Contrat à Durée Indéterminée

Depuis une semaine qu’elle état revenue, Nadira avait été bien occupée. Les blessés étaient encore nombreux et Teoh était reparti sur l’Achille. Elle n’avait pas officiellement repris ses anciennes fonctions, mais les vieilles habitudes sont tenaces et beaucoup d’anciens s’étaient tournés vers elle naturellement pour obtenir des conseils ou des directions.

Les analyses réalisées sur la nouvelle venue étaient elles aussi passionnantes. Cette fille était bien une descendante de Thain, l’ADN était formel. Songer que ce type puisse un jour avoir des enfants était terrifiant pour l’avenir de la galaxie, mais après discussion avec l’ex space-marines, elle avait fini par conclure que celle-ci devait plutôt tenir de sa grand-mère mère, qui qu’elle soit. Les drogues présentes dans son sang étaient impressionnantes et ouvrait toute une gamme de recherche qui pouvait l’occuper des années. Quant à son système immunitaire, il était quasiment illisible, tellement cette fille avait été en contact avec des pathogènes inconnus. La aussi, il y avait du boulot.

Mais, ce matin, elle avait reçu un message de la chef de base qui demandait à la voir. Quelque chose lui disait que son statut d’invité allait évoluer. En bien ou en mal, difficile à dire. Pouvait-elle se faire expulser de la station ? Techniquement oui. Elle n’était plus vraiment humaine. Et si non, pourrait-elle retourner sur Terre ? Elle en avait assez de cette boite de conserve, mais Nadira Garett était officiellement morte. Pourrait-on lui recréer une nouvelle identité ?

Une fois douche et habillée, elle se rendit vers le bureau et frappa avant d’entrer.

« - Bonjour, docteur Sincet. »

Au fond d’elle même, Xinan remua un peu. Il trouvait l’irlandaise particulièrement à son goût et ne perdait pas une occasion pour le lui faire ressentir. Ce qui était franchement dérangeant dans ce genre de situation.

« - Je suis toujours accro au café, répondit l’égyptienne en s’installant. Et tout va bien, même si j'aurai pu choisir un moment plus calme pour revenir.»

Ni le fauteuil ni le bureau n’avait changé en son absence. Mais le regard que portait Aeryn sur elle si. Elle n’était plus humaine, et comme à peu près tous les membres du personnel, elle ne savait pas trop ou la ranger. Elle réfléchit un instant a sa réponse, sachant que beaucoup de choses se jouaient.

« - La question est plus complexe qu’il n’y paraît. J’aimerais rester un moment. Mais je n’ai plus d’existence légale sur Terre. Et passer ma vie sur la station ne me tente que modérément. Ensuite, il y a la Tok’ra. Vous savez comment ils sont. Xinan fait partie d’un groupe plus… interventionniste que la moyenne. Du coup ma présence ici n’engagera pas vraiment le groupe… sauf s’ils le veulent bien. Ce qui, à terme, peut amener des problèmes. »

Elle voulait qu’Aeryn ait toutes les clés en main avant d’autoriser quoi que ce soit. La question suivante sur la confidentialité la fit sourire.

« - Je vais sans doute vous surprendre, mais la Tok’ra se fiche globalement de nos façons de faire, de nos procédures et codes de sécurité. Tant que nous prenons des risques à leur place, ça leur convient. Vous n’avez rien à craindre de ce côté-là. »

Elle n’était pas tout a fait objectives, mais Xinan pensait globalement la même chose qu’elle.

« - Si ce numéro d’équilibriste diplomatique ne vous rebute pas d’emblée, je pense qu’on doit pouvoir trouver un arrangement. »

« - Pouvoir retourner à Colorado Springs ne serait pas pour me déplaire. Pour le reste… je ne sais pas. Nous en parlerons en temps utile. Et puis je promets à Xinan de lui faire goûter quelques spécialité terrienne depuis un moment.»

Les risques d’être reconnu étaient importants à certains endroits. Savoir Le Caire, sa ville natale, zone quasi interdite lui fendait le cœur.

« - Disons que je préfère le rôle de médecin à celui d’ambassadeur. Mais que si cela devait se présenter, c’est une double casquette que j’aurai à porter. En attendant, si vous ne m’avez pas trouvé de remplaçant, je veux bien reprendre mon poste ici. »

Elle sourit franchement à la suite. Cela faisait plaisir à entendre. Elle savait qu’elle n’était pas toujours facile à vivre et que ses méthodes pouvaient… froisser. Mais elle les pensait efficace, et apparemment, n’était pas la seule.

