Eye of the tiger

Avoir un (ou une) ami(e) médecin à des avantages. Comme lorsque celle-ci vous libère de vos tache pour la journée après une discussion un peu chargée émotionnellement. Et Nadja n’avait pas dit non. Entre raconter certains de ces souvenirs les plus pénibles puis être passé sur son avenir plus qu’incertain l’avait épuisé.

Elle était repassé par ses quartiers et s’était composé un sac un peu plus conséquent que la veille. Elle allait sans doute passer quelques soirée à bord de Stella et n’avait pas envie de revenir à chaque fois ici. Pas comme si elle avait eu beaucoup d’affaire de toute façon.

Une fois son sac bouclé, elle recontacta Stella qui la transporta à bord. Zander n’était nulle part en vue et elle alla son sac dans la chambre. Une sieste aurait été tentante mais un bruit familier attira son attention. Quelqu’un se passait les nerfs sur un sac de frappe. Elle descendit les quelques marches qui menaient à la cale et resta quelques secondes à observer Zander, son mari, ruisselant de sueur en tenue légère.

« - Voilà le genre de spectacle que je pourrai admirer longtemps, dit-elle, inconsciente des écouteurs qu’il avait dans les oreilles. Cela dit, tu vas te démolir les poignets à taper comme ça. »

Elle se rapprocha en l’appelant, légèrement vexée qu’il ne lui réponde même pas. Il se retourna soudain et lui décocha un coup qu’elle évita par réflexe. Son corps réagit ensuite de lui même et elle le cloua au sol par un balayage avant de se retrouver au dessus prête à en finir rapidement. Le regard surpris de Zander et le câble blanc qui lui sortait des oreilles lui firent comprendre le problème.

Elle se releva en jurant comme un charretier, ne sachant pas si elle était plus en colère contre lui ou contre elle même.

« - Je… putain je suis désolée… j’aurai pas du arriver comme ça derrière toi.  J’avais l’impression que tu m’ignorais, ça m’a mise en boule.»

Zander réalisa à la dernière seconde qui se trouvait en face de lui et sut que cela n'allait pas bien finir pour lui. En même temps, il l'avait un peu cherché. Quelques secondes plus tard il observait le plafond de la soute puis Nadja perchée sur lui, se demandant comment il était arrivé là. Il enleva ses écouteurs et se remit debout pendant qu'elle s'excusait.

« Ne t'excuse pas, ce n'est pas ta faute… Je n'aurais pas dû me retourner en attaquant comme ça sans réfléchir. J'aurais pu blesser quelqu'un d'autre, si ça n'avait pas été toi. » répondit-il sur un ton crispé et trop conscient de l'accident qui avait été évité de peu grâce à ses réflexes.

Il se retourna et frappa à nouveau le sac en retenant une grimace. Il savait qu'il allait finir par se faire mal à frapper comme une mule sans faire attention. Mais ça faisait dix minutes qu'il tapait dedans et… rien. Il ne se sentait pas mieux et n'éprouvait aucun soulagement. Au contraire, son agacement ne faisait que grimper.

« Tu n'es pas censée être de service ? Ou je te manque tant que ça ? » l'interrogea-t-il sans grande conviction.

Il frappa à nouveau. Non, ce qu'il lui fallait, c'était une bonne bagarre avec quelqu'un qui répliquait en face, pas un vulgaire sac passif. Mais pour cela, il lui aurait fallu trouvé un bar dans un coin un peu mal famé sur une planète, provoquer une brute s'y trouvant et le tour aurait été joué. Oh, le résultat n'aurait pas été beau à voir certes, mais ça serait certainement plus bénéfique que ça pour évacuer la colère qu'il sentait bouillir. Mais pas question de faire quelque chose comme ça sur Terre. Il n'était déjà pas dans les petits papiers de la chef de la station et un incident de ce genre le grillerait pour de bon.

« Je suis allé faire du sport sur le JPS. Une demi-heure… J'ai pas pu tenir plus. Et là j'essaie d'évacuer le stress que cela a provoqué… » commença-t-il à lui expliquer en envoyant à nouveau son poing dans le sac avec force. « … sans grand succès. J'ai pourtant cru que ça aiderait, mais pas du tout. » finit-il, frustré.

