Mélancolie ...

Un cauchemar. Noa vivait un cauchemar éveillé depuis 5 mois. Il avait l'impression que chaque seconde qui s'écoulait était une torture qui ne lui laissait aucun répit. La journée, il avait réussi à trouver le subterfuge du travail. Il s'y plongeait dedans sans interruption pendant des heures, restait enfermé dans son bureau 12 heures par jour pour s'occuper l'esprit. Surtout, il ne fallait pas penser. Mais la nuit, il ne pouvait rien y faire, les morts venaient le hanter immanquablement, développant chez lui une peur viscérale du sommeil. Alors il travaillait encore plus, encore plus longtemps, s'enfermant petit à petit dans sa solitude. Les seules personnes qu'il voyaient encore était Emy, Jérémy, son assistante et David, parfois, lorsque celui-ci s'incrustait dans son bureau. Mais Noa ne se rendait pas vraiment compte de ce soudain repli sur lui-même. Il ne se rendait pas vraiment compte de tous ces changements, car il préférait ne pas y penser. Ne jamais réfléchir à autre chose qu'à son travail. S'il y avait réfléchi, il se serait probablement rendu compte qu'il ne mangeait presque plus rien, trop absorbé par son travail. Qu'il avait tellement perdu de poids qu'il avait la silhouette maladive de ces anorexiques et que seul la présence de Xinan lui permettait de compenser. Il se serait peut-être rendu compte que Xinan lui même était bien silencieux depuis très longtemps, peut-être touché par la disparition soudaine des Tokras, ou seulement trop épuisé à prendre soin de la corde que Noa tirait sans cesse un peu plus. Mais Noa ne se rendait pas compte de tout ça. Et ses larges cernes sous ses yeux ne l'avait jamais vraiment inquiété car il ne se regardait plus dans un miroir depuis longtemps.
La seule chose dont il était vraiment conscient et qui l'inquiétait, c'était les changements dans la personnalité d'Emy. Et c'est à elle qu'il pensait là, en regardant la mer depuis le haut de la station kéronique. En se penchant sur la balustrade pour voir le sol plusieurs mètres en bas, il se dit que si Emy n'était pas là, il se serait déjà jeté dans le vide depuis longtemps.
Mais sa fille était bien là, et comme à chaque fois qu'il pensait à elle, il ressentit un sentiment de culpabilité lui comprimer la poitrine. Il savait qu'il n'était pas assez là pour elle, qu'il ne pouvait pas trouver les mots, qu'elle souffrait autant que lui, mais qu'ils étaient incapables d'en parler :
La mort de Ted avec toute l'équipe d'exploration.

Il y eu un bip qui sortit Noa de ses lugubres réflexions. Il se dirigea vers son ordinateur qu'il avait branché à la station. Le diagnostic était complet et le bip lui indiquait que tout était correct. Il rangea ses affaires et s'apprêta à repartir lorsqu'il reçu un message de Jérémy l'invitant à le rejoindre dans son bureau.
" Noté. J'arrive" répondit-il

--> Bureau de Jérémy Doyle.