Dans une petite voiture prêtée par la confrérie, Kaylee et Archibald roulaient vers le contact que leur avait donné Charles. Il s’était montré étrangement évasif quand ils lui avaient demandé à quoi (ou plutôt qui) s’attendre. Seulement qu’il ne fallait pas le juger sur un premier avis.
La route les mena dans un camping ou s’entassaient caravanes et camping cars. Un vieux gardien quasiment fossilisé leur indiqua la direction à prendre : allée centrale, place 13. La, se situait un mobile-home décrépis, et derrière, un imposant semi remorque. Sur la sornette, un seul nom : Burton.
Archibald avait finalement été tiré de son silence et de ses projets de moulin par Kaylee et Charles. Ce dernier leur avait donné un contact qui pourrait les aider dans leurs plans. Il avaient eu une voiture, ceux qui la prêtaient ne plaisaient pas au scientifique mais ils n'avaient pas vraiment le choix et prirent la route. Il repensait ce que leur avait dit Charles, à vrai dire pas grand chose, ce qui ne plaisait pas non plus à Archibald.
"On ne sait rien sur ce contact, je n'aime pas vraiment ce genre d'affaire, en général ça finit mal ..."
Après quelques temps ils arrivèrent dans un camping. Il regardait les caravanes et camping-cars.
"C'est lugubre ..."
Un vieux gardien qui semblait sorti d'un sarcophage égyptien leur indiqua le lieu. Décidément cette histoire ne disait rien qui vaille au scientifique. Il serait cru dans un film d'horreur de série B. Ils arrivèrent finalement près d'un mobile-home défraichit. Archibald s'avança vers la sonnette et regarda le nom qui y était inscrit.
"Burton ... le magasin ou le réalisateur ? Je penche personnellement pour Tim Burton vu l'atmosphère ..."
Il avait tenté un trait d'humour pour se rassurer un peu avant d'appuyer sur la sonnette.
Kaylee regardait le paysage défiler par la fenêtre de la voiture prêtée par le camp afin d'aller rencontrer le mystérieux contact du prêtre et sur lequel ce dernier n'avait rien voulu leur dire, si ce n'était de ne pas se fier aux apparences. Elle n'était pas seule dans cette aventure et Archibald l'accompagnait, mais visiblement, sans grand enthousiasme.
Avec le départ d'Hilda, elle se demandait comment elle allait bien pouvoir opérer Plume, si elle parvenait à récupérer tout le matériel nécessaire. Ce n'était pas tant l'opération qui posait problème, mais plutôt le soin qu'elle devait recevoir après pour guérir plus vite. En l'absence de la Norvégienne, il n'y avait personne pour se servir de l'appareil. Elle n'avait pas encore abordé le problème avec sa patiente, mais il était plus que probable que rassembler tout ce qu'il fallait demande quelques jours. Peut-être que d'ici-là, la pilote serait revenue ou qu'une solution aurait pu être trouvée, en dehors de laisser la guérison suivre naturellement son cours.
« Il ne nous enverrait pas voir ce type s'il ne lui faisait pas confiance ou si nous risquions quelque chose. Mais ce n'est pas une raison pour ne pas se méfier. Si les choses tournent mal, nous serons livrés à nous-même. C'est pour ça que j'ai pris un beretta et deux chargeurs. Je n'avais pas l'intention de venir voir un étranger dans un lieu inconnu sans la moindre protection. Ne fais pas cette tête, on est aux États-Unis. Ça ne choquera personne que j'ai une arme dans mon sac à main. »répondit-elle à sa remarque.
Elle aurait aimé aussi embarquer un P-90, ou son équivalent civil, pour faire bonne mesure, mais cela n'aurait franchement pas été discret et cela aurait soulevé un peu trop de questions. Ce n'était pas le cas de l'arme de poing que personne ne voyait. Elle avait aussi déposé sa trousse de secours dans le coffre, pour faire bonne mesure.
Le gardien du camping qui les renseigna et les orienta vers la bonne caravane avait l'air d'une momie. Quand aux lieux, ils n'avaient rien de rassurant. Le mobile-home de la personne qu'ils ne devaient rencontrer n'étaient guère plus engageant. Le semi-remorque faisait presque déplacé.
« Je ne te le fais pas dire. Mais tant que nous n'avons pas à nous séparer pas en groupe de un, ça devrait aller. » fit-elle, tandis qu'il allait sonner et qu'elle regardait, aux aguets, les alentours à la recherche de quelque chose qui clochait.