« Des suggestions pour que je me défoule vraiment de manière efficace ? » lui demanda-t-il en se rattaquant au sac.

Les jambes légèrement tremblantes, elle l’écouta s’excuser à son tour. Se rendit-il compte qu’elle aurait pu lui faire très mal ?

« - Le docteur Teoh m’a dit de prendre la journée. Elle a dû voir à quel point j’étais accros. »

Ça n’était même pas totalement un mensonge. Mais elle pouvait remercier le médecin de lui avoir permis de revenir plus tôt. Sinon elle aurait retrouvé Zander à l’infirmerie avec la moitié de ses doigts cassés.

Il lui raconta sa matinée et la raison de sa frustration et elle comprit assez bien ce dont il parlait. Etre le centre d’attention n’était pas la chose la plus agréable quand on a les nerfs à vifs.

« - OK, et tu as des idées précises ou tu préfères continuer à taper sur un sac jusqu’à ne plus avoir de phalange ? »

Sans lui laisser le temps de répondre, elle alla à l’autre bout de la cale et enleva ses chaussures et son haut sous lequel elle ne portait qu’un débardeur près du corps. Finalement, elle allait l’avoir son entrainement au corps à corps aujourd’hui.

« - Viens par la, beau gosse. Montre-moi un peu ce que tu sais faire. Et n’ai pas peur de me faire mal. Au pire je te dirai stop… ou encore »

Elle souriait de toutes ses dents, en le regardant approcher. S’il combattait comme il frappait dans ce sac, elle était à peu sure d’être capable de lui donner un bonne suée.

La réponse de Nadja quant à sa présence à bord tira un petit sourire à Zander. Il s'arrêta de frapper bêtement sur son sac. Il était conscient qu'il risquait de se faire vraiment mal à taper comme ça, sans que cela le dérange vraiment. Avec une main cassée, il ne pourrait pas faire grand-chose à part rester à bord de son vaisseau en attendant que la blessure guérisse. Il se demanda furtivement si ce serait si mal que ça en fin de compte. Cela lui fournirait une excellente excuse pour ne pas sortir ou aller voir ailleurs. Ah non, ça il ne pouvait plus.

Il haussa finalement les épaules et se demanda comment elle réagirait si lui disait qu'il avait envie d'une bonne bagarre. Probablement pas très bien. Il la regarda aller enlever ses chaussures et son haut. Visiblement, il n'aurait pas besoin de lui dire quoi que ce soit, vu qu'elle proposait d'elle-même un combat. Aurait-elle lu dans ses pensées ?

Il savait qu'il n'avait pas la moindre chance contre elle. Il était un combattant au corps-à-corps au mieux passable, mais ce n'était pas l'important. Il avait surtout besoin de se défouler et il savait qu'il ne risquait pas de lui faire mal, sauf par accident. C'était plutôt lui qui allait souffrir, mais encore une fois, ce n'était pas important.

« De mon point de vue, c'est moi qui risque de crier stop plutôt que l'inverse. Ou alors, c'est que j'aurais vraiment eu beaucoup, beaucoup de chance. Puis là, il n'y a pas que mes doigts qui vont avoir mal... » dit-il en se mettant en face d'elle.

Il adopta une position de garde, jambe gauche en avant et mains levées devant lui. Quoi qu'il allait tenter, il allait forcément se retrouver au tapis, donc pas de raison d'hésiter. Puis il attaqua avec un coup de poing droit vers le plexus solaire de Nadja...

Nadja observa la position de garde de son adversaire du jour. Bien qu’elle ne la reconnaisse pas, elle n’avait rien d’exceptionnel, mais montrait qu’il avait quelques bases.

« - Je n’ai pas l’habitude de démolir mes partenaires d’entrainement. Et encore moins mes partenaires tout court. »

Ce qui n’était pas tout à fait vrai. Certain entrainement avec Jonathan avait été particulièrement intenses. S’il était plus puissant qu’elle, il était un peu moins technique et leur niveau s’équilibrait. S’il avait gagné la plupart de leurs rencontres, c’était surtout grâce à sa capacité hallucinante d’encaisser les coups. Mais le contexte était différent et…

Perdue dans ses pensées, elle faillit ne pas voir le coup venir. Elle bloqua haut et tardivement ce qui l’empêcha de riposter. Elle battit donc légèrement en retraite pour laisser Zander attaquer à nouveau. Cette fois elle était prête et put parer du bras gauche tout en envoyant un coup léger mais marqué au niveau de ces cotes.

