas être trop compliqué. Est-ce que vous pouvez me fournir toutes les informations qui se rapportent à cette soie, au vin et aux épices et aux régions dont cela provient ? J'essaierai d'en apprendre le plus possible pour être convainquant. Et si vous pouviez transmettre cela à mon vaisseau, si possible... »

Il espérait ainsi que Stella pourrait lui souffler les informations dont il ne se souviendrait pas en cas de besoin. Il soupira concernant les armes avant de sourire à la réaction de Nadja. Les duels à l'arme blanche n'étaient vraiment pas son fort. Il se débrouillait désormais plutôt bien à mains nus, mais tout était à faire en matière de combat avec des armes blanches. Alors des duels, il ne fallait même pas y penser… Il serait tout juste capable de tenir l'épée dans le bon sens, guère plus.

La suggestion de Nadja était excellente à de nombreux niveaux.

« Cette idée a beaucoup de points positifs et qui pourrait renforcer notre couverture. Elle pourrait aussi servir d'explication au fait que je ne connaisse pas forcément les personnalités importantes de la ville et de la région. Et vous avez parlé d'aéronefs ? Étant pilote, vous vous doutez que cela m'intéresse et cela pourrait faire un très bon sujet de discussion avec le maître des lieux. Est-ce que vous pouvez me donner tout ce qu'il y a sur ce sujet ? Et aussi tout ce qui concerne ce fameux continent pour que Nadja ait aussi des choses à dire au besoin. Et avant de protester, vois ça comme un briefing tactique pour mieux infiltrer l'ennemi. » dit-il en souriant.

Il grimaça à la perspective de devoir apprendre à danser et de devoir se soumettre à une session d'essayage. Mais c'était inévitable, il le savait. Ils devaient se fondre du mieux possible dans la société.

« Encore quelques petits détails… Je suppose que les invitations ne sont normalement pas données à n'importe qui et vu mon standing, il est peu probable que j'ai pu en obtenir une sans être sponsorisé. Avez-vous suffisamment d'influence ici pour que j'ai pu vous demander cette faveur pour services rendus ? J'aurais poussé jusqu'à vous demander de nous héberger quelques jours le temps de trouver quelque chose de mieux. Cela résoudrait pas mal de choses, je crois. Oh, et est-ce que nous pouvons utiliser nos noms ? »

Une fois la discussion terminée, ils furent escortés dans une pièce où les attendaient un tailleur et son équipe. Chacun fut emmené de son côté où ils furent mesurés sous tous les angles. Ils hériteraient de deux tenues, une de soirée et une normale, au cas où, ce qui entraîna des questions sur les coupes, les couleurs et autres.

Ensuite, ils passèrent dans une salle qui fit office de salle de danse sous la férule d'une tutrice sévère qui se fit un devoir de leur inculquer les règles de base de savoir-vivre en plus des deux ou trois danses à connaître absolument.

« Je crois que j'aurai préféré enchaîner un entraînement de conditionnement avec Ethan avec l'un des tiens plutôt que ce cours de danse… » souffla-t-il, une fois qu'ils furent libérés.

Ils eurent droit à quelques heures pour se reposer, mais il passa une partie à potasser et engranger autant d'informations que possible. Il s'assura que Nadja en faisait autant. Et la torture commença quand il fallut revêtir la tenue de soirée. Costume trois-pièces avec queue-de-pie, haut de forme et gants... Qui avait inventé une telle horreur ? Leur tutrice leur fit répéter les danses ainsi vêtus et l'étiquette et finit par faire la moue, annonçant qu'elle ne pouvait pas faire mieux dans le délai imparti et que ce qu'ils venaient d'apprendre leur permettrait de survivre à la soirée sans passer pour des sauvages et des incultes complets.

« Tu crois que c'était un compliment ou une insulte ? » demanda-t-il, raide comme un piquet à cause de sa tenue.