"Tu n'as pas tord, il faudrait qu'il soit passé de l'autre côté pour nous envoyer dans la gueule du loup. Mais son contact, lui, aurait pu changer de bord depuis la dernière fois qu'il l'ai vu."
De son côté, Archibald était équipé simplement d'une casquette et d'un zat dissimulé. C'était moins discret mais au moins en cas de problème il serait moins dangereux.
Il sourit à la dernière remarque de Kaylee en attendant que la personne qu'ils venaient voir ne leur ouvre la porte. Il regardait lui aussi autour d'eux au cas où quelque chose d'étrange se passerait. Il écoutait aussi s'il entendait quelqu'un à l'intérieur.
"Son contact est pet-être parti faire des courses ou je ne sais pas."
Le temps pour ouvrir la porte semblait inquiéter Archibald qui se recula un peu, il passa la main sur le zat pour être prêt à réagir en cas de besoin. Il savait qu'il n'aurait pas dû venir, la confection de moulins lui convenait beaucoup mieux que l'action. Il avait déjà donné et plutôt échoué. S'ils survivaient, il se trouverait une petite maison isolée pour cultiver un peu et se détendre beaucoup.
L’homme qui ouvrit la porte de la caravane semblait lui aussi sortir d’un film de série B. Un bon mètre quatre vingt, la quarantaine un peu rondouillarde, short et marcel blanc sale et bandeau sur l’oeil constituait un tableau des plus détonant. Une batte de base-ball négligemment posé sur son épaule complétait le tableau.
« - Vous, vous venez pas le loyer. Je vous préviens, je crois pas en dieu et j’achète pas de bible. »
Tout en parlant avec un accent à couper au couteau, il se rapprocha de Kaylee et Archibald pour les inspecter de plus prés.
« - Ok, entrez… Faite pas gaffe au désordre. »
L’intérieur du mobile-home était bien le foutoir qu’on pouvait supposer de l’extérieur. Des que la porte se fut refermer, Burton se redressa un peu et perdit mystérieusement son accent.
« - Désolé pour le show dehors. C’est pour les voisins. Alors, qu’est ce que le vieux Charles à encore inventé ? »
Archibald vit finalement la porte de la caravane s'ouvrir sur un homme qu'il n'avait jamais vu mais qui correspondait plutôt bien à l'image qu'il s'en faisait, peut-être un peu moins effrayant d'ailleurs. Il recula d'un pas.
"Nous ne sommes pas ce genre de personnes, nous avons juste à vous parler."
Il insista du regard pour paraître convaincant. L'homme les jaugea pendant un instant qui parut être une éternité pour le scientifique. Il souffla finalement et regarda Kaylee quand il les invita à entrer. Archibald le suivit tout en restant prudent, ils ne savaient rien de cette personne plutôt étrange. L'intérieur était digne de l'extérieur, un vaste amoncellement de déchets. Archibald ne put réprimer une grimace de dégoût. Mais il tourna soudain la tête. L'homme avait perdu son accent et s'était redressé, ce fameux Burton avait une couverture, le scientifique comprenait mieux tout ce cinéma et se détendit à son tour.
"Il nous envoie pour prendre contact avec vous."
Il se tourna ensuite vers Kaylee pour la laisser poursuivre et préciser la raison de leur venue ici. Pendant ce temps, il observait la caravane pour déceler la moindre chose qui pourrait prouver que cette personne n'avait pas les intentions qu'elle devait avoir.
L'homme qui sortit du mobile-home n'était pas particulièrement accueillant et ressemblait à une caricature d'Américain moyen avec un accent à couper au couteau. Il décida de ne pas faire usage de sa batte qui n'était certainement pas là pour faire jolie. Sauf qu'elle ne ferait pas le poids contre une arme à feu, s'il fallait en venir là, ce qui ne fut pas le cas.
Elle haussa discrètement les épaules lorsqu'Archibald la regarda. Ils ne pouvaient pas faire grand-chose d'autre qu'accepter l'invitation à entrer de l'homme. Elle entra à la suite des deux hommes. Le mot désordre pour décrire le capharnaüm qui dominait à l'intérieur était un doux euphémisme. Mais leur hôte changea complètement d'attitude une fois la porte refermée. Tout son cirque n'était qu'une couverture, mais vu ses activités, cela n'avait rien de surprenant.
Visiblement Archibald attendait qu'elle prenne le relais et explique la situation à leur hôte. Mais que pouvait-elle lui dire au juste. Jusqu'où aller ?