« - Tes attaques sont correctes mais tu te découvres trop, dit-elle en reculant. »

Son désir de douleur la troublait un peu. Etait-il à ce point déprimé qu’il veuille souffrir physiquement ? S’il en était la après seulement deux jours de mariage, c’était déprimant. Surtout après la conversation qu’elle venait d’avoir avec Mei. Elle avait envie de croire dans cette relation mais si son partenaire la considérait déjà comme une prison, tout ça n’irait pas bien loin.

Zander secoua la tête. Le corps-à-corps faisait aussi appel à une certaine coordination et des réflexes, qui, comme pour la danse, lui faisait sérieusement défaut dans ce type d'activités. En dépit des entraînements réguliers qu'il suivait sur la station, il n'avait pas l'impression de vraiment progresser, ne serait-ce qu'un peu.

« Loin de moi l'idée de sous-entendre que tu malmènes tes partenaires. Mais certains formateurs aiment bien être un peu… brusque pour faire comprendre certains points fondamentaux aux élèves... récalcitrants. Plus sérieusement, c'est juste moi qui ne suis pas doué et il m'arrive souvent de réagir trop tard ou de m'emmêler dans le mouvement que j'essaye de réaliser et généralement, les conséquences douloureuses, aussi prévenant que soit celui, ou celle, en face. » dit-il, fataliste.

Et deux ou trois chutes sur le tapis pouvaient aussi faire très mal, indépendamment du partenaire, pour peu que l'atterrissage soit un peu rude à chaque fois. Son premier coup la fit reculer, ce qui le surprit un peu, mais elle bloqua le second sans problème, le touchant aux côtes lorsqu'elle riposta. Pas un vrai coup à pleine puissance, juste de quoi lui faire sentir son erreur, ou plutôt de lui rappeler son défaut majeur.

« Ça, ça a toujours était mon gros problème. C'est pour ça que je finis toujours en ayant mal partout et avec une joli collection de bleus et de bosses. Le combat rapproché, c'était ma bête noire à l'Académie. Tout comme le tir, même si je m'en sortais un petit peu mieux et que c'était beaucoup moins douloureux quand je ratais mes tirs. Par contre, je suis beaucoup plus doué dans un autre type de corps à corps... » fit-il avec un sourire.

Puis il lança son attaque dans la foulée : coup de pied droit circulaire qu'il espérait pouvoir faire suivre d'un crochet du gauche, s'il ne se retrouvait pas par terre avant.

Nadja secoua la tête quand il lui parla de formateurs un peu rudes. Elle pouvait l’être à l’occasion mais pas avec un élève qui débutait à peine. C’était totalement contreproductif.

« - J’ai connu ça. Mon premier instructeur adorait me prendre comme partenaire de démonstration. Et il n’y allait pas de main morte, ce fumier. Il prenait son pied à me démolir et m’envoyer à l’infirmerie. J’ai jamais su s’il pouvait pas me blairer ou s’il était amoureux. Et y a pas d’élève pas doué. Il suffit juste qu’on trouve le style qui te conviens. »

Ils échangèrent quelques coups qui eurent le même résultat que le précédent. Elle profita de leur proximité pour lui taper sur les fesses avec un grand sourire.

« - J’avais remarqué que tu te débrouillais plutôt bien dans ce domaine. Mais y a pas de raison que tu ne t’en sorte pas en combat rapproché. »

Avait-il voulu la distraire en parlant de leurs activités nocturnes. Si c’était le cas, il en fut pour ces frais. La aussi, le mouvement n’était pas mauvais, bien qu’un peu hésitant. Elle rentra dans sa garde et frappa en haut de la cuisse, assez fort pour le propulser au sol.

« - Si tu avais été un véritable adversaire, j’aurai frappé un peu plus haut et beaucoup plus fort. Tu vois pourquoi je dis que tu que tu te découvres trop ? Viens à côté de moi, on va travailler tes mouvements. »

Pas besoin d’être l’un contre l’autre pour le faire transpirer. Et c’était plus sain que se taper dessus.

