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Everybody hurts

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Zander était resté sur un petit nuage depuis leur retour triomphal d'Hébrida. Il n'avait jamais vraiment espéré pouvoir réaliser son rêve un jour, ou du moins pas aussi tôt, mais finalement il l'avait fait. Cela faisait cependant deux nuits, depuis leur départ de la station, qu'il ne dormait pas bien et son humeur commençait à s'assombrir doucement. Il n'avait pas besoin de chercher bien loin pourquoi.

Malgré la présence de Nadja, il ne pouvait pas s'empêcher de broyer du noir à cette période de l'année. Mais comme d'habitude, Prius l'avait appelé pour qu'il participe à la rotation annuelle des effectifs du Berger avec quelques opérations de ravitaillement en cours de route. Mais cela ne le dérangeait pas et il aimait bien ce genre de travail. C'était tranquille, à part quelques rares tracas avec les autorités ou des pirates.

Cette année, ils avaient rendez-vous avec le prêtre sur la station de Pholos, dans le système d'Hélicon, à deux jours de voyage du JPS. Maintenant que Nadja avait démontré qu'elle était parfaitement capable de suivre un itinéraire, il lui montra les procédures d'entrée et de sortie en hyperespace, le tout toujours sous la tutelle bienveillante de Stella qui lui donnait les explications plus techniques de manière simplifiée. Mais il était encore un peu trop tôt pour lui confier les procédures d'arrimage, raison pour laquelle il avait repris les commandes avant d'arriver.

Il descendit et repéra Prius qui les attendait sur le quai. Il s'avança vers lui avec un grand sourire.


« - Salut ! Ça va ? Tu sais que j'ai gagné la Grande Boucle ? lui lança-t-il. Tu y crois ? Moi, j'ai encore du mal…
- Oui, ça va. Je ne te retourne pas la question du coup. Et oui, la nouvelle est arrivée jusqu'ici, il y a quelques jours. Fini l'anonymat et à toi les joies de la célébrité.
- Oui, ça c'est bien le seul truc dont je me serais passé. Tous les membres de la gent féminine ont soudain eu l'air de se rappeler de mon existence et du fait que j'étais très… attirant et que je ferai probablement un joli trophée à ajouter à leur collection. dit-il en soupirant. Bon, c'est pas tout ça, mais je dois aller m'occuper des deux ou trois détails administratifs habituels.
- Tiens, prend ça alors, tu en auras besoin. Ce sont les contrats. fit-il en lui tendit une tablette pour y transférer le nécessaire.
-J'en ai pas pour longtemps, dit-il à Nadja avant de l'embrasser et de s'éloigner vers le local administratif. »


Prius se retourna vers la militaire avec un sourire avant de lui faire une accolade.

« Bonjour. Comment allez-vous ? Vous êtes prête pour ce qui va suivre ? Et il a l'air d'aller plutôt bien. Cette victoire inopinée ne pouvait pas mieux tomber. Ça doit grandement améliorer son humeur. Et nous allons en avoir besoin. » fit-il.

[HRP : Everybody hurts de R.E.M, version The Corrs Unplugged]

Dernière édition par Zander Hayes le Mer 2 Jan 2019 - 1:52, édité 1 fois

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Cette fois ils y étaient ! Nadja ne pouvait empêcher son estomac de se tordre en songeant à ce qui allait suivre. Le pire était l’humeur joyeuse de Zander qui depuis sa victoire à la Grande Course vivait sur un petit nuage. Elle adorait le voir ainsi et avait de plus en plus l’impression de s’apprêter à lui planter un poignard dans le dos.

Pour couronner le tout, et sans doute à cause de ça, elle faisait de plus en plus de cauchemars qui la laissait transie de terreur au petit matin sans qu’elle puisse se souvenir des images que son cerveau stressé avait pu imaginer.

Mais le sergent chef Cook n’était pas du genre à reculer devant les obstacles que la vie lui envoyait en travers de la figure au rythme d’une mitrailleuse lourde. Elle avait traité cette tache comme une mission de combat, étudiant les plans du site que lui avait fait parvenir Prius en les considérant comme un bâtiment à investir. Elle avait mémorisé la disposition de chaque étages, les issues, les points aisément défendables et la localisation de ce fichu cimetière, bien trop exposé à son goût.

Elle avait également étudié la station Pholos et conclu que si celle ci était plus ou moins policée, porter une arme ne ferait guère de mal. L’endroit n’était pas franchement louche mais ça n’était pas non plus le JPS. Elle débarqua donc, en civil un holster d’épaule vaguement dissimulé sous sa veste. Le message était à ses yeux très clair : « je ne cherche pas la bagarre mais je répondrais si tu me cherche ».

Prius les attendait sur le dock d’amarrage et elle lui sourit franchement.

« - Ça va, répondit-elle une fois Zander éloigné. Mais je crois que même lors de mon premier rendez vous, j’étais pas aussi stressée. Et non je suis pas prête. Je le serai jamais. Alors autant se la jouer pansement qu’on arrache. Merci pour les informations que vous m’avez envoyé. Vos Gris savent ce qu’ils font, c’est rassurant. »

Inutile de lui dire qu’elle avait briffé Stella auparavant et qu’une partie de ses armes étaient prête à se faire téléporter si elle en faisait la demande.

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Prius n'était pas vraiment plus prêt que Nadja et il redoutait les conséquences à long terme pour tous les trois de ce qu'ils s'apprêtaient à faire. L'idée de voir Zander à nouveau s'autodétruire l'inquiétait au plus au point. Et cette fois-ci, il ne pourrait probablement rien faire pour lui, car le pilote ne lui ferait plus confiance et ne le laisserait pas s'approcher. Il n'était même pas certain que quiconque arrive à le sortir du trou dans lequel il risquait de tomber. Mais il devait cependant croire que c'était possible et que la présence de la militaire limiterait les dégâts. Il sourit doucement à Nadja, des années de pratique lui permettant de pas laisser paraître ses propres doutes.

« De rien. Je suis content que ces informations vous aient rassurée. »

Il était cependant convaincu qu'elle avait mis en place un arsenal impressionnant de mesures de sécurité de son côté pour parer à toutes les éventualités, y compris une attaque spatiale de grande envergure contre la planète.

« Mieux vaudrait que nous ne soyons plus arrimés à la station avant d'ouvrir les hostilités. Moins il a de possibilités de se défiler, mieux se sera. Puis vous pouvez toujours prendre les commandes, il me semble ? Une fois en vol, nous pourrons tout de même aller nous mettre en orbite autour d'Harlan, indépendamment de sa réponse lorsque nous lui aurons annoncé nos intentions. »

Une partie du chargement était de toute façon destinée au monastère des Bergers et au Gris. Ils devaient donc s'y rendre. Mais cela, Zander ne le savait pas. Pas encore.

« Allons à bord, voulez-vous ? » dit-il en prenant ses affaires.

*****

Trois heures plus tard, Zander quittait la station dans les temps, sa première cargaison chargée. Il devait cependant aller demander à Prius où ils se rendaient, car la destination n'était pas précisé. Il s'agissait d'une requête de dernière minute pour une livraison urgente et Stella se trouvait être le vaisseau affrété par le Berger le plus proche.

Quand il entra dans la pièce commune, son instinct se mit à lui hurler "danger" pour une raison inconnu, mais il l'ignora. L'ambiance qui aurait dû être relax et bonne enfant était au contraire tendue et ces deux interlocuteurs semblaient curieusement marcher sur des œufs. Quelque chose clochait.

« Alors, où est-ce que nous allons ? » demanda-t-il, un sourire aux lèvres, mais sur ses gardes.

Prius vit son ami entrer. Celui-ci avait accepté sans hésiter le changement d'itinéraire de dernière minute, car il lui faisait confiance. Et il s'apprêtait à faire voler tout cela en éclat.


« Harlan. » répondit-il simplement.

Il savait qu'il n'avait besoin d'en dire plus et que de toute façon, il n'en aurait pas le temps. Et effectivement, la réponse fusa instantanément, comme l'attitude du pilote qui changea du tout au tout.

« Non. » rétorqua Zander sur un ton catégorique, peu lui important que la livraison soit ou non vitale.