« - Vous risquez d’être assez déçu des aéroplanes locaux. Les moteurs sont à vapeur comme je le disais tout à l’heure. J’ai bien peur qu’ils soient trop lourd  et pas assez puissant pour réellement se soulever. Étonnamment, les combustibles fossiles n(ont pas encore été découvert. Je me demande si ce manque de puissance leur sera préjudiciable, à terme. Allez savoir, les plus léger que l’air ont peut être de beaux jours devant eux.»

Le prêtre leur resservi un verre tout en répondant aux questions suivantes.

« - Mon influence est assez limité mais je connais bien l’épouse du gouverneur. Elle se fait soigner ici de temps lorsque… passons. Toujours est-il que c’est par elle que nous avons obtenu les invitations. Elle aime à parrainer les expéditions commerciales aventureuses. Avec la couverture que nous venons de déterminer, cela fonctionnera parfaitement. Bien sur, elle n’est pas au courant de la vérité. Je vous ai présenté comme un couple d’aventurier désirant investir en ville. »

Le reste de la journée fut bien rempli, entre es mesures qu’il fallait prendre en urgence et les cours  de danse et plus généralement de maintien. Avant de s’habiller, Nadja grommela une fois de plus, bien d’accord avec ce que disait le pilote.

« - J’aime danser, mais ça, c‘est pas une danse, c’est un kata. Pas d’improvisation, pas un cheveux qui dépasse. Juste des mouvements codifiés… et même pas amusant. Et si cette vieille rombière me répète encore son un, deux, trois, quatre, je lui arrache la tête pour m’en faire une balle de Gliding Ball.»

Finalement habillés et préparé, ils furent emmené en ville dans voiture à cheval. En chemin, ils croisèrent de nombreux habitants de la planète. La plupart les ignorèrent mais, arrivés en villes, les regards se firent plus curieux. Les rues étaient pavées et globalement propre. Dans les grandes artères, le trafic était intenses et il leurs fallut quasiment une heure pour parvenir à destination. Le duc vivait dans un hôtel particulier impressionnant, entouré d’un jardin tout aussi impressionnant. La voiture s’arrêta devant la grille et leur cocher tendit l’invitation à un majordome  qui, sans un regard leur fit signe de s’avancer. La voiture s’avança sur l’allée et s’immobilisa face à l’immense porte ouverte au travers de laquelle une musique douce.

« - En piste dans le grand monde, fit Nadja, en tendant son bras, après avoir remis en place l’immense chapeau dont elle était parée. »

Zander secoua la tête à la réponse du patriarche. Il avait une idée derrière la tête par rapport aux aéronefs.

« Je ne m'intéresse pas vraiment aux aéronefs locaux. Il s'agit surtout d'être en mesure de discuter d'un sujet qui passionne le maître des lieux. Avoir un centre d'intérêt commun avec lui pourrait s'avérer très utile pour entrer dans ses bonnes grâces. » expliqua-t-il.

Avoir plusieurs atouts dans sa manche était toujours une bonne chose dans ce genre de cas et lui permettrait de pouvoir attaquer la situation d'un autre angle si nécessaire.

*****

Le pilote n'avait jamais dit à Nadja qu'il avait suivi des cours de danse sur Terre en vue de leur mariage et ce qu'ils venaient de faire y ressemblaient. Il s'était senti en terrain familier et plus à l'aise qu'il ne l'aurait pensé, ce qui lui avait permis de ne pas trop lui écraser les pieds.

« Personnellement, ça m'aide que ce soit aussi structuré. Il suffit de retenir la séquence de base et après ce n'est que ça qui se répète pendant un temps donné. Il en existe aussi des comme ça sur Terre et elles étaient aussi en vogue dans la haute-société dans le passé. Je crois qu'ils appellent ça des danses de salon et il y a même des compétitions internationales. » fit-il.

La tutrice lui avait aussi tapé sur les nerfs, mais elle devait leur apprendre en un temps record tout cela.

