Traités et tri - JPS - Salle des Archives

Nathan s'était vu attribué la lourde et ingrate tâche de trier les archives, c'était biensûr moins dur que la torture qu'il avait subi.
Il avait eu du mal à ne pas tout déballer, mais son manque de respect pour ses tortionnaires l'a aidé à tourner autour du pot et leur faire croire qu'ils avaient quelque chose.
Finalement pour lui, la plus grande des tortures a été de ne pas pouvoir participer aux réparations de la station et ne plus pouvoir toucher à quoi que ce soit de scientifique.
Il enrageait intérieurement.

Il trouvait le temps extrêmement long sur la station impériale.
C'était mieux que d'être en cellule mais sans plus.
Il essayait parfois de lire un rapport mais se faisait immédiatement rappeler à l'ordre par un soldat de Tonatiuh via un tir de Zat.

Il avait perdu le goût de se rebeller et faisait chaque jour son travail sans grande joie.
Parfois il croisait Diane venue chercher des informations, elle avait de la chance, elle pouvait continuer à travailler dans un domaine plus ou moins proche de son cœur de métier sans qu'on se méfie trop d'elle.

C'est alors que Diane fit son entrée dans la salle.

"Bonjour Diane, de nouvelle recherches pour le traité ?"

Diane s’était réveillée tôt ce matin. Bien avant son réveil de 7h, elle avait ouvert les yeux et fixé pendant près de 30 minutes le plafond métallique de la petite cabine qui lui avait été attribuée. Elle s’était levée machinalement, et avait pris une douche, chacun de ses gestes étant comme guidés par un automatisme routinier.

Après la tentative ratée d’évasion du groupe des résistants sur le JPS, la répression avait été féroce. Le groupe avait été séparé, et Diane n’avait plus de nouvelle d’eux. Qu’était devenu Luke, son chevalier servant ? Toniatuh, qui avait enquêté sur le groupe, avait découvert les fonctions que Diane avait occupé auparavant, ce qui lui avait permis d’éviter la torture. Il lui réservait cependant un tout au châtiment, celui de la forcer à travailler pour lui, à nouer des alliances pour asseoir sa domination sur son empire. C’était là une torture, psychologique, celle-ci.

Alors que l’eau coulait sur elle, Diane pensa à la Terre, à la mission qu’on lui avait donné, à son envie de se rendre utile pour l’humanité. Tout ceci était maintenant derrière elle, car depuis deux mois, elle était la prisonnière et en quelques sortes l’un des instruments de la domination de l’occupant. Elle rédigeait, pour le compte de Toniatuh, un traité régissant les relations des provinces alliées et dominées avec la planète capitale. Un travail intéressant, certes, mais dont l’objectif était à l’opposée de celui pour lequel Diane s’était engagée pour l’ONu.

Tout aussi mécaniquement qu’elle y était entrée, Diane sortit de sa douche, s’habilla, et ne daigna même pas regarder par le hublot les courbes élégantes de la Terre qui faisait face à la station du JPS, comme elle le faisait pourtant lors de ses premiers jours dans la station. L’envie n’y était plus. Le désespoir avait masqué toute lumière dans l’esprit de la jeune française.

Elle se rendit à son bureau, une pièce un peu plus grande que sa cabine, située dans le quartier administratif. Elle salua ses collègues, qui étaient également ses geôliers, en passant dans le couloir, comme elle le faisait tous les matins, résignée.

Lorsqu’elle pénétra dans son bureau, elle fut surprise de trouver une note, laissée en évidence sur sa chaise. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres. Une pincée d’inattendu s’était glissée dans la grosse machine de la routine journalière. Elle lut le contenu du papier. Elle travaillait depuis plusieurs jours sur les clauses du traité consacrées à la propriété et aux bénéfices des terres terraformées, et avait adressé il y a une bonne semaine maintenant une demande de consultation des cartes des installations de terraformation de l’Empire. Sa demande avait été acceptée.

Elle récupéra son badge d’accès qui, malgré ses habilitations extrêmement limitées, permettait tout de même une circulation à peu près fluide au sein du quartier administratif, et se rendit aux archives.