Il s'était figé et raidit en entendant le nom. Voilà qui expliquait cette ambiance. Il les regarda à tour de rôle, un air incrédule sur le visage, qui fit soudain place à un sentiment profond de trahison. Tous les deux savaient pourtant ce que cette planète représentait pour lui et malgré tout, ce prêtre qui se prétendait son ami, avait accepté la requête ? Et Nadja avait suivi ? Elle était censée le protéger et ne pas le laisser tomber et pourtant elle avait aussi accepté ? ll n'arrivait pas à le croire. Cela le blessait.

Il fit demi-tour, se sentant soudain pris au piège et ayant envie d'être ailleurs. Mais il ne pouvait aller nulle part. Il était coincé à bord avec eux pour l'instant, jusqu'à ce qu'il les débarque. Ou que lui débarque. Il sentit une colère noire l'envahir. Peut-être pouvait-il faire demi-tour et les larguer sur la station et partir très loin d'ici sans jamais y revenir… Après tout, les coordonnées de leur destination n'étaient pas encore entrées. Mais vu ce qui venait d'arriver, qui lui disait que Stella était toujours fiable et qu'elle n'allait pas elle aussi se retourner contre lui pour une obscure raison ? En cet instant précis, il doutait pouvoir faire confiance à quiconque sur le vaisseau. Mais où aller ? À part s'enfermer dans les quartiers restants, il ne voyait pas de solution...

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Prius était aussi nerveux et mal à l’aise qu’elle. Pour à peu près les mêmes raisons qu’elle d’ailleurs, ce qui était vaguement perturbant, mais ça n’était pas le moment d’être jalouse.
Elle ne put s’empêcher de glousser quand il lui demanda si elle était capable de prendre les commandes.

« - Pas vraiment non. J’ai quelques bases, mais à part voler en ligne droite, je sais pas faire grand-chose. »

Elle pourrait peut-être réussir une insertion en orbite avec l’aide de Stella mais ça n’était même pas certain. Alors se poser, inutile d’y penser. Espérons qu’il n’ait pas à en arriver là. Mais en attendant, ils devaient commencer par annoncer la « nouvelle » et il y allait avoir du sport.

« - J’espère que vous ne ronflez pas, au fait, parce que j'ai une bonne chance de dormir sur le canapé ce soir. »

Quand Zander revint, il leur demanda la destination de leur livraison le sourire aux lèvres, mais il était déjà sur ses gardes. Prius la devança et la réaction fusa instantanément. Le regard qu’il lui lança fut pire qu’une paire de claque et elle se fit violence pour rester à peu près de marbre.

« - Si ! Assieds-toi s’il te plait et écoute-nous. Nous savons que ça te parait impossible d’y aller. Cette histoire te mine, te détruit, par petit bout. Ça fait un an que je vis avec toi et j’en vois des traces régulièrement. Il faut que tu fasses la paix avec ton passé, aussi douloureux soit-il. »

Elle avait abandonné le « nous » très vite, inconsciemment.

« - J’ai rendu fou Prius à vérifier et revérifier la sécurité locale. Maintenant, nous n’allons pas t’y emmener pied et poing liés non plus. Si tu souhaites rester terré ici, cela te regarde. Dans ce cas, c’est moi qui irait présenter tes respects sur la tombe de ton ex. »

Il allait très probablement l’envoyer paître. Mais ça le ferait aussi, avec un peu de chance, réfléchir. Elle pouvait montrer la porte en lui botter les fesses, mais le pas final devait venir de lui.


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Zander se retourna, raide et sur la défensive, les yeux brillants d'une colère à peine voilée. Il refusa de venir s'asseoir et resta debout dans l'encadrement de la "porte".

« - Non, je n'y retournerai pas. S'il y a une livraison à faire, enfin si elle existe vraiment, vous n'avez pas besoin de moi pour y aller. Je peux très bien rester sur Pholos et vous y attendre, rétorqua-t-il.
- Elle est bien réelle. Nous avons ouvert un deuxième monastère récemment et il a besoin de matériel, précisa Prius pour la forme. »


Aucun d'eux ne pouvait comprendre pourquoi il ne voulait pas y remettre les pieds. Il ne voyait pas à quoi cela servirait et cela ne changerait rien à la réalité non plus. Cela ne ferait que l'on replonger dans des souffrances dont il ne voulait pas.

« Et je ne vois pas de quoi tu parles. » fit-il à Nadja.

Cela faisait des mois qu'il n'avait plus de cauchemars sur le sujet et qu'il avait enfin l'impression d'avoir mis tout ça derrière lui. Et eux voulaient le faire replonger. Retourner sur Harlan signifiait faire voler en éclats l'équilibre qu'il avait enfin trouvé. Et il doutait être capable de s'en remettre une deuxième fois et de tout reconstruire encore une fois.


« Ça, c'est sûr que tu peux rendre fou n'importe qui. Et pourquoi irais-tu donc honorer la mémoire d'une parfaite inconnue ? Elle est morte et enterrée, rien ne changera ça. » ajouta-t-il avec un regard assassin.

Il regarda Prius d'un œil mauvais, mais le prêtre resta impassible, l'ignorant même. Il avait l'habitude de ce genre de joutes verbales avec son ami.


« - Et toi ? Tu n'as rien à dire ? lui lança-t-il.
- Pourquoi me fatiguerais-je à te répéter ce que je t'ai déjà dit plusieurs et me faire ensuite insulter ? Tu sais que c'est quelque chose qu'il te faudra faire tôt ou tard. Alors, je te dirais juste ceci, que tu exècres : acceptes ce qu'on t'offre, et laisse-nous t'aider à lui dire au revoir comme il faut, lui répondit Prius, imperturbable. »


La seule réponse qu'il obtient fut un ricanement de Zander qui partit s'enfermer dans les quartiers restants.

« Quelque chose me dit que vous allez effectivement passer la nuit seule et j'en suis navré, mais il va falloir le laisser méditer tout ça. Heureusement, chacun de nous peut bénéficier de quartiers individuels et n'aura à dormir sur le canapé. Vous n'aurez pas à supporter mes ronflements. À moins que vous y teniez. » fit-il avec un petit sourire.

Pour autant, tout ne s'était pas si mal déroulé et la réaction de Zander avait plutôt été mesurée par rapport à ce qu'il attendait. Il se savait pas s'il devait s'en réjouir ou non.

« Je vais dire quelque chose qui peut paraître étrange, mais cela c'est relativement bien passé. Bien mieux que je ne le pensais en tout cas. Pas de crise d'angoisse, pas de hurlements, pas de violence et il ne nous a pas planté là pour aller se murer dans le silence quelque part. Et il n'a fait qui nous empêche de poursuivre. Pour l'instant en tout cas. Il a écouté et en dépit de son attitude infecte, il a répondu. » soupira-t-il.

Il lui aurait d'ailleurs volontiers infligé une bonne correction pour ses réponses à Nadja. Il avait prévenu la militaire de ce qui pouvait arriver, mais il ne pouvait s'empêcher de se demander comment elle allait encaisser tout ça et les effets que cela aurait sur leur relation.


« Ne prenez pas ses propos personnellement. Il est passé en mode... rebelle et ses réponses peuvent être franchement... désagréables. C'est de la provocation. Vous ne devez pas réagir. Même s'il mériterait une bonne paire de claques, je vous l'accorde. Ça ne les rend pas moins douloureux pour autant... Mais vous risquez d'en voir d'autres dans les semaines à venir. » fit-il doucement.

Stella intervint à ce moment-là.


« Je me dois de vous signaler deux choses concernant Harlan. Mes instructions sur le sujet sont de ne jamais ramener là-bas Zander. "Là-bas" étant un terme plutôt vague, il laisse place à l'interprétation. En revanche, je ne peux pas m'y rendre directement en hyperespace. Les coordonnées du système figurent parmi celles qui sont interdites. Je peux aller jusqu'à la bordure la plus proche de la planète, mais le reste du vol devra être effectué manuellement. Je peux m'occuper du reste des manœuvres, à condition qu'une personne autorisée soit assise derrière les commandes pour les approuver. Si tant est que Zander n'intervienne pas d'une manière ou d'une autre pour vous empêcher d'agir. » expliqua-t-elle.

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Se faire insulter, l’ex marine avait l’habitude. Tout comme des discussions houleuses ou les noms d’oiseaux volaient bas. Mais jamais elle n’avait eu à le faire avec un proche ou un membre de sa famille.

Et ça faisait vraiment mal !