Zander gardait un mauvais souvenir de ses cours d'autodéfense, comme ils étaient appelés sur Hébrida. Étant parmi les moins bons du cours, l'instructeur lui en faisait généralement voir de toutes les couleurs, lorsqu'il daignait s'occuper de lui. Du coup, il préférait nettement quand celui-ci se concentrait sur ses futurs ouailles et laissaient les rebuts, comme il appelait les élèves dans son genre, tranquilles. Avec le temps, il avait même fini par se rendre à ce cours à reculons et à devenir quelque peu récalcitrant à ce qu'on essayait de lui faire rentrer dans le crâne.

« Mon instructeur n'était pas vraiment du genre patient. Il ne s'intéressait pas vraiment à moi vu que je ne montrais pas d'aptitude particulière et qu'en plus, je n'étais pas destiné à servir dans les forces de sécurité terrestres. Il s'est tout juste assuré que je maîtrisais suffisamment les techniques de base pour être capable de me protéger et de frapper à peu près correctement un adversaire. Et moi, je venais juste parce que c'était un cours obligatoire, comme le tir. Mais là, c'était la nuit et le jour entre les deux. L'instructrice essayait vraiment de faire progresser tout le monde, y compris et surtout les moins doués dans mon genre. » expliqua-t-il.

La perspective d'ajouter des cours particuliers supplémentaires ne l'enchantait pas vraiment. Il en suivait déjà sur le JPS pour tenter d'améliorer les chose, mais cela ne se passait pas forcément toujours très bien, sa formation ayant visiblement laissé des traces dont il n'avait pas conscience.

« Et surtout, ne te sens pas obligée de me chercher un style qui me convient. Ce n'est vraiment pas nécessaire. Je me débrouille très bien comme ça. C'est juste pas mon fort, c'est tout. On en peut pas être bon partout malheureusement. » fit-il en haussant les épaules, résigné depuis longtemps sur le sujet.

Après plusieurs coups, il s'aperçut que sa colère était retombée et sa tension redescendue. Il n'y avait pas à dire, mais se battre contre quelqu'un était plus efficace que de taper dans un sac pour se changer les idées. Il était vraiment obligé de se concentrer sur ce qu'il faisait et pas simplement se contenter de donner des coups de poings. C'était en revanche un peu plus douloureux. À moins que ce soit la présence de Nadja. En fait, c'était probablement un mélange des deux. Mais il éprouvait toujours le besoin de se défouler.

« Hé ! Je crois pas que ce soit un coup très réglementaire ça. » s'exclama-t-il en sursautant lorsqu'elle lui tapa sur les fesses.

« Oh ? Tu as remarqué ? C'est probablement le seul corps à corps que je maîtrise à peu près correctement. » dit-il avec un grand sourire.

Mais ses paroles n'eurent pas l'effet escompté et elle ne se laissa pas distraire le moins du monde. Une fois de plus, elle l'envoya au tapis. Il grimaça en l'écoutant et poussa un soupir quand elle parla de travailler un peu tout ça. C'était exactement ce qu'il n'aimait pas.

« On est vraiment obligés de faire ça ? » demanda-t-il sur un ton revêche tout en prenant son temps pour se relevant et en restant où il se trouvait, légèrement méfiant.

« L’instructrice, hein ? Je suis sure qu’elle te donnait des cours particuliers… je vais finir par être jalouse. »

Il ne semblait pas très enclin à travailler et elle lui sourit de toutes ses dents.

« - Tu as épousé une marine mon grand, va falloir t’y faire. Et je veux juste m’assurer que tu te fasses pas arranger le portrait par le premier venu. Remarque, un nez cassé ne t’irait pas si mal, à la réflexion.»

Et il fallait bien se rendre à l’évidence, elle adorait transmettre ce qu’elle savait et les préparer pour l’avenir. Elle éclata de rire quand il protesta contre une tape un peu trop suggestive.

« - Réglementaire, non. Mais nous ne sommes pas dans une compétition. Ni en public. Maintenant si ce genre de familiarités te déplaise, il suffit de le dire, hein. »

Elle l’aida à se relever et soupira quand il renâcla à continuer. Au moins lui avait-elle fait passer son envie de donner et prendre des coups.