Alors que la porte automatique s’ouvrir, elle entra dans le grand hangar, et se fit accréditer. Une fois les autorisations reçues, elle entreprit de sillonner les rayonnages, à la recherche de son document. C’est alors qu’elle vit entre deux étagères son camarade, et maintenant ami Nathan. Un grand sourire illumina son visage, qu’elle réprima très rapidement pour n’attirer aucune suspicion.

Elle s’avança dans sa direction, et fit mine de chercher un dossier dans l’étalage, alors qu’il s’adressait à elle.

"Bonjour Diane, de nouvelle recherches pour le traité ?"

- « Nathan, tu ne peux pas savoir comment je suis heureuse de… »

Elle baissa la voix, réajusta une mèche de ses cheveux avant de poursuivre.

- «  Comment vas-tu ? As-tu des nouvelles des autres ? De la Terre ? »

Elle reprit, plus haut.

- « Oui, je cherche à retrouver la carte des installations de Terraformation de l’Empire. Elle devrait être en secteur 2 je crois ».

Elle adressa un regard tendre à Nathan, le pressant de lui donner des nouvelles.

Nathan était content de voir Diane, il baissa la voix lui aussi.

"Je vais bien et toi ? Moi aussi je suis content de voir autre chose que ces étalages d'archives ... je pourrais être tellement plus utile ailleurs ..."

Il rassembla ses idées avant de faire le point.
Etant un archiviste il bénéficiait d'un super-pouvoir, celui de passer inaperçu, certains soldats étaient un peu trop bavard en sa présence et il avait pu en apprendre pas mal sur ses camarades d'infortune.

"Pas beaucoup de nouvelles de la Terre, pour Mortimer il est affecté aux cuisines, pour Maxence et Luke je suis désolé mais ils semblent avoir gouté au Rish'na, ils sont maintenant à la solde de Tonatiuh grâce au lavage de cerveau. Pour Aeryn et Jacob ils ont eu un projet au retour de Tonatiuh, ils en ont de la chance eux ..."

Nathan glissa le long de la rangée en regardant les dossiers alignés.

"La carte des installations de Terraformation, voyons-voir ... ah la voilà."

Il vérifia que la carte était la bonne et la donna à Diane puis s'approcha près d'elle.

"Et toi tu tiens le coup ?"

Il s'inquiétait plus pour Diane que pour les autres, elle était celle qui avait le moins d'expérience dans ce genre de situation bien que Nathan n'ait pas non plus une expérience folle.

Diane constata que Nathan, bien que frustré de son manque d’utilité à la cause de la résistance, avait été épargné par les violences qui avaient suivi l’arrestation du petit groupe. Elle fut horrifiée d’apprendre la condition de Maxence et de Luke.

- Le Rish’na ? Quelle horreur…

Nathan l’interrogea ensuite sur elle-même. Elle répondit avec un ton blasé et monotone.

- Relativement, ça va oui. Je travaille sur un traité que Toniatuh souhaite conclure avec les provinces de l’Empire. Beaucoup d’architecture institutionnelle à créer. C’est assez intéressant. Et je me dis qu’au moins, sur certains sujets je peux faire de mon mieux pour garantir aux peuples occupés une marge d’autonomie… Mais ça reste difficile de travailler pour quelqu’un contre qui on devrait se battre…

Alors qu’un groupe de deux scientifiques de Toniatuh s’inséra dans le rayonnage, à la recherche eux aussi d’une précieuse archive, Diane s’interrompit, et Nathan reprit le traitement de la « commande » qu’elle lui avait adressé. Après une recherche efficace et rapide, il lui remit la carte qu’elle cherchait.

Elle en examina sommairement le contenu, plus par prétexte pour gagner du temps et poursuivre la conversation que par doute sur ses compétences d’archiviste.

- Ca a l’air de correspondre oui.

Puis en baissant la voix, alors que les deux scientifiques repartaient, elle ajouta :

- Il n’y a vraiment rien qu’on puisse faire pour partir d’ici ?… Tu disais que Aeryn et Jacob sont chargés d’un projet par Toniatuh ? Tu sais de quoi il retourne ? Ils peuvent se déplacer, eux ?