« - Parce qu’elle a été importante pour toi et que c’est que les gens civilisés font, plutôt que se planter la tête dans le sable, gronda-t-elle en réponse. »

Elle le regarda ensuite partir et réussit à cacher son désarroi jusqu’à ce qu’il ferme… non claque la porte. Nadja se prit alors la tête dans les mains et respira profondément à plusieurs reprises pour calmer les tremblements de ses mains.

« - Je suis ravie qu’il vous ait paru calme… je n’ai pas votre patience ni votre tempérament. Je grince déjà des dents en temps normal quand il s’apitoie sur son sort, alors ce genre de comportement, je ne suis pas sûre de le supporter longtemps sans lui dire exactement ce que j’en pense. »

La psychologie et le tact n’avait jamais été son fort et ça n’était pas maintenant qu’elle allait s’y mettre.
Stella leur donna ensuite des précisions sur la fin de leur voyage.

« - Je suis toujours autorisée ? Je suppose que j’arriverais à nous y emmener mais il faudra que tu m’aide pour l’insertion orbitale par contre. Je n’ai pas une envie délirante de nous transformer en boule de feu. »

Le reste de l’après-midi fut morne et le repas, pris seulement en compagnie du prêtre, encore plus. IL essaya de la distraire avec quelques anecdotes plus ou moins croustillantes et elle fit de même mais le cœur n’y était pas vraiment. Ils allèrent ensuite se coucher dans leurs cabines respectives. Nadja était à peu près certaine qu’elle ne trouverait pas le sommeil et elle se mit à dessiner tout ce qui lui passait par la tête en mode plus ou moins automatique.

C’est son propre hurlement qui la réveilla et elle eut à peine le temps de se ruer vers les toilettes pour vomir quelques restes de repas et une bonne dose de sang. Voilà ce qu’on gagne a se faire trop de soucis, songea-t-elle en essayant de retrouver un peu de dignité.

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Prius regarda Nadja et posa une main réconfortante sur son bras. Il n'aimait pas la voir comme ça, surtout que la suite risquait ne pas être plus facile.

« Vous avez très bien réagi. Il était primordial que cette première discussion ne tourne pas à l'affrontement pour ne pas qu'il se braque complètement. Sinon, ce que nous tentons de faire aurait été voué à l'échec. Vous le connaissez aussi bien que moi, il faut parfois le bousculer un peu pour l'obliger à réfléchir. Mais si vous y allez trop fort, vous obtenez le résultat inverse. » commença-t-il.

« Et n'hésitez pas à lui dire ce que vous ressentez à votre manière pour le secouer. Contrairement à vous, je ne peux pas le faire, mon rôle de Berger me l'interdit. Et ce n'est pas facile de rester neutre et calme et de ne rien montrer de ce que je ressens dans ce genre de situation conflictuelle. Mais c'est essentiel. » lui expliqua-t-il.

Il secoua la tête.


« Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il était calme, mais il se contrôlait. Il y a quelques années, le simple fait d'évoquer Harlan déclenchait des crises d'angoisse que seul un sédatif pouvait calmer. Alors le voir échanger, même en étant franchement hostile, au lieu de fuir directement ou taper dans un mur, c'est un progrès. Il faut savoir aussi voir le positif dans son comportement. Il a vraiment beaucoup évolué sur le sujet. » dit-il en sortant d'une de ses poches un injecteur qu'il avait préparé au cas où.

Il réfléchit à la déclaration de Stella qui avait entraîné la surprise de Nadja, tant cela paraissait contradictoire avec l'attitude du pilote.

« Et il ne vous les enlèvera pas. À cause de la cargaison. Votre mari est un professionnel, un très bon, sous contrat et il a aussi une conscience. S'il n'effectue pas la livraison, ce sera mauvais pour lui et il encoure des sanctions. Il sait aussi ce que contiennent les caisses qu'il transporte et que ceux à qui elles sont destinées en ont besoin. Il ne veut peut-être pas aller sur Harlan, mais il n'a pas le choix. Alors il nous laisse nous charger d'arriver à bon port. » finit-il.

Le reste de la journée se passa lentement et dans une ambiance tendue et maussade. Zander ne réapparut pas, ce qui ne le surprit pas outre mesure. Mais il s'inquiétait aussi bien pour le pilote que pour Nadja. Bien sûr, il ne pouvait pas le montrer ouvertement et ne pouvait qu'essayer de la distraire et de lui offrir une épaule compatissante. En somme, faire ce qu'il faisait de mieux : être un îlot de calme au milieu du tumulte.

Après 7 heures en hyperespace, Nadja dut prendre les commandes pendant 3 bonnes heures pour rejoindre Harlan. Il lui tint compagnie sur la passerelle, jouant les copilotes comme il le faisait parfois avec Zander. Il maudissait silencieusement ce dernier pour rester dans ses quartiers, alors que c'est lui qui aurait dû être là. Puis vint la phase d'atterrissage. Stella fit le gros du travail, Nadja ne devant s'assurer que de maintenir la trajectoire. Le tout se passa sans encombre.


« Vous avez fait du très bon boulot. Et vous verrez, tout va bien se passer. » fit-il en souriant avant qu'elle se retirait dans ses quartiers. Il resta quelques secondes devant ses quartiers hésitant à aller voir le pilote, puis se retint et rentra dans ses quartiers.

« - Stella, rassure-moi, il est toujours vivant ?
- Oui, mais ses constantes sont un peu élevées.
- Ça ne m'étonne pas. Tu me préviendras s'il y a quoi que ce soit ?
- Bien sûr.
- Merci. »


************

Zander s'était enfermé dans les quartiers restants et bataillait avec lui-même. Ayant accepté le contrat, il ne pouvait pas refuser d'effectuer la livraison sans en subir les conséquences. Mais il avait l'impression d'avoir été piégé par Prius. Cela ne le surprenait pas trop venant du prêtre, mais que Nadja ait approuvé... Eh bien qu'ils se débrouillent seuls avec la livraison.

Mais il avait aussi la nette impression de se tenir au bord du gouffre dans lequel il était tombé bien des années plus tôt et duquel il avait eu du mal à se sortir. Il se sentait sur le point d'y basculer à nouveau, en dépit de ses efforts. Alors, il fit ce qu'Ethan lui avait appris après avoir demandé à Stella de mettre un fond sonore de roulement de vague.

Il sentit les changements dans les vibrations et les bruits du moteur, ce qui lui tira un petit sourire en même temps que cela faisait monter son angoisse d'un cran. Inexorablement, il se rapprochait de son enfer personnel...

Il finit par s'endormir, roulé en boule, se réveillant à chaque transition de Stella, mais il avait de plus en plus de mal à rester calme au fur et à mesure où ils approchaient de leur destination. Il se réveilla en sursaut, encore une fois en proie à son cauchemar où il revivait l'exécution de Leïla. Pourtant, il avait l'impression d'avoir entendu un cri qui ne faisait pas partie du rêve. Il se leva et réalisa que le vaisseau était immobile.


« - Stella ? Où sommes-nous ? demanda-t-il, soudain agité.
- Sur Harlan, dans le complexe principal du Gris. Je suis posée sur l'aire d’atterrissage secondaire, derrière le cimetière. Il est 3 heures du matin pour ta gouverne et il pleut des trombes d'eau dehors.
- Si je te demande de me téléporter ailleurs, tu me réponds quoi ?
- Que tu as une livraison à effectuer et que c'est ta responsabilité. Personne d'autre ne peut le faire à ta place, mais tu vas devoir attendre quelques heures. »

Il sortit dans le couloir désert et descendit dans la cale. Il avait l'estomac noué lorsqu'il ouvrit la rampe. Pour pleuvoir, il pleuvait. Il regarda les alentours, plongés dans la pénombre, même si quelques réverbères éclairaient le chemin. Il resta planter là, se demandant ce qu'il allait faire. Il pourrait fuir, comme son instinct le lui recommandait. Il n'avait qu'à traverser le cimetière et rejoindre le terminal le plus proche. Il avait de l'argent, ce n'était pas un problème. Il pouvait disparaître et refaire sa vie ailleurs, dans un endroit où personne ne viendrait le chercher ou ne l'interrogerait sur son passé...

Son regard fut attiré par un arbre abritant une pierre tombale isolée. Il sut instantanément que c'était la sienne. Leïla avait toujours adoré cet endroit. Sans s'en rendre compte, il sortit sous la pluie battante, comme hypnotisé. Il était irrésistiblement attiré, quand bien même il savait exactement ce qu'il allait y trouver et son esprit qui hurlait et ruait dans les brancards.