« - Je vais pas te forcer. Mais je m’inquiète pour toi. D’abord parce que j’aime pas te voir dans cet état de nerf et qu’un peu d’activité physique te fais clairement du bien. Ensuite parce que tu fais partie d’un groupe d’intervention et que tu peux te retrouver dans une situation explosive très rapidement. J’ai pas envie que tu sois blessé ou pire, tu comprends ? Vraiment pas. »

Zander rit doucement à la réaction de Nadja quand il mentionna son instructrice.

« Et il se passera quoi si tu deviens jalouse ? Tu m'enfermes ici pour t'assurer que personne d'autre que toi ne m'approche ? » demanda-t-il, amusé.

Il se dit qu'il devrait peut-être éviter de mentionner ses fréquentations féminines précédentes à l'avenir, juste au cas où. Puis il revint à la discussion.

« Et en fait, non. D'abord, cette dame avait l'âge d'être ma mère et ensuite, elle n'était pas du tout intéressé par les jeunots comme moi. Ou par la gent masculine de manière plus générale. Et aux dernières nouvelles, je ne suis pas au courant d'avoir été la cause de ce genre de revirement radical. »

Il haussa les épaules à son explication suivante. Il pouvait comprendre qu'elle se soucie de sa sécurité, mais lui n'en avait jamais fait grand-cas. Sa dernière remarque lui tira un sourire.

« Ah ben tu vois. La prochaine fois, je demande à mon adversaire d'arranger ça. » dit-il en plaisantant.

Il reprit un peu plus sérieusement.

« Mais sinon, c'est déjà arrivé, tu sais. J'essaie d'éviter de me retrouver impliquer dans des bagarres, mais parfois, c'est pas trop possible. Ce sont les risques du métier. Ou parfois, les maris et les amants jaloux qui se font des idées sur mes relations avec leur autre moitié. Je fais ce que je peux pour limiter la casse dans ces cas-là. »

Mais il décida de ne pas rentrer dans les détails. Il y avait des choses dont il ne tenait pas spécialement à parler.

« Oh, je n'ai pas dit que ça me déplaisait… » lui répondit-il en la regardant avec un grand sourire, mais pour l'instant, il n'avait pas trop la tête à ça.

Il fut surpris par ses paroles suivantes et cela lui fit fit prendre un peu plus conscience de sa nouvelle situation. Il n'avait pas l'habitude que quelqu'un s'inquiète pour lui, en dehors de ses parents ou de Stella, ce qui le secoua un peu et le toucha. Il allait devoir s'y habituer. Et au fait de s'inquiéter pour quelqu'un d'autre. Il n'avait normalement pas à se soucier de qui que ce soit d'autre, même pas pour lui-même.

Elle n'avait cependant pas tort sur le fait que faire du sport l'aidait un peu et il sentait qu'il en avait encore besoin. Sauf que l'idée de s'entraîner le rebutait, et pas qu'un peu. Il poussa un autre soupir, se rendant à l'évidence.

« D'accord, d'accord... » capitula-t-il, même s'il n'était pas très enthousiaste.

« - Exactement, et je t’attache au lit avec des tenues qui ferait rougir n’importe qui. »

Elle n’avait jamais été jalouse en fait, et se demandait ce qu’elle ferait si c’était le cas. Elle n’était pas sure de vouloir le savoir, en fait. Elle rit doucement à la suite. Elle aimait bien entendre ses histoires et le découvrir un peu plus. A chaque anecdote, le président Hayes s’éloignait un peu pour laisser la placer à Zander, et ça lui plaisait beaucoup.

« - Je me doute bien que vu ton boulot, tu ne puisse pas toujours éviter la bagarre. Tu chercherais pas une associée par hasard. J’ai souvent une présence très apaisante dans les négociations. »

Elle ne rebondit pas sur les maris jaloux non plus, n’étant pas tout a fait sure qu’il plaisantait. Finalement, il accepta, de mauvaise grâce de continuer le cours, même si elle voyait qu’elle avait du toucher une corde plus sensibles qu’elle ne le pensait.

Ils passèrent les minutes suivantes à travailler quelques techniques de frappes directe mais elle se fit rapidement à l’idée que ce style ne lui conviendrait pas de suite.

« - Met toi en face de moi, on va travailler quelques mise en situation. »

Elle lui attrapa le poignet et montra ensuite plusieurs moyens de se libérer d’une telle situation voire de contre-attaquer. D’abord d’une sable tape au visage, puis avec des coup plus violent, du coude ou du poing à la gorge.