« Le vieux Charles dirige un lieu de retraite spirituelle dans la région et il se porte comme un charme. Et nous aurions besoin d'acquérir certaines choses pour améliorer le confort des gens, mais de manière… discrète. » dit-elle prudemment, ne sachant pas jusqu'à quel point ils pouvaient confiance à cet homme.
Tout en écoutant le couple s’expliquer, leur hote ouvrit son frigo et en sortit trois bieres mexicaine qu’il déboucha et posa sur la table.
« - Une retraite spirituelle hein ? C’est bien son genre. Je suis sur qu’il récupérer toutes les pauvres âmes perdues du coin pour leur donner un but dans la vie, je me trompe ? Genre nourrir les pauvres ou dégager les fausse religion du pays... »
La moitié du contenu de sa bouteille disparue en quelques gorgées profondes alors qu’il écoutait (et observait) Kaylee.
« - Améliorer le confort… Vous pouvez faire plus vague ? Que vous faut-il exactement ? Si c’etait simple, je suppose que vous ne seriez pas la. »
Kaylee sourit poliment à leur hôte. Ce n'était pas le genre de camp que Charles dirigeait, pas uniquement en tout cas. Il fallait donner le change avec l'extérieur et il avait besoin de faire rentrer de l'argent. S'il ne vivait que de l'argent du Vatican et n'accueillait que des sans-abris, des gens pourraient se poser des questions. Et les va-et-vient des clients leur étaient utiles. Personne n'était surpris de voir apparaître de nouvelles têtes en ville ou certaines rester plus longtemps que d'autres ou disparaître soudainement.
« Oh non, il ne ramasse pas que les pauvres de la région pour leur donner un but. Il y en a bien quelques-uns qui font partie intégrante de la communauté et participent à son fonctionnement, mais il accueille surtout des gens qui veulent prendre leurs distances avec le monde et vivre une vie paisible pendant un moment, loin de tout et de tous. » expliqua-t-elle rapidement, sans s'étaler sur les raisons qui pouvaient pousser les gens à vouloir se retirer du monde, qui semblaient assez évidentes.
En ces temps troublés par l'apparition d'extraterrestres qui avaient pris le contrôle de la planète et qui venaient bouleversés la vision de l'univers qu'avaient les Terriens, il y avait de quoi être chamboulé et vouloir oublier la réalité, ne serait-ce qu'un moment. Mais ce n'était au final pas important pour la discussion.
La réaction de son interlocuteur quand à sa demande vague ne la surprenait pas outre mesure. Elle l'avait fait plus ou moins exprès.
« Je pourrais, mais nous finirions par tourner en rond et nous repartirions les mains vides et en ayant tous perdus votre temps, n'est-ce pas ? Alors, allons droit au but. Il nous faut du matériel médical et des médicaments. Plus précisément, de quoi monter un bloc opératoire de manière sûre et de matériel orthopédique. Il va de soi que cela doit se faire de manière discrète, sinon nous ne serions pas ici. C'est dans vos cordes ? » lui demanda-t-elle.
Archibald regarda la bière mais n'y toucha pas en écoutant l'homme parler.
"Entre autre mais pas que, les changements récents donnent envie à certains de s'échapper du quotidien, changer d'air ..."
Kaylee avait été vague, mais en même temps ils ne pouvaient pas tout révéler à ce qui était encore pour eux un inconnu.
"Vous avez deviné."
Kaylee poursuivit pour demander du matériel médical.
"Et si vous avez des outils je suis preneur, j'essaye de fabriquer mon propre moulin pour moudre de la farine."
Les outils lui serviraient en effet dans son projet et cette requête permettait aussi de donner de la matière à la thèse du camps de retraite spirituelle. Il pourrait aussi travailler sur d'autres choses, il aurait bien aussi demandé un ordinateur, une tablette de diagnostique ou autre bijoux technologiques qu'ils avaient jadis au SDT. Mais ça grillerait leur couverture et en plus ça n'avancerait pas à grand chose, s'ils tombaient sur un Al'kesh abandonné il pourrait tenter d'en prendre le contrôle mais sinon au milieu du camps, il ne pourrait que jouer au solitaire ce qui n'était d'ailleurs pas pour lui déplaire. Il attendait maintenant la réaction de leur interlocuteur aux requêtes.
Une étincelle amusée brillait dans les yeux de Burton alors qu’il écoutait la description du camp que lui peignait Kaylee. Il termina sa bière en portant un toast aux retraites spirituelle puis approuva d’un signe de tête le passage dans le vif du sujet.