Arrivé devant la tombe, il s'immobilisa, soudain tétanisé. Voir la tombe pour la première fois, et surtout son nom gravé sur la pierre, lui causa un choc violent et fit ressurgir tout ce qu'il avait enfoui depuis dix ans remonter à la surface. Il se sentit  basculer dans un abîme sans fond et tomba à genoux, incapable de respirer.

*****

À bord, Stella avait prévenu Prius que Zander avait quitté sa cabine et était descendu dans la cale. Alors qu’il l’observait à distance, il le vit quitter le vaisseau et s'imagina tout de suite que son ami avait décidé de leur faire faux bond, mais Stella lui annonça qu'il se dirigerait vers la tombe. Il ne s'attendait pas du tout à ce que le pilote agisse de la sorte à peine arrivé et y aille seul, et il redoutait les conséquences. Mais désormais, le processus était lancé et il était impossible de revenir en arrière. Il alla frappa à la porte de leur cabine.


« - Nadja ? Il a besoin de vous. Maintenant. » fit-il.

Stella prit quelques secondes pour l'informer des conditions climatiques, sans savoir si la militaire en tiendrait compte ou non.

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Ah elle avait fière allure la marine !

Dire que quelques heures plus tôt, elle avait posé Stella sans transpirer plus que de raison. Bon l’IA avait fait la plus grande partie du travail mais sur le moment, elle avait été plutôt fière d’elle. Pour un peu elle en aurait oublié la raison de leur présence ici.

Mais maintenant, au milieu de la nuit, elle contemplait son reflet dans le miroir et n’y voyait qu’un cadavre ambulant. C’était son troisième cauchemar en moins d’une semaine, mais le plus violent. Sans doute à cause du stress de la journée.

Ça irait mieux quand cette histoire serait derrière eux et qu’ils pourraient tous regarder vers le futur. Enfin s’il arrivait à lui pardonner.

Les jambes encore flageolantes elle revenait vers le lit lorsque Prius frappa à sa porte pour lui annoncer le début des hostilités. Il avait choisi son moment le bougre !
« - J’arrive. »

Par chance, elle s’était endormie à moitié habillée et elle n’eut essentiellement qu’a passer ses bottes et un t-shirt. Sa veste était restée dans le salon et elle la passa sans s’arrêter de courir pour se diriger vers la cale, ouverte sur l’extérieur. Stella afficha sur un moniteur le court chemin à parcourir et elle s’élança sans réellement prendre garde à la pluie.
Il était près d’une tombe, la tombe, celle sur laquelle ils le poussaient à venir se recueillir depuis des mois. Il y était venu seul, de nuit, dans les pires conditions climatiques possible. C’était complètement typique de lui mais aussi particulièrement stupide. Il allait falloir faire avec !

Elle ne savait jamais quoi dire dans ces situations, terrifié de faire plus de mal que de bien. Elle aurait peut-être trouvé si on lui en avait laissé le temps mais là, elle termina sa course en dérapant derrière Zander et se serra contre lui, le couvant quasiment de son immense carcasse.

S’il ne la repoussait pas, elle resterait avec lui le temps qu’il faudrait avant de l’aider à rentrer, quitte à le porter s’il le fallait.

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Prius regarda Nadja sortir en trombe et fronça les sourcils. Elle avait une sale tête. Visiblement, il allait aussi devoir la surveiller, mais cela n'avait rien d'étonnant. Les Bergers avaient l'habitude de s'occuper de la "famille" dans son ensemble, car il n'y avait pas que le malade qui souffrait, mais aussi ceux qui l'accompagnaient aussi, peu importe leurs liens avec le patient. Et il était important que eux aillent bien pour soutenir le malade sur le chemin de la guérison. En attendant, il avait deux trois dispositions à prendre.

******

Zander était totalement figé, les yeux rivés sur la tombe. Il luttait pour garder pied et ne pas sombrer Il sentit soudain quelqu'un le prendre dans ses bras. Il savait de qui il s'agissait. En dépit de son attitude plus tôt, elle était quand même venue. Il aurait aimer s'excuser ou simplement dire quelque chose, mais il en était incapable, les mots s'étranglant dans sa gorge, alors il se contenta de s'appuyer contre elle pour bénéficier de sa chaleur et de sa protection, se raccrochant à sa présence pour ne pas sombrer complètement.

*****

Le prêtre observait d'un œil légèrement inquiet les constantes vitales de Zander qui continuaient à se dégrader. Il avait espéré que la présence de Nadja le calmerait, mais il n'en était rien.


« Nadja, ramenez-le. Il est en état de choc, il n'y a rien à faire pour l'instant à part essayer de le calmer. Tout ce que vous allez gagner tous les deux à rester dehors comme ça, c'est tomber malade. Nous l'accompagnerons à nouveau demain dans de meilleures conditions. » lui dit-il à la radio.

Enfin, si l'intéressé le voulait et s'il en était capable, car rien n'était moins sûr. Il les attendit dans la cale avec des serviettes et des couvertures.


« J'ai prévenu le Gris. Ils nous ouvriront si nous voulons rejoindre le bâtiment, mais vu les trombes d'eau qui tombent et qu'il fait nuit, mieux vaudrait attendre que ça calme un peu. Ou nous pouvons aller au monastère. C'est plus calme et plus neutre comme terrain. » lui annonça-t-il quand elle fut de nouveau à bord.

Et la vie du pilote n'était pas en danger, sauf à prendre froid. Il ne serait pas surpris qu'il ait de la fièvre demain matin. Il était tout aussi vulnérable physiquement que psychologiquement à l'heure actuelle.


« C'est un très léger sédatif. Ses constantes vitales ne sont pas bonnes et c'est nécessaire pour le ramener parmi nous. » expliqua-t-il à Nadja tout en faisant l'injection à son ami, après l'avoir aidé à amener Zander dans leurs quartiers.

Il sentit le pilote se détendre sous l'effet du produit et Stella lui confirma trente secondes plus tard que ses constantes commençaient à se stabiliser.


« Et vous ? Comment allez-vous ? Sans vouloir vous vexer, vous avez un tête à faire peur. Je peux aussi vous donner quelque chose de léger qui vous aidera à vous détendre sans pour autant vous faire dormir. » lui demanda-t-il.

Il se leva et déposa un autre injecteur sur la table de nuit.


« Vous allez devoir veiller sur lui cette nuit. Je vous laisse ça, au cas où il se retrouverait à nouveau dans cet état. N'hésitez pas à vous en servir. C'est toujours préférable à une crise de panique. Et appelez-moi en cas de problème, que ce soit pour lui ou pour vous. » ajouta-t-il en sortant.

**************

Zander se réveilla en sursaut un peu plus tard, désorienté. Il lui fallut quelques secondes pour réaliser qu'il était dans son lit et sentir le bras autour de sa taille. Il se rappela aussi de ce qu'il s'était passé. Il se roula en boule et se mit à trembler au souvenir de la pierre tombale qui rendait tous ses cauchemars bien trop réels.

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Elle avait craint un moment qu’il n’essaie de la repousser, mais se fut heureusement l’inverse. Zander serra contre elle et elle l’enlaça pour constituer une coque protectrice inviolable autour du pilote.

Finalement, Prius l’informa qu’ils se rapprochaient dangereusement de la pneumonie et qu’il fallait rentrer. Elle souleva littéralement le pilote dans ses bras et rentra au petit trot et le déposa dans leur chambre.

« - Je crois qu’il vaut mieux qu’il se réveille dans un endroit familier tout à l’heure, expliqua-t-elle en se dirigeant vers la douche. On l’a assez secoué comme ça pour aujourd’hui, vous en croyez pas ? »

Trente secondes sous l’eau brulante lui firent un bien fou et elle ressortie enveloppée dans un peignoir douillet pour voir le prêtre terminer une injection de sédatif à son mari. Elle s’assit sur le bord du lit et lui caressa doucement le visage. A sa grande surprise, Prius lui demanda comment elle allait et elle tenta de lui sourire… avec un résultat qui tenait plus de la grimace qu’autre chose.

« - Je crois que je ne gère pas très bien le stress affectif. Vous en faites pas, il en faut plus que ça pour abattre une Cook. »

Elle refusa poliment la proposition de calmant, préférant être parfaitement lucide pour le reste de la nuit. Elle pourrait toujours en venir aux stims demain matin, au besoin.
Une fois seuls, Nadja s’allongea près de son mari et repris sa position ultra protectrice, collée à lui. Le sommeil la prit par surprise et elle sombra dans le noir sans même s’en apercevoir.
Le repos fut néanmoins de courte durée et le sursaut du pilote la réveilla. Elle senti immédiatement sa détresse et elle renforcé sa prise sur lui.