« - Un engagement bref est toujours préférable. C’est moins sportif évidement mais dans nos situations, on est rarement la pour faire du show.  Allez on termine en accélérant un peu. »

Zander ne put s'empêcher de rire à la réponse de Nadja.

« Je suis quand même choqué que tu penses à m'habiller. J'aurais pensé que tu ne t'embarrasserais d'un tel détail... » répondit-il avec un grand sourire.

« Pourquoi ? Tu serais intéressée par un boulot comme ça ? » demanda-t-il, un peu surpris.

Il n'avait jamais pris d'associé, et n'avait travaillé avec quelqu'un autre qu'en de rares occasions lorsqu'un client, ou la mission, l'imposait, souvent en raison de la nature de la cargaison ou de la zone où il se rendait. Mais la plupart du temps, il travaillait en solo. Enfin, ce n'était pas tout à fait exact, puisqu'il avait Stella.

"Apaisante" n'était pas forcément le terme qu'il aurait utilisé. Il aurait plutôt dit "dissuasive", mais l'effet restait en fin de compte le même. Et il ne doutait pas qu'elle refroidirait les ardeurs de tous ceux qui s'amuseraient à vouloir jouer les gros bras ou qui élèveraient un peu trop la voix. Il n'en restait pas mois que cela offrait des perspectives intéressantes si jamais ce genre de travail ne la rebutait pas et qu'ils voulaient un jour quitter le JPS, ne serait-ce que temporairement.

Il suivit ses instructions quant aux frappes sans vraiment y mettre de motivation. Quand elle lui dit de se mettre en face d'elle, il pensa qu'ils allaient de nouveau s'affronter, mais il fut quelque peu déçu par ce qui suivit. Cependant, les exercices étaient un peu plus intéressants et concrets que ce qu'il venait de faire, aussi s'appliqua-t-il un peu plus. Et puis sa prof n'était pas sans cesse en train critiquer le moins de ses mouvements ou de le rabaisser.

« Là, je suis tout à fait d'accord. Je préfère me débarrasser le plus rapidement possible de mon adversaire, quitte à utiliser des coups pas très réglo, pour mettre les voiles avant que ses copains débarquent pour l'aide… Parce que je ne donne vraiment pas cher de ma peau contre plusieurs opposants à la fois. » dit-il.

Il essaya de suivre le rythme qui accélérait mais finit par s'emmêler dans les frappes.

Nadja se maudit quand il releva sa proposition. Quelle idiote. Ils étaient embarqués dans cette histoire depuis quarante huit heure, se connaissait depuis à peine plus longtemps et voila qu’elle lui parlait déjà de changer de vie.

* Parle-lui d’avoir des enfants tant que tu y es. *

Avec la discussion qu’elle avait eut avec Mei juste avant de venir, elle avait mis des mots sur certaines de ses envies, de ces rêves. Mais ca n’était pas en brusquant les choses qu’elle parviendrait à quelque chose, sauf à le faire fuir.

« - Je...j’en sais rien en fait, répondit-elle finalement en essayant de ne pas rougir. Un jour peut être, si j’en ai marre de l’armée. Ou que les terriens en ont marre de moi. »

Pas sur que ça soit convaincant. Elle se concentra sur les exercices qu’elle lui montrait, afin de changer de sujet.

Les mouvements s’enchaînèrent et s’il ne mettait que peu de cœur à l’ouvrage, au moins l’écoutait-il avec attention.

« - C’est pas si mal, conclut-elle finalement. Tu as besoin de pratique et d’un peu de concentration mais tu es loin d’être aussi mauvais que tu le dis. Je ne ferais pas de toi un champion dans les mois à venir mais on devrait pouvoir t’éviter de prendre quelques mauvais coups assez facilement. Veux-tu que je te montre quelques séries d’enchaînements à pratiquer seul ? »

S’il acceptait, elle lui ferait répéter quelques katas de base pour la fin de ce premier cours. En espérant que ça ne soit pas le dernier.

Zander se dit qu'il avait encore mal compris et que sa proposition devait encore être une plaisanterie. Ils avaient du travail à faire pour se comprendre.

