Oiseau de nuit

Noa joua de nouveau et leva le regard sur Plume. Cette dernière avait besoin d'être rassurée avant tout. L'angoisse faisait partie d'elle et la rongeait.
" Ecoute, je ne suis pas psychologue et je n'ai aucune connaissance réelle en neurologique mais ce que je sais, c'est que notre cerveau peut nous jouer des tours. Tu as déjà regardé des illusions d'optiques ? " demanda Noa.
Sans attendre de réponse, il attrapa son téléphone dans sa poche et fit une recherche rapide. Il choisit un site qui répertoriait 20 illusions particulièrement stupéfiantes et tendit l'objet à la jeune femme. Il lui laissa le temps de les parcourir et il se cala au fond du canapé en buvant une gorgée de vin.

" Bien entendu, ce que tu sembles voir est d'une toute autre envergure. Mais je veux seulement dire qu'on est loin de tout connaitre du cerveau humain…" ajouta t-il après quelques instants.
Il reposa son verre et regarda attentivement le prochain mouvement de Plume.
" Et... en as-tu parlé avec un médecin ? as-tu fais quelques examens médicaux ? " s'inquiéta t-il ensuite en bougeant un de ses cavaliers.

Il n'y connaissait rien, mais avoir des hallucinations visuelles n'était surement pas à prendre à la légère.

Noa lui parla d'illusion d'optique. Pourquoi faisait-il cela ? Plume le regarda tapoter sur son communicateur en fronçant légèrement les sourcils. Le néo-zélandais avait une façon bien à lui de communiquer et, étrangement, la jeune femme l'appréciait. Bien qu'il passe souvent par des chemins détournés, il ne lui avait jamais menti ni tenter de la manipuler. Il ne s'était jamais exprimé face à elle en termes méprisants ou agressif. Le géant barbu avait, au contraire, toujours sembler chercher à la comprendre et à l'aider. Plume n'y était pas habituée. C'était souvent déroutant pour elle mais cela faisait de lui celui vers qui elle se tournait lorsqu'elle ne pouvait pas parler à Aynira. Etait-ce cela que l'on appelait "un ami" ?

La jeune femme saisit le communicateur et observa attentivement les images. Elle y passa plusieurs minutes, prenant très au sérieux les propos du jeune homme. Finalement, elle lui rendit l'appareil.

"Je sais que notre cerveau peut nous jouer des tours et je sais que c'est ce qu'il se passe avec moi, … Je ne suis pas idiote. Je sais que Méthis n'est pas là, …"

Plume acquiesça à la question suivante.

"Je l'ai dit à Bressignac. Il me fait faire une nouvelle sorte de thérapie. Je n'aime pas ça, c'est, … difficile, …"

Mais elle le faisait, comme tout le reste.

"Je veux me débarrasser de ça, … vraiment. Je veux pouvoir vivre normalement, ne pas trembler devant mon reflet, ne pas craindre de m'endormir, … Je ne veux pas avoir peur quand je suis avec elle, ne pas paniquer dès qu'elle me touche, …"

La jeune femme soupira doucement.

"Je crois qu'elle ne comprend pas, … elle pense que je ne le veux pas vraiment, …"

Elle leva un regard perdu vers le néo-zélandais, comme s'il détenait toutes les solutions à ces problèmes, mais elle savait bien que ce n'était pas le cas. Finalement, Plume soupira de nouveau et baissa les yeux.

"Il est tard, … je devrais rentrer. Tu as besoin de dormir, …"

Elle déplaça alors un ultime pion. Elle avait perdu de toute façon. Si son analyse du jeu était bonne, il ne faudrait à Noa que deux coups pour la mettre à terre sans qu'elle ne puisse exécuter aucune parade. Puis, Plume se leva lentement.

"Je suis désolée de t'avoir dérangé, …"

Plume partageait ouvertement ses peurs et ses doutes. Elle en avait fait du chemin depuis le premier jour où il l'avait rencontré. Une petite boule de nerf renfermée sur elle-même qui voulait à peine lui adresser la parole. Et maintenant, elle était venue frapper à sa porte pour s'ouvrir à lui. Il était touché mais se sentait aussi quelque peu démuni.

" Je n'ai jamais dit que tu étais idiote. C'était juste pour te faire remarquer que des illusions n'ont rien à voir avec la folie. Tu n'es pas folle et je sais que tu veux te sortir de tout ça. Et Aynira le sait aussi. N'en doute pas."

" Je suis touché que tu sois venu me voir ce soir, tu sais. Et je suis heureux d'être ton ami." rappela Noa sur un ton un peu solenel. Il savait que Plume avait tendance à ne pas croire ce genre de chose, c'est pourquoi il se devait de le répéter.

" Tu peux dormir ici si tu le souhaites, la chambre d'amis et toujours prête pour toi. " ajouta t-il.

Plume s'excusa de l'avoir dérangé et le jeune homme fit une moue.
" Arrête Plume, je t'ai déjà dit que tu ne me dérangeais pas. Tu seras toujours la bienvenue ici ! "

Noa essaya de la réconforter et l"intention était charmante mais ses mots sonnaient creux à l'oreille de Plume. Comment pouvait-il savoir ce que Aynira pensait ? Mais savoir que lui-même ne la croyait pas folle était déjà un élément positif, n'est-ce pas ? Le néo-zélandais se disait content qu'elle soit venue à lui. Etait-il sincère ? Il le semblait en tout cas.

"Moi aussi je suis contente."

Des amis, elle en avait peu. Très peu. Elle ne savait pas encore bien jusqu'à quel point elle pouvait se fier à Noa mais c'était déjà mieux que rien. La proposition de Noa la surprit tout à fait. Elle le regarda longuement en fronçant légèrement les sourcils.

"Tu crois que je ne devrais pas retourner voir Aynira ? On ne s'est pas disputé, … Tu me disais qu'elle me comprenait, … Tu penses qu'elle ne veut pas me voir ?"

Mais le barbu la détrompa rapidement. Il voulait simplement lui rappeler qu'elle était toujours la bienvenue chez lui si elle le souhaitait. Bien sûr qu'Aynira serait contente de la revoir. La jeune femme soupira légèrement, soulagée.

"Je te l'ai dit, je ne dors bien qu'avec elle. Et puis, … j'aime être avec elle, …"

Au delà de tout le calme que cela lui apportait et des nuits sans cauchemars, c'était surtout sa présence qui lui plaisait. La jeune femme finit par sourire à Noa et apporta son mug vide dans la cuisine où elle le lava rapidement. Une habitude, sans doute.

"Merci. Pour tout."

Et comme elle savait que Noa apprécierait sans doute, elle s'approcha de lui et le prit brièvement dans ses bras. Cela ne dura qu'une seconde, la jeune femme était incapable de faire plus pour l'instant mais cela avait le mérite de faire comprendre au néo-zélandais qu'elle pensait chacun de ses mots.

"Bonne nuit."

Sur ce, elle sortit de la maison pour rejoindre rapidement celle de la narisienne. Plume poussa doucement la porte, ne sachant pas si Aynira serait déjà couchée ou non. Mais elle la trouva devant la télévision allumée. Elle la rejoint après avoir enlevé ses chaussures et se blottit contre elle sans un mot.

"Est-ce que ça va ?"

Pour toute réponse, Plume l'embrassa doucement avant de poser sa tête sur son épaule.

"Je t'aime."

Elle ferma alors les yeux et fit de son mieux pour ne plus penser à rien.