Sur le chemin du retour

Noa baissa la tête en soupirant. Dans ses mains, il tenait un Glock chargé. Il fit le vide dans sa tête, leva l'arme, et tira.

La balle perfora la cible mais était bien trop loin du centre pour Noa. Ces derniers mois, il avait un peu trop délaisser les entraînements physique ou de tir pour se plonger dans la paperasse de bureau. Il savait que c'était une erreur, que c'était certainement le pire moment pour faire preuve de faiblesse. Il ne voulait pas représenter un danger pour son équipe en mission. Il n'avait pas eu occasion de faire usage de son arme lors des dernières missions, mais il savait qu'il avait perdu de la précision, tout comme il avait perdu de la force physique. Mais à présent, il était bien décidé à remonter la pente, et le plus vite serait le mieux.

La rencontre avec les Asgards s'était bien passée, et ils avaient entamé le trajet de retour depuis quelques heures. Noa avait décidé d'employer son temps libre pendant ce long voyage pour remettre le pied à l'étrier des entraînements.
Noa baissa de nouveau les yeux, puis releva brusquement son arme et tira sur deux cibles différentes. Heureusement que les souvenirs de Xinan tirés de ses nombreuses expériences de militaire se rappelaient parfois à lui comme d'anciens réflexes oubliés. Il lui permettait de ne pas être trop médiocre malgré ce manque d'entrainement.

La salle d'entrainement au tir, au centre du Lorion était vide et seul l'informaticien l'occupait. Le casque anti-bruit sur les oreilles, Noa était coupé du monde extérieur, concentré sur son nouvel objectif.

Lorsque Noa pressa sur la détente, quelque chose d'inattendu se produisit. La cible qu'il visait éclata et tomba comme pulvérisé. Il sursauta, bouche bée de frayeur, puis baissa stupidement les yeux sur son Glock entre ses mains, comme si l'arme pouvait être responsable. Il lui fallu quelques secondes pour lever les yeux et jeter un regard circulaire autour de lui. C'est à cet instant qu'il vit Sarah, non loin de lui, hilare, un fusil à pompe entre les mains.
Noa retira le chargeur de son arme, la posa sur la table, puis enleva son casque anti-bruit. Le rire gentiment moqueur de Sarah emplit la pièce et il ne pu s'empêcher de rire à son tour. Il jeta un nouveau coup d’œil à la cible détruite, et ria de plus belle. C'était con, complètement con, mais il fallait avouer qu'elle l'avait bien eu. Rire lui fit un bien fou et lorsqu'il se reprit enfin, il croisa le regard de Sarah.

" Tu m'as fait une de ces peurs. " avoua t-il. " C'est notre arme secrète contre Tonatuith ?" plaisanta t-il en désignant le fusil à pompe entre les mains délicates de la jeune commandante. Il fallait dire qu'il n'avait pas vraiment l'habitude de côtoyer une telle arme en mission mais la voir portée par Sarah lui donnait un air sacrément bad-ass.

" Sage décision, en effet. " répliqua Noa avec un sourire lorsque la jeune militaire se moqua de ses "talents" de tireurs.

Sarah jeta un regard circulaire autour d'eux puis pris place sur le stand en lui demandant ce qu'il pouvait bien avoir en tête qui l'obligeait de se terrer ici. Le néo-zélandais se frotta la nuque avec une moue gênée. Il ne répondit rien pour l'instant et il s'assit sur le stand aux côtés de Sarah. Qu'est ce qui le tracassait ? Depuis leur départ, il ne faisait que ruminer les paroles que Sarah avait tenu à son propos sur la passerelle. Il savait ses torts, mais se l'entendre dire était plus difficile. Il ne comprenait pas comment elle pouvait encore lui adresser la parole. Il tourna la tête vers elle et sourit tristement.

" Ce qui me tracasse ? Le fait de n'avoir pas trouvé le courage de venir te parler plus tôt. " avoua t-il avec sincérité.

" Je sais que je n'ai pas été correct. Lorsque j'ai cru que Ted était mort... je t'ai demandé du temps, du temps seul. J'avais besoin de ne plus penser à rien, à part au travail. Je pensais que je pourrais faire mon deuil seul, comme un grand et que je pourrais retourner vers toi quand tout irai mieux. Je pensais que c'était juste une étape difficile et terrible à surmonter, mais que ça finirait par s'arranger. J'espérais sincèrement réussir faire la paix avec moi-même pour devenir plus fort et qu'un jour, je pourrais revenir vers toi en disant avec fierté : " Voilà, ça y est, c'est derrière moi". Mais ça s'est pas passé comme ça..." ajouta t-il avec sincérité.