« - Shhhh. Je suis là, laisse-toi aller, tout va bien maintenant… »

Elle s’avançait sans doute un peu, mais de son point de vue, le plus dur était fait.

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Zander se blottit contre Nadja. Non, tout n'allait pas bien et tout n'irait pas bien tant qu'il serait sur cette planète. Et il était hors de question qu'il se laisse aller. Qu'est-ce que cela pourrait donc bien lui apporter à part le faire se sentir encore plus misérable qu'il ne l'état ? Non, toute cette histoire allait retourner dans sa boîte. Mais il ne dit rien et se contenta de rester en boule, acceptant l'étreinte offerte, car c'était la seule chose qui l'empêchait de basculer complètement. Demain, il mettrait fin à tout ce cirque. Il ferait ce pourquoi ils étaient venus et ensuite, au revoir.

Il finit par se lever trois heures plus tard, épuisé et à cran. Il récupéra des vêtements propres et s'habilla avant de s'éclipser silencieusement. Il s'arrêta brièvement dans l'espace commun, le temps de se servir un café et de prendre de quoi manger. Il n'avait rien avalé depuis la veille et il commençait à le sentir. Puis il alla s'enfermer sur la passerelle pour organiser la livraison qui attendait dans la soute. Plus vite il s'en occuperait, plus vite il pourrait quitter cet endroit maudit. À moins que les deux autres aient d'autres plans et décident de l'en empêcher. Mais il pouvait toujours les débarquer et les laisser se débrouiller seuls pour rentrer s'ils n'étaient pas d'accord. Ou s'enfermer sur la passerelle et aller les larguer sur Pholos ou le JPS puis partir sans se retourner.

*********

Prius vit le pilote sortir de la passerelle et décida d'engager la conversation pour déterminer son humeur. Il en fut presque instantanément pour ses frais.


« - Bonjour ! com... commença-t-il.
- J'ai du travail. »
l'interrompit brusquement l'autre sans s'arrêter et sans un regard pour le prêtre qui sentit son hostilité, même à distance.

Il l'avait déjà vu comme ça. Cela le ramenait 10 ans en arrière, lorsqu'il l'avait rencontré pour la première fois : toujours sur ses gardes, fermé et inatteignable derrière sa carapace. En fait, il adoptait la seule attitude qu'il connaissait pour affronter la situation.

« Oh mon ami, tu ne sais vraiment pas comment gérer ta douleur... Alors, tu t'engages sur la mauvaise voie, encore une fois... Il va vraiment falloir qu'on te secoue pour t'empêcher de replonger et de faire une bêtise. » fit-il pour lui-même.

Il descendit dans la soute et s'installa dans un coin pour observer son ami. Il n'aima pas du tout ce qu'il vit. Cela confirmait son impression précédente. En dépit de son sourire et de son professionnalisme, le pilote restait à distance de la rampe et des membres du Gris tout en faisant en sorte de toujours les avoir tous dans son champ de vision, comme s'il redoutait un mauvais coup de leur part. Il ne pouvait pas tout à fait le blâmer pour son attitude vu ce qu'ils lui avaient fait, mais cela n'avait rien de rassurant pour la suite.

Il vit un Gris d'un certain âge s'approcher et lui sourit.


« - Bonjour, maître Prius.
- Bonjour, Gaius.
- Le doyen vous fait savoir que la salle du souvenir a été préparée et que vous pourrez y emmener maître Hayes quand vous le voulez. Il sera là pour l'accueillir.
- Remerciez-le de ma part. Et dite-lui qu'il n'est pas obligé de s'en charger lui-même.
- Je lui transmettrai votre message.
- Merci. Je tâcherais de l'avertir un peu avant.
- Il vous en serait gré. Mais si je puis me le permettre, votre protégé n'a pas l'air d'être prêt à vouloir quitter son vaisseau.
- Non, en effet. Mais nous y travaillons fit-il avant de le regarder s'éloigner, sous l’œil noir et inquisiteur de Zander. »

Il se contenta de hausser les épaules. Il n'y avait rien d'anormal à ce que des Gris viennent le saluer, étant donné qu'il était un visiteur régulier. Il lui fallait un moyen de le secouer, eh bien, on venait de lui apporter sur un plateau d'argent. Restait juste à trouver comment faire descendre leur pilote récalcitrant pour l'emmener là-bas.

***********

Une fois la dernière caisse sortie, Zander s'assit sur le bord de la rampe, tournant le dos à quiconque se trouvait à l'intérieur. Il regarda les employés emmener les caisses vers l'un des entrepôts. Il n'avait pas envie de remonter, mais il le faudrait bien, ne serait-ce que pour prendre une douche et s'occuper des procédures de départ. Il ne sentait pas non plus vraiment dans son assiette, mais vu sa nuit, il n'y avait rien de surprenant à cela.

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S’il y avait bien une chose qu’avait appris Zander durant cette année de vie commune, s’était s’éclipser discrètement de la chambre sans la réveiller. En se réveillant, Nadja constata plusieurs choses. Elle était donc seule, elle avait un groupe de métal qui jouait à plein poumon au fond de son crâne et la dominante de son haleine était un gout de sang séché particulièrement désagréable.

La douche brûlante fit disparaître une partie de son malaise et elle en se rendit compte qu’en s’habillant qu’elle avait dormi quasiment huit heures. Au moins, aucun cauchemar ne l’avait réveillée en sursaut cette fois. A se demander qui de Zander ou d’elle avait réconforté l’autre cette nuit.

Elle sortit se préparer un café et découvrit qu’une bonne âme y avait déjà veillée. Quelque chose lui disait qu’il ne s’agissait pas de son mari, malheureusement. Celui-ci n’était nulle part en vue mais Prius apparu alors qu’elle se servait un généreux mug.

« - Bonjour et merci. Je suppose que c’est a vous que je dois cette attention.
- De rien, je commençais à m’inquiéter de ne pas vous voir vous lever.
- Ca me surprend un peu aussi. Comment va Zander ? »


A la moue qu’il lui renvoya, elle comprit que la matinée n’avait pas du bien se passer. Il lui indiqua la cale et elle se mit en route, café en main. Il était installé sur la rampe d’accès, les yeux dans le vague. En train de surveiller la fin du déchargement.

Sans un mot elle alla s’installer près de lui et lui tendit le second mug qu’elle avait préparé, espérant qu’il ne le lui jetterai pas à la figure.

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Zander prit la tasse de café que Nadja lui tendait et continua à observer silencieusement la procession de caisses et de membres du Gris. Il n'était pas d'humeur bavarde, mais s'occuper de la livraison lui avait permis de se changer un peu les idées. Il essayait d'éviter de regarder la tombe de Leïla, mais son regard semblait invariablement attiré dans cette direction.

« Je veux rentrer à la maison. » finit-il par dire doucement, d'une voix neutre, sans rien ajouter de plus, ne voulant pas vraiment discuter de la situation.

« Je vais prendre une douche. Merci pour le café. » fit-il quelques minutes plus tard en se levant et en s'éloignant.

*******

Prius le regarda passer, mais se garda bien de lui adresser la parole. Il avait beau l'air un poil moins remonté que plus tôt, il préféra éviter d'aggraver à nouveau la situation et le laisser cogiter en paix.

Il avait été étonné de la voir se lever aussi tard, mais vu toutes les émotions fortes de la veille, ce n'était pas si surprenant que ça. Cela pouvait être tout aussi fatiguant que l'effort physique.

« Si vous ne vous sentez pas bien, n'hésitez pas à me le dire. On ne dirait pas comme ça, mais je suis médecin. Un vrai. Alors comment va-t-il ? Est-ce qu'il a été plus bavard avec vous ? Et a-t-il craqué hier soir ? » lui demanda-t-il.

Il soupira en entendant la réponse.


« Il est en train de retomber dans le même schéma qu'il y a dix ans. C'est précisément ce qu'il redoute et veut éviter. Il souffre, mais il ne sait pas comment gérer tout ça. Ce silence est malsain et il va falloir le bousculer encore un peu plus. S'il n'exprime pas ce qu'il ressent d'une manière ou d'une autre, nous aurons un vrai problème. »

Il secoua la tête. Après dix ans à avoir enfoui tout ça, il n'était pas surpris que son ami ne soit pas capable d'affronter ça. Pourquoi y arriverait-il maintenant alors qu'il n'avait pas réussi avant ?