« Si jamais tu es intéressée, il m'arrive d'avoir des demandes de transport de temps à autre de la part de certains de mes clients les plus fidèles. Ça ne dure jamais plus de quelques jours et elles sont généralement tranquilles. J'essaie de les honorer autant que possible, histoire de rester dans le circuit. Ça te donnera une idée de ce que c'est. Enfin, la plupart du temps en tout cas. » dit-il avec un sourire.

Il serait embêté de devoir renoncer à ces quelques missions et il espérait que le jour où le cas se présenterait, il pourrait être en mesure de les faire en solo en dépit des bracelets ou qu'elle accepterait de l'accompagner et que le SDT donnerait aussi son accord. Et pour lui, c'était aussi un moyen de récupérer des informations sur ce qu'il se passait ailleurs.

Il écouta son verdict sur ses capacités de combattant d'un air dubitatif. Il se demandait si elle était vraiment sérieuse ou si elle disait juste pour être sympa et éviter de lui dire qu'il ne valait vraiment rien, ce que son instructeur n'avait pas arrêté de lui seriner pendant sa formation.

Sa proposition de lui apprendre des katas à faire tout seul l'intrigua. Il n'avait jamais entendu de parler de quelque chose comme ça. Pour lui, l'entraînement au corps à corps consistait surtout à échanger des coups avec les autres, ou plutôt à les recevoir tout en se faisant traiter d'incapable.

« Pourquoi pas. » répondit-il.

Ça ne lui coûtait rien d'essayer et de voir de quoi elle parlait. Puis ça ne pouvait pas être pire que de taper sur un sac et ce serait sans doute moins risqué et moins douloureux pour ses mains.

Comme si elle n’était pas assez gênée, il en rajouta une couche. Elle rougit de plus belle mais finit par hocher la tête.

« - Je crois que ça me plairait bien. Ça me changera de la routine militaire. Enfin si le capitaine est d’accord évidemment. »

Difficile de partir sans l’autorisation de son supérieur hiérarchique. Mais en l’état, elle ne se sentait pas capable de passer plusieurs jours sans voir Zander. Quand le bracelet ferait un peu moins d’effet, peut être…

Une fois les exercices terminé, il accepta qu’elle lui montre quelques katas. Il semblait surpris qu’elle ne l’ai pas encore envoyé paître. Peut-être même pensait-il qu’elle l’épargnais par bonté d’âme sans savoir que ça n’était pas vraiment son style. Oh, elle était sans doute un rien plus coulante, mais le sujet était trop sérieux pour qu’elle ne soit pas franche.

« - Je te montre une fois, puis on travaille tous les deux, OK ? »

Elle lui montra un premier enchaînement calme avant de le lui faire répéter. Ensuite vint une série de mouvement plus violente. Même s’il semblait plus à l’aise sur des styles défensifs elle voulait lui donner un peu de punch au besoin.

Une fois satisfaite du résultat elle salua et s’essuya le front.

« - Essaye de pratiquer régulièrement. Pour faire travailler ta mémoire musculaire. Et on se refera une session d’ici quelques jours si tu es d’accord. Maintenant, tu m’excusera mais j’ai besoin d’une bonne douche. Enfin sauf si tu veux venir me frotter le dos bien sur.»

Zander sourit à sa réponse à sa proposition. Il ne lui demandait rien d'autre que d'y réfléchir. Ils en reparlerait et aviseraient le moment venu. Lorsqu'elle lui dit ce qu'elle allait faire pour les katas, il hocha la tête, attentif.

« D'accord. »

Puis il la regarda faire l'enchaînement avec curiosité. Il n'avait jamais vu ce genre d'exercices, à part dans les films en fait. Il suivit ensuite ses instructions pour répéter les mouvements. La première série était plutôt calme, mais cela n'était pas pour autant facile. La deuxième en revanche, éatit plus dynamique et brutale. Quand elle fini par arrêter, il se sentait fatigué, mais une bonne fatigue lié à ce qu,il venait de faire. Car mine de rien, cela demandait de l'énergie et de la concentration.

« Je n'ai rien de mieux à faire pendant les deux prochains jours. Ça me tiendra occuper comme ça. Et d'accord, on pourra remettre ça. »

Il voulait voir si cette méthode allait lui être bénéfique et l'aiderait à s'améliorer. Tout ce qu'il avait essayait jusqu'à présent avait échoué. Il sourit largement à sa proposition. Et puis il était beaucoup plus détendu en sa présence.