Comment expliquer ce qu'il avait eu en tête ces derniers mois ? Il avait eu l'impression de naviguer à vue dans une mer de brouillard opaque et stérile dont il ne retenait que des lambeaux de sensations. Il avait rapidement comprit que les abîmes dans lesquels ils tombaient n'étaient pas anodins et étaient trop révélateurs des sentiments qu'il avait encore pour Ted. Comment imposer cela à Sarah ? Il avait alors jouer l'autruche. Il avait jouer l'autruche pendant des mois et rien ne s'était passé comme il l'avait pensé.

Sarah avait questionné le néozélandais en se doutant de ce qui pouvait lui peser l'esprit. La liste était longue, il n'y avait qu'à choisir parmi les possibilité. Le sort de la Terre, la sécurité de la cité, la situation d'Emy et l'avenir qui l'attendait et bien sûr la situation gênante dans laquelle elle et lui se trouvaient. Elle le suivit du regard lorsqu'il alla se percher sur la table du stand et garda le silence. Elle savait qu'il fallait lui laisser le temps pour qu'il se décide à parler et qu'il s'ouvre, ils avaient partagé assez d'instants ensemble pour savoir comment il fonctionnait. Il tourna son regard vers elle et lui adressa un sourire triste. Malgré elle la jeune femme retint son souffle, suspendu à ses lèvres. Puis il se décida à faire le premier pas et lui avoua que le fait de ne pas avoir aborder leur situation était la source de son tracas. La blonde expira :

" Ha...je vois. " Elle lui adressa un sourire et vint se percher à ses côtés à son tour. Elle lui adressa un regard bienveillant pour l'encourager à continuer.

La jeune femme ne le coupa pas et lui prêta toute son attention. Ce qu'il lui révéla elle se soupçonnait déjà. Sarah n'était dans le fond pas aussi stupide que pouvait le laisser suggérer la blondeur de sa tignasse. Le temps qu'il avait pris pour se replier sur lui-même, s'éloigner, puis la passion des retrouvailles qu'il semblait avoir vécu avec Ted s'étaient révélé être une équation facile à résoudre. Noa avait au moins pour lui d'être franc. Certes il avait mis du temps à venir lui parler mais au moins il était honnête avec la jeune femme. C'était une qualité chez Noa, il avait toujours eu du mal à mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Mais dès qu'il y parvenait il n'hésitait pas à partager ce qu'il ressentait dès qu'il était sûr de lui.
Sarah laissa échapper un petit soupir et laissa ses jambes balancer dans le vide pendant quelques instants. Elle garda le silence avant d'être prise de quelques soubresaut que l'on aurait pu prendre pour des sanglots. Mais cela s'avéra rapidement être un rire qui résonna dans l'espace vide du stand d'entraînement. Elle semblait rire pour elle-même avant de se calmer et de secouer la tête, comme si elle venait de saisir l'ironie d'une situation.

" Tu te souviens de notre premier soir ensemble ? A boire pas très raisonnablement ta bouteille, je me souviens de ce que tu m'avais dit. Je ne peux rien te promettre. "
Elle haussa les épaules sans se départir de son sourire.
" Ce n'est pas comme si je n'étais pas prévenue. Les règles du jeu étaient établies dès le départ, tu avais on ne peut plus clair dessus. J'ai décidé de l'oublier et de ne pas y penser. Mais...C'était là. Avec le recule j'aurais dû le savoir et m'en rendre compte plus tôt. Il n'y a qu'à voir dans quel état t'avais mis cette substance délirante dans laquelle tu étais tombé. Celle qui t'avais fait voir une autre vie possible, une vie avec Ted. Tu ne l'as jamais oublié, et tu ne l'oublieras probablement jamais. Même lorsque que tu l'as cru mort une seconde fois. Tu n'as pas sombré autant que la dernière fois mais...tu t'es tout de même replié sur toi même. Quant aux bruits de couloir... "

Elle secoua la tête et se mordit la lèvre inférieure.