« Le Gris a prévu quelque chose pour lui. Cela s'appelle la salle du souvenir. Il s'agit d'une salle avec des photos et des objets significatifs du défunt afin de lui rendre un dernier hommage. Mais il faut d'abord le faire descendre et l'emmener jusqu'au bâtiment. Zander sait comment les choses se déroulent ici et je suis prêt à parier qu'il va très vite comprendre ce que nous avons en tête. Et j'ai bien peur qu'il rechigne à nous suivre. » lui expliqua-t-il.

Malheureusement, il allait falloir en passer par là.

**********

La douche lui fit du bien, mais il ressentait toujours le besoin de fuir cette planète au plus vite ainsi qu'une angoisse plus diffuse.

Nadja était dans le salon, mais Prius n'était pas visible. Tant mieux.


« Tu veux bien m'accompagner ? » lui demanda-t-il doucement.

Il n'avait pas vraiment envie de retourner sur sa tombe, mais il avait besoin de le faire quand même et de manière un peu plus digne que la veille.

Il sortit, mais il sentit sa résolution flanchée et fondre comme neige au soleil au bout de quelques mètres. Il ralentit et finit par s'arrêter à trois mètre de sa destination, incapable de s'en approcher plus. Cette fois, il resta debout. Il aurait aimé dire quelque chose, mais il en'y arriva pas plus que la veille. Il resta donc planté là en silence à contempler la pierre, avec une furieuse envie de prendre ses jambes à son cou.

« Rentrons, s'il te plaît. » fit-il soudain en faisant demi-tour. Il ne pouvait pas rester devant la tombe une seconde de plus.

Cependant, Prius attendait au pied de Stella, l'air grave. Il avait saisi l'occasion inespérée offerte par Zander qui était sorti de sa propre initiative. Décidément, son ami était toujours plein de surprises. Il avait averti le doyen Pétrarque qu'ils allaient arriver sous peu, une fois que le pilote aurait fini de se recueillir sur la tombe de Leïla. Il lui avait également demandé d'attendre avant de venir à leur rencontre. Il tenait à s'assurer que Nadja et lui l'encadreraient solidement au préalable pour éviter que le pilote ne se défile.

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Sentir Zander dans cet état lui retournait l’estomac. Lentement, Nadja commençait à douter du bien fondé de leur action. Fallait-il vraiment risquer la santé mentale de son mari ? Intellectuellement, elle savait qu’il faisait ce qu’il fallait mais tout son être lui hurlait d’arrêter la ces tortures.

« - Moi aussi, répondit-elle franchement quand il lui évoqua leur maison sur Terre. »

Elle voyait bien qu’il ne pouvait s’empêcher de regarder vers la tombe et elle aurait voulu lui prendre la main et l’y emmener. Elle ne put néanmoins pas s’y résoudre et il se elva finalement, avec l’intention de prendre une douche, ce qui n’était pas une mauvaise idée.

L’ex marine ramena les mug vide à la cuisine et y passa un peu d’eau avant d’aller discuter avec le prêtre qui s’inquiétait pour elle.

« - J’en ai vu d’autre, éluda-t-elle. Non, il n’a pas été bavard, mais il ne m’a pas envoyé paître non plus. Mais il est secoué… et je ne sais pas comment le faire s’ouvrir un peu. Maintenant que j’ai rencontré son père je sais d’où viens son coté tête de mule, mais ça ne dit pas comment l’aider à nous parler. »

Quand le prêtre évoqua une sorte de musée au souvenir de la défunte, elle secoua la tête, soudain effrayée.

« - C’est trop tôt, bordel ! Laissez-le un peu digérer, bon sang. Je sais qu’il faut le bousculer, mais on est pas obliger de le rouer de coups non plus. »

Agacée autant par le prêtre que par sa propre attitude protectrice, Nadja retourna dans leur chambre chercher son carnet à dessin. Elle s’était endormie dessus hier soir en laissant son esprit vagabonder librement. En regardant ce qu’elle avait dessiné, elle frissonna. Elle avait noirci des pages entières et on distinguait par transparence une présence qui la terrifiait inexplicablement.

Heureusement, Zander revint à ce moment et lui demanda de l’accompagner. Elle lui prit le bras et l’accompagna vers la tombe. Chaque pas semblait plus difficile que le précédent et il n’arrivèrent pas totalement à leur objectif mais suffisamment prés néanmoins, sans qu’il ne s’effondre pour que les progrès soit notables.

« - Je sais que c’est difficile, souffla-t-elle sur le chemin du retour. Tu te souviens, il y a quelques mois, tu m’as dis qu’avec toi, je pouvais me laisser aller, que j’avais pas besoin d’être une marine dure à cuire ? Ça va dans les deux sens et je suis la pour toi. »

En revenant prés du vaisseau, elle vit Prius qui les attendait et elle comprit qu’il voulait mettre son plan à exécution. Elle jura intérieurement. C’était trop tôt, trop brusque. S’il insistait, elle n’était pas sure de vouloir le soutenir ce coup la.

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Prius avait été surpris par la réaction de Nadja. Il l'avait pourtant averti que cela ne serait pas facile. Elle voulait le protéger, ce qu'il comprenait. Mais il connaissait le pilote depuis bien plus longtemps et l'avait déjà vu plus bas que terre. Même si les choses en étaient loin et que le pilote faisait de nets progrès, il savait aussi qu'ils ne pouvaient pas y aller trop doucement non plus et laisser ainsi à Zander le temps de s'enfermer dans sa carapace.

« Nadja… Je sais que ça peut paraître violent comme méthode, mais je vous assure que si on lui laisse trop de temps, les choses seront pires. » dit-il.

Il allait cependant devoir composer avec son avis et adapter sa stratégie en conséquence. Il avait besoin de son soutien pour que tout cela aboutisse.


« Je n'ai pas l'intention de le forcer à y aller. C'est comme pour le reste, ça devra être son choix. Je ne fais que lui montrer la voie. Il doit cependant savoir que la salle est là, qu'elle l'attend. Le Gris ne l'y contraindra pas plus. Vous ne soignez pas quelqu'un qui ne veut pas l'être… Mais il s'est déjà engagé sur cette voie de son propre chef hier soir, quoi qu'il dise. Il ne faut pas s'arrêter en chemin et courir le risque qu'il fasse demi-tour. » lui avait-il expliqué.

Une part de lui voulait aussi que ce qu'il s'était passé la veille se reproduise et qu'il n'y aille pas seul. Cette partie allait bien plus difficile que d'affronter une pierre tombale. L'absence de photos ou de toute objet lui rappelant Leïla à bord de Stella était un symptôme du déni dans lequel il s'était enfermé depuis toutes ces années. Et l'acceptation de sa mort ne pourrait que se faire de manière quelque peu brutale.

***************

Zander sourit aux paroles de Nadja et posa sa main sur la sienne, alors qu'ils revenaient lentement vers Stella. Il n'aurait probablement pas eu le courage de revenir tout seul sur la tombe.


« Je sais. Merci pour ça. » dit-il doucement.

Prius les regarda approcher tous les deux et l'attitude du pilote montrait qu'il avait flairé les embrouilles. Il sourit doucement au pilote avant de se mettre de l'autre côté de son ami et le faire pivoter lentement vers le bâtiment. Il avait finalement renoncé à y aller directement pour ne pas s’aliéner Nadja.


« Tu te souviens de la fonction de cet édifice. » fit-il doucement.

Zander se raidit. Il ne se souvenait que trop bien. Il y avait déjà été par le passé, mais comme accompagnant, jamais comme endeuillée, même s'il aurait dû. Il vit un membre du Gris sortir du bâtiment, une ceinture noire autour de la taille, pour se diriger lentement vers eux. Il reconnut Pétrarque, qui à l'époque supervisait les opérations d'intervention sur le terrain, et donc les sorties de Stella, et qui était aussi un ami de Leïla. Ainsi, il était devenu le doyen des Gris. Quelque part, cela ne le surprenait pas.