*****

Le trajet en calèche lui sembla… étrange. En fait, il avait été perturbé de ne pas être celui qui était aux commandes et par le fait d'être tracté par un animal. Il eut donc du mal à profiter du paysage. La ville, et leurs tenues, lui rappelait par certains aspects le Paris du passé qu'il avait visité par erreur peu après leur mariage et dans lequel il avait rencontré Tonatiuth pour la première fois.

Il dut se retenir de siffler en voyant l'hôtel particulier dans lequel ils se rendaient. Cela n'aurait probablement pas été "distingué" pour leur rang.

« Tu aimerais une maison dans ce style et aussi grande ? » demanda-t-il à Nadja, alors que leur calèche s'arrêtait devant les portes. En parfait gentleman, il descendit en premier, ajusta son haut-de-forme et lui donna la main pour l'aider à descendre avant de lui prendre le bras et de l'escorter comme il se devait.

Il dut se rappeler de ne pas s'extasier devant le décor qui reflétait la richesse de leur hôte. Il tendit le carton au majordome qui les annonça. Quelques personnes tournèrent la tête pour les observer. Il se raidit et son instinct lui cria automatiquement de fuir, comme s'il s'apprêtait à entrer dans un guet apens, ce qui n'était pas loin de la vérité.  Il inspira lentement. Son travail consistait à charmer ces gens. Rien d'insurmontable, s'il ignorait le cadre. Il l'avait fait des centaines de fois avec ses clients. Ce n'était guère différent.

Ils pénétrèrent dans l'immense salle dont le centre était occupé par une piste de danse. Un orchestre se trouvait sur l'un des côtés et des tables richement garnies en nourriture et en boissons étaient disséminées sur le pourtour. Des serviteurs circulaient avec des plateaux parmi les invités qui déambulaient ou qui étaient assis. Au fond, de grandes porte-fenêtres étaient ouvertes et donnaient sur l'extérieur qui semblait tout aussi animé que l'intérieur.

« Essayons de trouver nos hôtes pour leur présenter nos respects et remercier madame pour les invitations. » dit-il doucement.

Le problème, c'est qu'il n'avait pas la moindre idée d'à quoi ils ressemblaient, mais ils ne devraient pas être trop difficiles à identifier. Il sonda la foule du regard, à la recherche d'un attroupement. Peut-être étaient-ils dans le jardin, ce qu'il espérait. Il serait certainement plus à l'aise dehors.

Dernière édition par Zander Hayes le Dim 22 Nov 2020 - 0:30, édité 1 fois

L’ex marine avait bien remarquée que son mari semblait plus doué pour ce genre de danse précises que celles dont elle avait l’habitude. Elle se demanda un instant comment il était au courant de ces coutumes terriennes, lui qui ne s’intéressait généralement pas au sujet, mais ils avaient bien d’autres félins à martyriser pour s’occuper de ça.

Une chose était sure, ils ne seraient ni l’un ni l’autre les rois de la piste ce soir.

Une fois devant la résidence, il lui posa une question qui la fit glousser.

« - Je passerai mon temps à faire le ménage. Ou à choisir ou installer le champ de tir, le dojo, la piscine, ma collection d’armure… Ça pourrait aller loin. Mais je reconnais que çà envoi !»

Ne pas siffler d’admiration en rentrant dans le hall fut un effort conscient. Étrangement, elle songea à ses parents. La voir ainsi habillée, au bras de son futur président de mari dans une réception plus que mondaine. Auraient-ils été fier d’elle ou juste hilare ? Probablement les deux.

« - Au moins, on va pas mourir de faim… ni de soif. »

Elle prit un verre sur un plateau et goutta ce qui ressemblait à un champagne légèrement alcoolisé et plus sucré. La aussi c’était plutôt bon. Cette planète savait vivre, décidément.

Une jolie femme au décolleté plongeant s’approcha d’eux en leur souriant.