" Ce que je peux détester les rumeurs quand elles me reviennent comme ça. " Elle soupira. " Mais encore une fois je suppose qu'elles sont pas infondées, et les faits sont là. "

Sarah se laissa glisser et revint faire face à Noa.

" T'es trop franc, trop émotionnel et trop attachant pour ton propre bien. Tu le sais ? Je crains ce que tu vas me dire mais dans le fond j'ai besoin de savoir. L'incertitude me ronge. Mais il faut que je sache où nous en sommes, si nous est encore quelque chose qui existe. "

Un silence de plomb accueillit les derniers mots de Noa et il sentit une frayeur viscérale le gagner alors qu'il cru imaginer le désarroi dans lequel il venait de plonger Sarah. Mais finalement, elle releva la tête en riant doucement. L'informaticien la regarda avec un air circonspect, incapable de savoir si c'était un rire nerveux, qui précéderait des cris ou des larmes. Mais finalement, rien de tout cela ne vînt et Noa en fut rassuré. Elle lui reparla de leur premier soir, leur première nuit. Et Noa lui rendit son sourire, en se replongeant dans ces souvenirs doux et agréables d'un temps où tout était plus facile et plus joyeux. Les images lui revinrent avec une précision millimétrée, comme toujours dans ces moments là, à croire que la présence de Xinan stimulait sa mémoire.
Sarah continua et Noa baissa la tête, elle lui rappela d'autres souvenirs, plus dur cette fois. Cette mission où il était tombé dans le bassin, et tout ce qui s'en était découlé : son chagrin, sa douleur, sa dépression, le syphon qui l'entrainait vers la mort, et Sarah qui avait su le relever, encore une fois. Comme toujours. Et puis le renouveau à ses côtés ; le bonheur et les promesses qu'il lui avait faites...

Noa resta silencieux, écouta la jeune femme avec ce regard triste qui le caractérisait. Sarah se laissa glisser au sol et revînt se placer devant Noa, plongeant son regard bleu dans le sien. Il ne pu s'empêcher de sourire franchement à sa dernière phrase et il dû se contenir pour ne pas l'attraper et la serrer contre lui. Elle le rendrait toujours complètement fou, il était certain. A vrai dire, il était tellement heureux qu'elle lui pose directement la question, tellement heureux de sentir cet espoir en elle. Il avait cru qu'il avait tout détruit, tout anéantit, mais ce n'était peut-être pas le cas.

" Tu as raison sur toute la ligne. Tu as raison, je n'ai jamais réussi à oublier Ted, ni à cesser de l'aimer, même si j'ai essayé de toutes mes forces. Mais ça ne veut pas dire que mes sentiments pour toi sont négligeables en comparaison. Il m'a fallu longtemps pour l'admettre, et j'ai eu beau retourner le problème sous tous les angles... j'en suis venu à l'évidence que je vous aime simplement tous les deux. Je ne voudrais jamais à faire le choix entre vous deux, car ce choix est impossible à faire. Si j'imagine la vie sans l'un ou l'autre, j'ai l'impression que je vais mourir, car il manquera toujours un bout de moi."

Noa se laissa glisser au sol à son tour.
" Aimer deux personnes aussi fort l'une que l'autre, ça ne devrait pas être triste, ni douloureux, ni compliqué. C'est toujours un peu plus d'amour à poser dans la balance face à ce monde de guerre et de destruction. Tu ne crois pas ?" ajouta t-il.

Sarah avait l'habitude de l'air particulier à bord des croiseurs spatiaux. Elle comptait désormais son temps à bord en années. Il y avait une légère odeur métallique et aseptisée qui caractérisait l'atmosphère. Tout était prévu pour maintenir une température confortable permettant au personnel à bord de travailler dans de bonne conditions. Pourtant, en cet instant, les choses paraissaient différentes à la jeune femme. Elle était certaine que ça n'avait rien à voir avec la légère odeur de poudre qui marquait le stand de tir. Non cela venait d'elle, de la discussion qu'elle avait en ce moment. Malgré tout ses efforts son cœur battait à un rythme qu'elle ne pouvait contrôler. Il était indépendant, indompté, il martelait ses côtes et se permettait de manquer des battements au point qu'elle craignait de faire un malaise. Une chaleur irradiait sa poitrine et rampait le long de son cou puis jusqu'à ses joues. La jeune femme renifla pour retenir les larmes qu'elle sentait déjà voiler son regard. La blonde était sur le point de se laisser submerger par ses émotions. Cela lui était déjà arrivé par le passé, la peur, la colère, la tristesse, la joie, elle connaissait bien les signes de ce lâché prise. Un frisson parcouru la jeune femme et déclencha quelques spasmes involontaires chez elle. L'espoir concernant sa relation avec Noa se mélangeait à de l'appréhension et de la douleur.