« Maître Prius, je suis ravi de vous revoir. Maîtresse Cook, je suis heureux de faire votre connaissance. Je suis Pétrarque, doyen des lieux. Maître Hayes… non… Zander… je dois dire que je suis aussi heureux de te revoir. J'avais peur que tu ne reviennes jamais ici. Le Gris a une immense dette envers toi pour ne pas avoir su te protéger et t'aider lorsque tu en as eu le plus besoin. Nous souhaiterions réparer cela, même avec beaucoup de retard. Derrière moi se trouve une salle du souvenir. Tu sais ce que cela signifie, n'est-ce pas ? »

Le pilote hocha la tête, tétanisé. Il ne le savait que trop bien. Il avait l'air d'un animal terrifié qu'on emmenait à l'abattoir. Pétrarque, posa lentement une main sur le cœur de Zander.

« Nous savons tous à quel point la mort de Leïla t'a affecté et te faisait souffrir. Ton droit de la pleurer t'a été volé par sa famille qui a manipulé tout le monde pour te chasser. Tu t'es retrouvé seul, alors que tu aurais dû être entouré. Tu en paies encore le prix aujourd'hui de notre inconséquence. Mais il est temps que tu avances et que tu la laisses partir. Elle n'aurait jamais, jamais voulu te voir dans cet état et elle t'aurait au contraire dit de continuer à vivre. Tu en as conscience, n'est-ce pas ? Tu l'as entendu toi-même à de nombreuses fois guider des familles dans la douleur du deuil. Elle avait un don pour toujours trouver les mots justes et soulager la peine de ses patients. Oui, tu vas souffrir, oui, cela va être difficile, mais tu n'as pas à avoir peur, tu n'es plus seul pour traverser cette épreuve. Mais tu dois laisser sortir toute cette douleur et lui dire au revoir… Pour toi et les tiens. »

Zander écoutait, mais ne répondit pas, les yeux dans le vague. Oui, il l'avait vu faire et entendu à de nombreuses reprises réconforter et accompagner les mourants et leurs familles. Il savait exactement ce qu'elle lui aurait dit dans ces circonstances. Il l'avait déjà entendu dans ces nombreux cauchemars. Mais il avait toujours refusé de l'écouter. Et la voix avait fini par disparaître. Jusqu'à l'année dernière où elle avait recommencé à le hanter. Depuis, il tentait désespérément de la tenir aussi loin que possible. Et il semblait qu'aujourd'hui, il allait devoir l'affronter.

« Le choix t'appartient. » termina le doyen avant de faire demi-tour et de s'éloigner, sans attendre de réponse. Il n'en espérait pas. Il savait que son discours allait faire mouche et que le pilote qui avait tant fait pour cette planète, et beaucoup perdu, franchirait le pas, tôt ou tard.

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Au moins, il lui parlait toujours et ne semblait pas trop lui en vouloir. Légèrement rassuré Nadja lui serra la main avant de se criser. Prius les attendait au pied de Stella et elle comprit qu’il voulait mettre a exécution son plan, malgré ses protestations. Il avait partiellement réussit à la rassurer tout à l’heure mais elle espérait qu’il avait comprit qu’il fallait y aller doucement.

Instinctivement, son regard passa autour d’eux à la recherche de menaces. Elle avait noté la position exacte du prêtre et ne rata pas celle de celui qui avançait vers eux avec l’air digne. Elle envisagea un moment de les abattre tous les deux et de repartir à bord du petit vaisseau pour vivre avec Zander une nouvelle aventure faites d’amour, d’eau fraîche et de piraterie. Elle décida finalement de leur laisse le bénéfice du doute et attendit qu’il arrive prés d’eux, tout en gardant l’option dans un coin de son esprit.

Elle écouta la présentation qu’en fit le dénommé Petrarque (c’était bien la première fois qu’on l’appelait maîtresse). Tout ça ressemblait fortement à des excuses de l’ordre sans réellement dire son nom et c’était plutôt bienvenue. Elle constata également qu’il lui présentait cette fameuse salle et l’incitait à y aller mais n’avait aucune intention de l’y contraindre. Sans dire un mot, elle resta prés de Zander et lui serra discrètement la main. Autre ment dit : « si tu veux y aller, je suis avec toi. Dans le cas contraire, je serais la aussi. »

Elle ne pouvait pas faire mieux que ça pour l’instant mais gardait son viseur mental verrouillé sur la tête des deux Gris. La piraterie, c’est si romantique.

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Prius décida qu'il en avait assez fait pour l'instant et qu'il serait peut-être mieux qu'il laisse le couple éprouvé un peu seul pour ne pas qu'ils aient la sensation qu'il leur mettait la pression. Il rejoignit le doyen pour discuter avec lui puis ensuite, il resterait dans le bâtiment un moment à attendre.

« - Vous pensez que votre discours va suffire à convaincre ? demanda le prêtre.
- Je pense, oui. Même s'il n'en a pas l'air, je crois qu'il est conscient que nous avons raison. Mais il ne l'a pas encore tout à fait accepté. Une fois qu'il l'aura fait, il franchira le pas de lui-même. Toute la question est de savoir combien de temps cela va lui prendre pour arriver à ce point.
- J'espère que vous avez raison... conclut le prêtre.
- Vous devriez avoir un peu plus foi en votre protégé, Berger. répondit Pétrarque.
- C'est qu'il est plutôt du genre remarquablement borné et obtus sur certains sujets...
- En effet. fit le doyen avec un sourire. »


****************
Zander regarda les deux hommes s'éloigner, indécis. Il hésitait entre regagner son vaisseau et partir sans se retourner, partir en courant ou envoyer valdinguer tout ce qui lui passerait sous la main. Il avait une furieuse envie de se défouler d'une manière ou d'une autre pour s'éclaircir les idées et réfléchir. Et ici, point de piscine ou de lac pour se baigner. Il ne lui restait qu'une seule option.

« Faut que je tape dans quelque chose, et je crois me souvenir qu'il vaut mieux éviter les murs… » fit-il à Nadja.

Il remonta dans la soute et se dirigea vers le sac suspendu dans un coin. Après avoir enlevé sa veste, il se mit à taper dessus sans réfléchir en enchaînant les coups.

Au bout d'une trentaine de minutes, il finit par s'arrêter, en sueur, et pas plus avancé. Il s'adossa à une paroi et il se laissa glisser au sol. Chassez la colère, la douleur revenait au galop… Il prit quelques grandes respirations pour tâcher de garder le contrôle de ses émotions indisciplinées et contradictoires.

« Je ne sais pas quoi faire… une partie de moi veut partir en courant sans retourner, ou se rouler en boule dans un coin, et l'autre, eh bien, veut souffrir, beaucoup. Et la raison me souffle d'aller dans cette salle et d'affronter ce qu'il s'y trouve. Mais j'ai peur de ce qui pourrait m'arriver là-dedans au point de ne pas être sûr d'avoir le courage de m'en approcher. » dit-il doucement, la tête dans ses mains et les yeux rivés sur le sol.

Avouer à voix haute ce qu'il ressentait lui coûtait beaucoup. Il ne voulait pas regarder sur son visage par peur de ce qu'il pourrait y voir et de ne pas pouvoir le supporter.

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Finalement, les deux prêtres s’éloignèrent après la présentation du musée au souvenir de Leila et Nadja soupira intérieurement. Si elle n’avait pas réellement envisagé le meurtre des deux gris, elle n’aurait sans doute pas pris leur parti s’ils avaient tenté de pousser Zander dans l’immédiat.

Elle sourit au pilote quand il lui rappela ses mésaventures avec le mobilier et le suivit dans leur salle de gym improvisée. IL faudrait un de ces jours qu’elle se décide à l’aménager un peu plus sérieusement. Pour l’instant, il n’y avait qu’un sac de frappe un tatami et une étagère sur laquelle était disposé quelques poids. Elle lui tint le sac un moment puis passa à ses coté pour lui montrer un ou deux enchainements. S’il voulait lâcher la vapeur, autant le faire efficacement. Oui il allait falloir de nouveaux équipements. Il avait fait de sérieux progrès et ce pauvre sac ne lui apporterait bientôt plus grand-chose.

Après une longue série, il s’adossa au mur, se laissa glisser au sol et se mit à parler, a la grande surprise de Nadja.