« - Ah, vous voila. Je suis la duchesse de Courtois. Soyez les bienvenus ici. »

Le sourire qu’elle lança à Zander aurait fait fondre des glaçons. Nadja nota soudain que beaucoup de regards c’étaient tourné vers eux et qu’elle était clairement la cible de conversations. Ses premiers pas dans la société mondaine locale ne se faisait pas en toute discrétion. Elle nota un certain nombre d’uniformes dans la salle et dut se refréner pour ne pas se diriger directement vers eux. Cela n’aurait sans doute pas été bien vue.

Zander sortit son sourire charmeur à celle qui s'était avancé vers eux et qui n'était autre que leur hôtesse et bienfaitrice. Son décolleté était… intéressant. Il avait cru comprendre que cette société était plutôt conservatrice et il ne s'attendait pas à voir quelque chose d'aussi évocateur et provocateur. Peut-être était-ce une nouvelle mode qui commençait à voir le jour ? Ou alors il y avait une autre intention derrière et il se passait des choses derrière ces portes que la société prenait soin d'ignorer et de dissimuler ?

La raison importait peu et il évita de laisser traîner son regard pour ne pas s'attirer d'ennui, que ce soit avec elle ou Nadja. Cela aurait été très déplacé et il n'avait pas l'intention de jouer à ce jeu-là. C'était bien trop risqué et il tenait désormais à la vie.

« C'est un honneur de vous rencontrer, madame, fit-il en la saluant comme il se devait. Je vous remercie infiniment pour l'opportunité que vous nous avez offerte avec cette invitation. » fit-il solennellement.

Il sentait les nombreux regards braqués sur eux et surtout sur Nadja, comme ils s'y attendaient tous les deux. Cela ne lui en donnait pas moins l'envie de faire demi-tour tant il détestait être le centre de l'attention. C'était cependant elle qui risquait fort d'être le centre d'intérêt de la soirée. Il prit un verre d'alcool lorsqu'un serveur passa, qui ne se révéla pas trop mauvais, mais il allait devoir faire attention à ce qu'il buvait et à la quantité.

« Nous ne recevons pas de personnes venant d'aussi loin que vous tous les jours. Je n'allais pas laisser une telle occasion. Venez, je vais vous présenter à mon mari et après, il faudra que vous me racontiez tout de vous. » fit-elle en lui prenant l'autre bras et en les entraînant à travers la salle.

Il se demanda si ce qu'on leur avait expliqué sur le rôle des femmes étaient bien vrai ou si c'était simplement lui qui avait mal interprété les choses en la voyant prendre ainsi les choses en mains. N'ayant guère le choix, il la suivit en souriant et en l'écoutant. Cela eut le mérite de décourager quiconque de les intercepter pour les soumettre à un barrage de questions ou d'avoir à danser, sans pour autant diminuer leur intérêt, bien au contraire. Les voir être accaparés par la maîtresse de maison ne faisait qu'aiguiser leur curiosité qui devait patienter. Mais leur moment viendrait tôt ou tard, à n'en point douter.

Zander joua son rôle à la perfection, la ou Nadja aurait sans doute du faire une révérence ou quelque chose du même acabit. Elle s’en abstint néanmoins, craignant d’être ridicule et de se retrouver au même niveau que le généreux étalage de chair de leur hôte. Dire qu’elle avait trouvé son propre décolleté trop provoquant deux heures plus tôt…

Elle suivit le mouvement et se retrouva bientôt présenté au maître de maison, un homme d’une soixante d’année aux visage grêlé. Sa manche gauche était relevée au dessus du coude et boutonnée sous l’aisselle.