La gorge de Sarah se serra lorsqu'il lui avoua qu'il n'avait effectivement jamais oublié Ted. Elle aurait voulu s'assoir au sol face aux vertiges qu'elle ressentait. Il essaya de la convaincre que son amour se partageait entre elle est Ted. Le néo-zélandais, dans son idéalisme caractéristique, lui présenta un monde où son amour, même partagé, pouvait être possible. Sarah ne savait pas quoi en penser. Cela faisait beaucoup, c'était peut-être même trop pour elle, après tout ce temps et les épreuves traversées. Dans un effort qui lui demanda toute sa volonté, elle ravala ses larmes et s'éclaircit la gorge.


" Comment est-ce que c'est supposé fonctionner Noa ? Tu prends l'un puis l'autre selon tes envies ? On se partage la garde ? "
Lawrence secoua lentement la tête.
" Tu m'as évité pendant des semaines, des semaines Noa. Des semaines que tu as passé avec Ted. J'aimerais te croire, j'ai envi de te croire. Mais le comportement que tu as eu me laisse toujours un doute. "

Sarah poussa un soupir en secouant la tête et posa ses mains sur ses hanches.

" Je ne te demande pas de décider. Je ne suis pas certaine que ce soit le moment. Nous sommes en guerre, sans doute à la fin des temps. Je t'avoue que je ne suis pas certaine de vouloir vraiment savoir en fait. Parce que j'ai peur, et que la douleur pourrait m'affecter au mauvais moment. Mais réfléchit à la question, vraiment. "

Elle se gratta la tête et ébouriffa au passage sa tignasse blonde.

" Et le moment venu, j'aurais besoin d'une réponse claire Noa. Les choses sont assez compliquées comme ça. "
Un sourire s'épanouit sur son visage à nouveau " Et tu sais que j'ai du mal avec la complexité. Ma petite tête n'est pas faite pour ça. "

Noa hocha négativement la tête en fronçant les sourcils lorsque Sarah se mit à parler. Elle ne comprenait pas, elle ne voulait pas comprendre. Il avait pourtant espéré si fort. Il s'était même imaginé qu'elle était capable d'accepter. Il s'était convaincu qu'elle pouvait comprendre.
Noa se pinça les yeux entre son pouce et son index et souffla, de tristesse, et de colère. Pourquoi parler de complexité, pourquoi tout paraissait si dur ? Pourquoi ni Ted ni Sarah ne pouvait voir les choses comme lui les voyait ? Est-ce que c'était lui qui était définitivement à côté de la plaque ? Pourquoi il sentait que c'était la chose à faire, il le sentait à l'intérieur de lui.

" Tu sais ce que Ted m'a dit quand je lui ai annoncé que je t'aimais toujours et que je ne voulais pas renoncer à toi ? Il m'a dit "Et tu penses qu'elle accepterait ?" et j'ai été assez con pour lui répondre : " Elle me tuerait, et toi avec. Mais peut-être qu'après ça, elle accepterait." J'ai été con hein ? J'ai été con d'avoir de l'espoir, de penser que notre capacité d'adaptation qui nous avait sauvé de toutes les situations pouvait pas nous sauver une fois de plus. "

Noa se recula brusquement et se mit à marcher jusqu'au mur du fond, comme pour se défouler avant de revenir, plus calme.

" Je sais que j'ai été minable et lâche, que j'ai tellement merdé dans tous les sens avec toi que tu aurais toutes les raisons de me détester. Mais je ne t'ai jamais menti, alors quand je te dis que je t'aime, t'as pas le droit de remettre ça en doute."
Enfin il soupira en se frotta la nuque.

"Écoute, ajouta t-il d'une voix douce. Je veux pas te faire du mal, je veux pas te déconcentrer, surtout pas en ce moment. Pour ma part, j'ai déjà longuement réfléchit à la question pendant ces quelques semaines où je suis resté à l'écart. C'est à toi d'y réfléchir. Prends ton temps. J'attendrai. "

Puis Noa s'avança, pris le visage de Sarah entre ses paumes et planta son regard dans le sien.