« Hum, si tu me frottes le mien alors. Parce que moi aussi, j'ai besoin d'une douche. » lui répondit-il avec un large sourire.

« Mais avant ça, j'ai une question... »

Il hésita. Mais il ne pouvait pas vraiment reculer maintenant qu'il avait commencé sa phrase.

« Est-ce que tu aurais des trucs pour m'aider à ne pas perdre mon sang-froid ? J'aimerais vraiment éviter de me retrouver dans une cellule pour avoir frappé quelqu'un qui m'aurait un peu trop agacé. » dit-il, légèrement gêné de lui demander ça.

Il avait l'impression d'un peu abuser de son temps après cette séance et de passer pour un fou furieux incapable de se contrôler. Ne pas être maître de lui le perturbait et l'irritait, ce qui n'aidait pas vraiment les choses. En même temps, elle lui semble être la personne la plus apte à le conseiller et il ne voyait personne d'autre à qui demander actuellement. Et puis ils étaient mariés pour le meilleur et pour le pire, non ?

Nadja sourit lorsqu’il lui confia ne rien avoir à faire pour les jours à venir. Mais au moins était-il d’accord pour recommencer. C’était un premier pas en avant.

« - Ne passe pas non plus ton temps à ça, ça serait contreproductif, ok ? »

L’idée de la douche commune ne semblait pas lui déplaire, et elle allait se mettre en route lorsqu’il lui posa une autre question qui l’arrêta. Ce genre de pratique n’était pas vraiment son fort, tout comme mettre un couvercle sur sa colère.

« - Je peux te montrer un truc ou deux, mais ça sera pas la panacée. J’ai jamais été très forte dans le domaine non plus. Et ton idée d’aller taper dans un sac n’est pas idiote. C’est mieux que de le faire sur quelqu’un. Viens près de moi. »


Elle posa sa main sur le plexus solaire de l’homme en face d’elle et poussa très légèrement.

« - Ferme les yeux. Inspire profondément par le nez, retiens… et maintenant souffle lentement en visualisant ma main. Voilà, recommence. Bien. Fait ce genre d’exercice de respiration pendant une petite minute et tu devrais te sentir un peu mieux, normalement. »

Inutile de dire que ça fonctionnaire s’il sentait une crise de colère arriver, mais pas si elle était déjà là. Dans ses moments-là, il ne connaissait pas grand-chose d’efficace sinon de passer ses nerfs sur quelque chose… ou quelqu’un.

Zander sourit et fit les gros yeux.

« Est-ce que j'ai une tête à faire du sport toute la journée franchement ? » lui demanda-t-il.

Il prévoyait de travailler les enchaînements plusieurs fois dans la journée, mais par courtes périodes en les faisant trois ou quatre fois. Enfin, c'était ce qu'il voulait faire, restait à savoir ce qu'il en serait dans la réalité. Il hocha la tête suite à sa réponse.

« Bressignac m'a suggéré la même chose. Taper dans un sac plutôt que dans un mur, ou sur quelqu'un. C'est mieux et ça fait moins mal, pour tout le monde. Et c'est quelque chose que j'aimerais vraiment éviter. La violence n'est pas vraiment dans la nature en temps normal. » dit-il.

Encore fallait-il avoir le temps d'aller jusqu'au dit sac, ce qui n'était pas forcément évident. Mais cela, il pouvait en discuter avec Stella pour qu'elle le rapatrie en urgence si nécessaire.

Ce qu'elle lui expliqua ressemblait fort à quelque chose qu'il avait appris il y avait longtemps. Cela semblait être une méthode universelle.

« Je pense que c'est temporaire, mais au cas où, tu connais quelqu'un qui pourrait m'aider pour gérer ça ? »

Ensuite, il suivit les instructions de Nadja et se plaça face à elle. Il inspira plusieurs fois comme indiqué, mais visiblement, son esprit avait d'autres idées en tête, difficile à ignorer. Il soupira et secoua la tête avant de la regarder.

« Pour l'instant, c'est pas très efficace… J'ai trop de choses dans la tête. » soupira-t-il.

Il se pencha vers elle pour lui dire doucement :

« Je crois qu'il est temps d'aller prendre cette douche. Ça, c'est particulièrement efficace pour se détendre... »