« - Du matériel médical, des outils… c’est possible en effet. Mais un bloc opératoire complet, c’est déjà plus compliqué. »
Il réfléchit quelques secondes, pesant visiblement plusieurs options avant de reprendre.
« - Mais bon, il se trouve que je connais bien des gens qui connaissent des gens. Si je ne peux pas vous fournir une salle d’opération, je pourrai possiblement vous donner accès à une, en ville. Discrètement bien sûr, la nuit. En supposant que votre intervention ne prenne pas plus de quelques heures, évidemment. Et ça ne sera pas gratuit au fait. Il va falloir graisser des pâtes, arrondir des angles… enfin vous voyez le genre. »
Kaylee ne dit rien quand Archibald fit ses propres demandes pour des outils afin de l'aider dans les travaux qu'il avait entrepris. Elle savait qu'il avait été durement éprouvé par les événements d'Atlantis et de la Terre, mais le voir se désintéresser totalement des événements, des conséquences ou de ce qu'ils faisaient pour tenter de résister et reprendre leur planète était pour le moins perturbant. Il semblait désormais vouloir se concentrer uniquement sur le camp et rien d'autres. Elle ne pouvait cependant lui forcer la main et l'obliger à s'impliquer s'il ne le voulait pas, sans risquer de le voir s'éloigner et se renfermer à nouveau comme à leur retour. Mais peut-être qu'elle devrait le secouer un peu à un moment ou un autre.
Elle écouta ensuite la réponse de son interlocuteur. Elle n'était pas surprise qu'obtenir un bloc complet soit pour ainsi dire impossible. En revanche, l'alternative qu'il lui proposa lui convenait parfaitement. C'était justement ainsi une des options qu'elle considérait depuis le début, car cela lui semblait plus simple que de rassembler le matériel voulu. Mais les risques de se faire prendre étaient aussi plus grands.
« Un accès à un bloc opératoire serait l'idéal, c'est certain, même de nuit. Et l'opération ne devrait pas prendre plus de quelques heures. Le personnel n'est pas non plus un problème. Quelle garanties pouvez-nous nous offrir concernant la discrétion et l'absence de personnes sur les lieux ? Pour les fonds, je comprends. Nous en revenons donc au nerf de la guerre, l'argent. Combien tout cela va-t-il nous coûter et combien de temps vous faudra-t-il pour obtenir tout ce que nous voulons ? »fit-elle avec un grand sourire amical.
Elle ne savait pas de quelles sommes disposaient exactement de Bressignac. Elle ne doutait pas que leurs requêtes allaient représenter une coquette somme et elle ne pouvait s'empêcher de craindre que cela ne soit pas assez.
Archibald vit que leur interlocuteur pouvait leur fournir du matériel mais il tiqua sur le bloc opératoire. C'était logique, ce genre d'équipement ne courrait pas les rues et s'en procurait pourrait sembler louche.
Mais après réflexion il ouvrit la possibilité de les mettre en contact avec des gens qui auraient accès à une salle d'opération en ville. Archibald se crispa un peu, la ville n'était pas le meilleur lieu pour eux, sachant qu'ils étaient recherchés par les forces de Tonatiuh et possiblement ses alliés locaux.
Un autre soucis se présentait, ils allaient devoir payer pour ça, Archibald se demandait comment ils allaient pouvoir trouver l'argent, mais Charles avait peut-être des ressources cachées.
Kaylee menait bien la discussion, il se contenta d'appuyer ses propos et écouta la réponse de leur interlocuteur.
Même avec sa parole, le fait de payer ne leur assurait pas une totale discrétion, ils devraient faire particulièrement attention à ne pas se faire repérés et garder un plan de secours afin de surveiller la zone et pouvoir exfiltrer tout le monde en cas de pépin. Cette aventure risquait d'être plus complexe que prévu mais ils n'avaient pas vraiment le choix, ils avaient besoin de tout le monde au meilleur de leur forme.
Constatant que ces deux visiteurs ne rechignaient pas sa demande de paiement, Burton s’adossa un peu plus confortablement dans son siège et réfléchie a voix haute.
« - Ce n’est pas pour moi que je demande mais je vais devoir graisser des pattes. Ce n’est pas parce que nous savons à présent que nous ne sommes pas seul dans l’univers que l’argent et les paris n’ont plus cours, pas vrai ? »
La discussion dura quelques minutes, mais au final les demandes du contact de Charles n’avait rien de délirante. Un rendez vous fut donc fixé devant un Hopital d’Helena pour la soirée.