"C'est pas compliqué, ça devrait pas être compliqué. Ta petite tête est exceptionnelle et je l'aime" ajouta t-il pour faire écho à ses derniers paroles.

Noa posa un baiser sur le sommet du crâne de Sarah et la libéra. Il se retourna pour récupérer son arme posée sur la table, vida les balles et tourna les talons, prêt à partir.

Avaient-ils dérivés si loin l'un de l'autre qu'il n'était plus possible pour eux de se comprendre comme ils avaient pu le faire par le passé ? Noa et Sarah étaient deux âmes couvertes de cicatrices, un patchwork de bosses et d'égratignures. Les dernières semaines et les derniers mois avaient été difficiles pour tous. Ils n'échappaient pas à la règle. Pendant des semaines Noa s'était tourné vers sa famille, vers Ted et Emy. Sarah, quant à elle, s'était plongée dans les affres logistiques de la guerre. Le champs de bataille n'était qu'une courte confrontation précédé d'une sommité de calculs et de chiffres. Elle se demanda si elle n'était pas devenue plus machine qu'humaine. Elle écouta Noa évoqué une discussion avec Ted au sujet de la situation. La jeune femme se tendit et son visage se crispa. Evidemment il en avait parlé avec Ted avant de lui proposer cette solution. Elle sentit son cœur se serrer. Elle avait l'impression d'être une pièce rapportée, celle a qui on propose une solution pré-faite sans lui demander ce qu'elle ressent. C'était ça ou rien n'est-ce pas ?

La jeune femme le fixa alors qu'il s'éloignait pour exprimer sa colère. La jeune femme ne parvenait pas à comprendre ce qu'il avait en tête, ce qu'il envisageait. Elle était issue d'une éducation assez conservatrice, et malgré sa volonté de s'affranchir des visions de son père elle restait marquée par celle-ci. Elle ne parvenait pas à se faire à cette idée de ménage à trois, cette utopie ne lui correspondait pas. Elle garda le silence face lui pendant un moment.

Lorsqu'il revint le néo-zélandais semblait plus apaisé. Il reconnu ses fautes mais récusa les doutes de la jeune femme concernant son amour. Sarah leva les mains en réponse, exprimant le fait qu'elle retirait ce qu'elle avait dit à ce sujet. Elle détourna le regard et évita pendant un instant de le regarder dans les yeux. Elle ne le haïssait pas, même si elle l'avait voulu elle n'y serait pas parvenue. Elle souffrait, c'était tout ce qu'elle ressentait, de la souffrance. La sensation lui irradiait la poitrine. Elle secoua la tête presque imperceptiblement quand il lui demanda de réfléchir a sa proposition. Elle ne pouvait fuir l'évidence et ne parvenait pas à la formuler pour autant. Elle sentit les mains de Noa se glisser sur son visage et ne résista pas lorsqu'il ramena son regard au sien. La jeune femme fit de son mieux pour masquer sa tristesse et sa douleur. Il lui fallut tous les efforts du monde pour contenir ses émotions. Elle lui retourna un regard plus troublé qu'elle ne l'aurait souhaité. Elle ferma les yeux et accepta son baiser sur la tête en se retenant de fondre. Pour une fois elle était à court de mots. Ce fut à son tour de baisser le regard tout en le laissant ranger ses affaires.

Ce ne fut que lorsqu'il prit la direction de la sortie qu'elle trouva la force de s'exprimer :

" Je ne sais pas si je peux Noa...Je ne sais pas si je pourrais jamais. " Sa voix était cassée par l'émotion, inégale et sur le point d'être emportée par ses sentiments. " Je t'aime Noa, j'aime cette partie optimiste, progressiste qui fait de toi ce que tu es. Mais le chemin que tu me proposes...je crois que je ne pourrais jamais t'y suivre. "
Elle marqua une pause.
" J'aurais toujours une place spéciale pour toi. "

Elle ne parvint pas s'exprimer d'avantage et sombra à nouveau dans le silence.
Elle attendit d'être seule avant d'extérioriser sa souffrance par un excès de violence. Elle s'empara du fusil prit pour l'entraînement et frappa la boite à munition en ferraille d'un coup de crosse avant d'envoyer celle-ci voler à travers l'espace de préparation. Elle poussa un grognement de rage et de douleur à peine contenu entre ses dents serrées.