« - Soyez les bienvenus ! Cela fait plaisir de voir de nouveaux visages ici. Et vous, ma chère, vous n’êtes pas d’ici.
- Je suis originaire de ce que vous nommez le continent d’Ossea.
- Mais je croyais qu’il n’y avait que des tribus de sauv… »

Se rendant compte qu’elle était sur le point d’insulter une de ces invités, la duchesse se retint au dernier moment. Son regard sur Nadja était à présent différend. Essentiellement de la curiosité mais aussi un degré certain de condescendance.

« - Venez, très chère, je vais vous présenter à d’autres épouses. Croyez moi, elles seront ravies d’entendre autre chose que des commérages sans intérêt. »

Le duc observa les deux femmes disparaître dans la foule et en revint à Zander avec un petit sourire.

« - Et bien, vous avez la une intéressante épouse, mon cher. Si elle survie à cette soirée, elle sera le sujet de discussion des mois à venir. Mais parlez moi de vous, plutôt, D’où nous venez vous ? Êtes vous restez longtemps sur cet autre continent ? »

Il arrêta un serveur tout en parlant et tendis un nouveau verre à son hôte avant d’en vider un d’un trait.

« - Un ami commun m’a également soufflé que vous vous intéressiez aux objets historiques, c’est bien exact? »

Zander dut se retenir de pouffer quand la comtesse entraîna Nadja pour aller discuter avec les autres épouses. C'était tellement son genre de se livrer à ce type d'activités. Il aurait bien voulu lui éviter cela, mais c'était impossible. Tous les deux devaient se plier aux coutumes locales. Il devait cependant avouer qu'il aurait donné cher pour pouvoir être témoin des échanges.

« Vous n'avez pas idée. Mais c'est pour cela que je l'ai épousée. J'espère aussi qu'elle va survivre, mais les autres également. » dit-il quand le comte lui parla de Nadja.

Il se demandait si elle arriverait à faire illusion et à ne pas, trop, choquer ses interlocutrices. Mais il ne pouvait absolument rien y faire et il devait se concentrer son le rôle que lui-même devait tenir. Vis-à-vis de leur couverture, se faire remarquer était une bonne chose vu qu'ils voulaient se faire connaître. Mais dans les faits, il aurait préféré éviter. Il reporta aussi son attention sur son hôte qui l'interrogeait.

« De partout et nulle part… Cela fait plusieurs années que je parcoure Ossea et je n'ai pas d'endroit que je pourrais considérer comme chez moi. » répondit-il vaguement.

Il avait décidé de s'en tenir au strict minimum autant que possible. Il avait moins de risques de commettre des erreurs ainsi. Il accepta le verre avec un sourire bien à lui quand il essayait de gagner la confiance de ses clients. Il pouvait difficilement le refuser, mais il ne le but pas d'un trait.

« C'est effectivement le cas. Je m'intéresse à notre histoire. C'est devenu l'un de mes passe-temps au fil des ans. » confirma-t-il à propos des objets anciens en buvant une gorgée pour goûter.

« Vraiment excellent. » fit-il avec un air appréciateur et fit signe à un serveur avec un plateau de nourriture où il prit quelques petits fours pour ne pas faire que boire et atténuer un minimum les effets de l'alcool.

« - Oh, si elle pouvait nous débarrasser discrètement d’une ou deux de ces vielles pies, je crois que bien peu y trouverai à redire. »

La réponse de Zander était sans doute un peu trop vague mais le duc ne le reprit pas. Il avait sans doute une certaine habitude des aventuriers qui quittaient tous pour tenter leur chance dans le nouveau monde.

« - Et que nous rapportez vous, du coup. Nous entendons souvent parler de denrées plus ou moins fabuleuse en provenance d’Ossea et il est bien difficile d’en démêler le vrai du faux. »

L’intérêt manifeste de son interlocuteur pour les antiquités fit sourire le duc qui hocha la tête.

« - Alors, je dois vous présenter quelqu’un. Venez. »

Il le guida vers un petit groupe qui discutait avec passion un peu plus loin. Deux militaires fortement décorés, un jeune homme élégant au regard hautain et un homme plus âgé au visage marqué de marques de brûlures.