« - C’est jamais simple de gérer le deuil. T’as entendue parler des soirées que j’organise à chaque retour de mission ? C’est pas que pour faire la fête. On y célèbre aussi ceux qui ne sont pas revenu. On échange des anecdotes, on se souvient d’eux. Et on se dit que le jour on ça sera notre tour, quelqu’un lèvera un verre à notre santé et nous oubliera pas. C’est putain de rassurant. »

Elle vint s’installer près de lui et lui prit la main. Ça n’était pas la première fois qu’elle réconfortait quelqu’un ayant perdu quelqu’un, mais ça n’avait été un proche et ça changeait tout.

« - Quand ma famille a été assassinée, j’ai pété un plomb. J’ai passé trois jours à picoler, dormir et insulter tous ceux qui venaient me voir. J’ai envoyé deux MP à l’hôpital et il en a fallu quatre autres pour me coller dans une cellule de dégrisement. Je savais que c’était une connerie, mais j’en avais rien à secouer. Sans l’aide d’amis, là-bas et ici ensuite, j’aurais jamais vraiment remonté la pente. Ce que je veux dire, c’est qu’on a tous nos façons de gérer ça, pas forcément intelligente mais c’est humain. Le truc dont je suis sûr, c’est qu’il faut pas rester seul et ruminer. Ce poison finira par te tuer à petit feu. »

Elle le regarda et fit tourner gentiment son visage du bout du doigt pour qu’il la regarde. Evoquer cette période de sa vie lui mettait toujours les larmes aux yeux mais si elle voulait qu’il s’ouvre, elle ne pouvait pas faire moins.

« - Si t’as pas envie d’aller dans ce foutu musé, n’y va pas. Si t’as besoin de t’épuiser comme tu viens de le faire, je m’en occuperais personnellement. Mais reste pas seul dans ton coin. Ça ne servira qu’a te détruire à petit feu. »

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Zander écouta Nadja silencieusement. Quand elle le forca à la regarder, il baissa à nouveau les yeux, voyant la peine qu'il avait provoquée en la forçant à parler de cet événement douloureux pour elle.

« Je suis désolée de te faire te remémorer tout ça... »

Il ne dit rien pendant plusieurs minutes, le regard dans le vide, réfléchissant et tâchant de mettre de l'ordre dans ses pensées.

« Je n'ai pas envie d'y aller, mais je crois pourtant que c'est nécessaire. Rester ici et taper dans un sac, c'est un peu comme refuser d'affronter le problème, non ? Puis ce sac... c'est très loin d'être suffisant. M'épuiser est juste un piètre substitut. Ce dont j'ai vraiment envie, c'est de trouver un bar miteux, de boire plus que de raison du mauvais alcool et de chercher la bagarre pour oublier et remplacer une douleur par une autre. »

Et puis la douleur physique disparaissait, contrairement à l'autre. Il pouvait la noyer derrière, comme avec l'alcool. Bien sûr, ce n'était que temporaire, mais tellement plus simple à gérer et à s'infliger.

« En parlant de conneries et de pétage de plomb, j'ai pas fait mieux. J'ai fait pire même... Boire, me faire taper dessus et chercher à me faire tuer, voilà ce que j'ai fait pendant six mois, parce que je me suis retrouvé seul dans mon coin sans le vouloir et sans personne pour me rattraper et m'aider à remonter la pente. Jusqu'à ce que Prius me mette la main dessus. Et encore, il a failli ne rien pouvoir faire pour moi jusqu'à ce que je manque d'y rester. C'était... presque trop tard quand il est intervenu. J'étais au bout du rouleau et je n'avais plus envie de m'accrocher. » continua-t-il doucement.

Il savait qu'il avait déjà évoqué ça avec elle, mais pas aussi franchement. Il ne l'avait jamais fait avec personne. Et contrairement à ce que tout le monde semblait penser, il était très lucide sur cette époque. Il avait aussi entendu chacun des discours qu'on lui avait fait. Mais jusqu'à présent, il ne les avaient jamais écoutés et toujours refusé de les prendre en compte.


« Si je suis là, c'est grâce à son acharnement à vouloir me sauver, sauf que je ne sais pas pourquoi il s'est autant obstiné... Mais il n'a pas vraiment réussi à me faire remonter la pente, pas vrai ? Il m'a juste empêché de finir tout au fond du trou et m'a remis debout en espérant que je ne rechute pas. Puis j'ai enfermé tout ça à double tour. Mais aujourd'hui, revenir ici me donne l'impression d'être sur le point de basculer à nouveau dans ce cycle infernal, mais sans pouvoir m'en sortir cette fois. Et cela m'effraie. Je ne sais pas quoi faire de cette douleur qui resurgit, à part essayer de l'étouffer pour qu'elle ne me submerge pas... La faire sortir, c'est bien joli, mais comment je fais ? Est-ce qu'elle disparaîtra un jour ? »

Il serra les poings, désemparé. Il se sentait brusquement vidé tant physiquement que mentalement et émotionnellement.

« Je suis fatigué, mais je ne crois pas que j'arrive à dormir. Quand je ferme les yeux, tout ce que je vois, c'est Leïla se prendre cette balle en pleine tête alors qu'elle me regarde, incrédule, encore et encore. Rien d'autre. Je ne crois pas que ma relation avec elle devrait se résumer à cette image... C'est à ça que sert cette salle. Enfin qu'elle me servirait... me rappeler des bons souvenirs... peut-être... j'en sais rien... je ne sais même pas si ce que je dis à un sens... » fit-il d'une voix lasse.

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Quand il s’excusa, Nadja secoua la tête en souriant. Il mettait le doigt sur le point qu’elle essayait de souligner.

« - Tu n’as pas à t’en vouloir. Tant que je me souviens d’eux, ils sont encore un peu là, avec moi. »

Elle le laissa réfléchir tranquillement à sa situation espérant qu’il continuerait à parler. Il reprit finalement la parole en lui confiant son envie de souffrir. Elle était passé par là, comme elle le lui avait dit et ne pouvait guère lui jeter la pierre.

« - Pas le truc le plus sain auquel je puisse penser, non. Mais j’ai vu un ou deux endroits de ce type sur la station ou on a récupéré Prius. Tu pourras toujours me payer un verre là-bas au retour. On verra bien ce qu’il s’y passe. »

Elle écouta la suite patiemment. Entre les quelques bribes lâchées par le pilote et ce que lui avait raconté Prius, Nadja avait reconstituée cette partie de l’histoire. L’entendre vocalisée ainsi n’était cependant pas facile et elle lui serra la main autant pour le réconforter que pour l’encourager.

« - Je pense qu’il t’aide parce qu’il en pince un tantinet pour toi. Je suis d’ailleurs un tout petit peu jalouse… Je comprends que tu ais peur de replonger, mais il est là pour t’en empêcher et moi aussi. Et puis tu as conscience du problème. Ça fait une grosse différence. »

La dernière question était bien plus complexe qu’il ne le pensait sans doute et elle opta pour la franchise pure et dure.

« - Non, elle ne disparaît pas. Elle s’atténue avec le temps, bien sûr, mais elle sera toujours là. Tu vas juste apprendre à la gérer. Tu te souviens de ma grand-mère ? Cette fillette qui me ressemblait tant. Quand je l’ai vu, j’ai vu ma petite sœur. Elle venait de se marier quand elle est morte. Elle voulait que je sois la marraine de leur bébé qui allait naître. Tout m’est revenue dans la figure à ce moment-là et il m’a fallu un peu de temps pour me remettre la tête droite. Mais ça ne m’empêche pas de chérir chaque souvenir que j’ai d’elle, y compris la robe ignoble que j’ai dû porter à son mariage. Ça fait partie de moi, de ma vie et je me rappelle pourquoi je l’aimais tant. Tu comprends ? »

Elle écrasa une nouvelle larme et l’attira contre elle autant pour le réconforter que de profiter de sa présence. Finalement, elle se leva et l’amena vers leur chambre.

« - Allonge toi et ferme les yeux. Si tu vois arriver ce souvenir, tu vas essayer de te concentrer sur autre chose. N’importe quoi. Un bon souvenir avec elle par exemple. Et essaye de te laisser aller. N’ai pas peur de t’endormir, je serai juste à côté. Stella, si tu pouvais nous mettre un bruit de vague, s’il te plait. »

Le bruit de la mer emplit soudain la pièce et Nadja sourit. Elle récupéra un peu d’huile de massage dans leur chevet et se mit à lui malaxer le dos, le cou, les bras. Le savoir perdu dans les souvenirs d’une autre lui grattait l’arrière de la tête mais elle rangea sa jalousie dans un coffre et s’installa dessus. Ça n’était vraiment pas le moment de penser à ca.

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