« - Monsieur Hayes, je vous présente les colonels Stone et Charden, mon fils Pierre Enguerrand et voici le professeur Simon, historien et archéologue de renom. Messieurs, je vous présente monsieur Hayes, qui nous revient d’un long voyage sur le continent d’Ossea. 
- Ossea, j’y était stationné il y a quelques années à peine. Ou étiez vous donc ?
- Avez vous rencontré beaucoup de sauvageons ? demandons le jeune homme.»

Le duc tenta bien de toussoter poliment pour faire taire son maladroit de fils mais un peu trop tard malheureusement. Il lança donc un regard navré à son invité et préféra prendre un autre verre. Pendant ce temps la, le fameux professeur observait Zandeur avec attention. Peut être avait-il déjà entendu ce nom quelque part ?

Cette fois, Zander ne put se retenir de rire doucement. Si seulement le comte savait… Nadja pourrait effectivement le débarrasser discrètement de ces fameuses vieilles pies, mais il n'allait certainement pas le lui dire et cela n'arriverait pas. Enfin, il l'espérait.

« Mon épouse ne ferait pas une chose pareille. Mais disons que si des divergences venaient à apparaître entre ces dames, elle pourrait exprimer son point de vue de manière… énergétique, un peu plus que la bienséance ne le recommande, en tout cas. Mais c'est justement ce qui rend les choses intéressantes. » répondit-il.

Il avait conscience qu'il marchait sur des œufs dès qu'il s'agissait de répondre à des questions portant sur ses soi-disant activités sur le continent et qu'il devait être un minimum convaincant.

« De la soie, notamment. Des épices, éventuellement. Tout sera fonction de la demande et des tendances. Je suis justement ici pour le découvrir et voir ce qui serait le plus rentable à importer dans un premier temps avant de me diversifier. » dit-il.

Il sourit et suivit son hôte. Il salua respectueusement chacun des membres du petit groupe en espérant ne commettre aucun impair qui le trahirait. Mais cela allait finir par s'avérer compliqué. Il n'empêchait qu'il allait essayer de faire ce qu'il faisait de mieux et charmer ses interlocuteurs.

Évidemment, il fallait que ce soit le fils qui mette les pieds dans le plat concernant Nadja. Il fit un sourire indulgent au comte. Vu sa situation, il devait être habitué à ce genre de remarque et il n'allait donc pas sauter à la gorge de tous ceux qui les faisait, verbalement ou physiquement.

« J'étais à Sharbat Gula et j'ai suivi la piste du nord avant d'aller me perdre dans l'arrière-pays. Et j'ai passé beaucoup de temps avec ces "sauvageons", comme vous dites. J'ai vécu avec une tribu pacifique et accueillante pendant des mois. C'est d'ailleurs parmi eux que j'ai rencontré mon épouse. Vous les considérez comme des sauvages juste parce qu'ils vivent de manière différente et qu'ils ne sont pas aussi avancés que nous. Je sais bien que certains sont hostiles, notamment le long du chemin de fer, mais ils ne le sont pas tous et certains sont même curieux et désireux d'apprendre pour s'intégrer. » expliqua-t-il poliment.

Il ne s'avançait pas trop en disant cela et il savait que c'était vrai. Certaines tribus collaboraient effectivement tandis que d'autres recourraient à la violence pour protéger leurs terres. Cela n'avait rien de nouveau et s'était produit sur d'autres planètes.

Il sentait le regard de l'historien sur lui et cela le mettait mal à l'aise, même s'il n'en montrait rien. Il pourrait sans doute emberlificoter les militaires, mais quelque chose lui disait que ça allait être une autre paire de manches avec celui-là, surtout s'il était celui que Prius soupçonnait d'être à la tête du trafic d’objets. Il était le plus susceptible de le percer à jour. Mais si c'était le cas, qu'allait-il faire au juste ?