« - Il y a un autre sujet que j’aimerais aborder avec vous. La raison de ma venue en fait, mais les événements de ces derniers jours m’ont empêché d’en parler avant. Vous souvenez-vous de cette planète ou nous avons découvert une population moribonde rongée par des radiations ? Eh bien je suis tombée sur une autre, avec exactement les mêmes symptômes, mais à un stade bien moins avancé. Je ne suis pas géologue, mais la présence de cette substance m’avait un peu étonnée, alors. Le fait qu’elle soit présente dans deux planètes simultanément me fait maintenant penser à un acte délibéré. J’ai expliqué ces éléments à la Tok’ra qui s’en moque éperdument, n’étant pas concerné. Je me suis dit que le JPS serait peut être plus ouvert. »

Nadira récupérerait donc l’infirmerie. Sous supervision, évidement, ce qui lui fit faire une grimace, mais elle comprenait les problèmes de sécurité. Et puis Ford… Il avait tellement peu d’imagination qu’il n’avait jamais trouvé le bar réfrigéré qu’elle avait installé dans un des tiroirs de la morgue.

« - Merci. Reprendre officiellement le travail ne sera pas désagréable. Et vu l’état de l’infirmerie, il va y avoir beaucoup à faire. Je vous ferai passer rapidement un inventaire et une liste au père noël. Beaucoup d’équipement ont été détruit.»

Quand elle exposa le problème qui l’avait ramené sur la station, elle sentit l’irlandaise immédiatement intéressée. C’était déjà un bon point par rapport au message qu’elle avait envoyé à la Tok’ra quelques semaines auparavant.

« - Je ne peux pas encore le prouver. Mais, pour raisonner en termes médicaux, les symptômes sont les mêmes sur deux patients différents, qui n’ont jamais été en contact. C’est quand même très curieux. Des investigations avaient été initiées a la suite de notre mission. Vous savez si elles ont donné des résultats ?"

De quoi avait-elle besoin ? Dans une autre vie, elle aurait proposé d’envoyer JP1. Mais l’équipe n’existait plus et elle n’était pas sûre que les membres survivants souhaitent rempiler.

« - Il faudra envoyer une équipe la bas, dit-elle prudemment. Je vous ferai passer l’adresse. Prendre des échantillons, enquêter auprès de la population… Si mes craintes sont fondées et que la planète n’est plus vivable, il faudra envisager de les déplacer. »

Et on ne parlait pas d’un petit village cette fois… Mais de plusieurs millions de personnes.

« - Je vais voir ce que je peux trouver, approuva Nadira avant d’ajouter, sur un ton taquin : Enfin, si mes droits d’accès ne sont pas trop restreint pour le faire. »

Elle plaisantait, sachant qu’Aeryn n’était pas du genre à l’empêcher de travailler. La phrase suivante la fit tiquer et elle répondit prudemment.

« - Je ne sais pas encore. Le JP1 que nous avons connu n’est plus, c’est un fait. Je pourrai peut-être convaincre Noa de retravailler avec moi, mais Plume, cela serait utopique… Et je suis d’accord quant à la sécurité des équipes. Pas questions de prendre le moindre risque. Cela veut dire que vous souhaitez que je reforme une équipe ? »

Elle était un peu surprise de la proposition, et n’était même pas sûre d’en avoir envie. Mais Xinan était la, se souvint-elle. Les choses seraient différentes.

« - Nous en reparlerons, dit-elle en se levant. Avant d’y aller, montre-moi ton bras, s’il te plaît. »

Elle avait pratiqué des soins d’urgence lors de l’attaque mais le reste des soins s’était déroulé à l’infirmerie mais vu la situation alors, elle voulait être sûre que la cicatrisation de l’os se déroulait bien. Elle n’avait aucune envie de devoir ressasser l’os pour le mettre droit.

Après quelques minutes, elle était rassurée et se redressa. Xinan, lui avait goutté à cette proximité et en redemandait.

« - Tu ne devrais pas avoir de séquelles, estima-t-elle d'une voix un peu trop rauque à son gout, mais on fera une radio d’ici une semaine pour être sur. Et tu ne couperas pas à un peu de rééducation. »

Elle sortit rapidement après quelques mots polis. Il était temps de se remettre sérieusement au boulot.

Nadja lisait lorsqu’elle reçu l’appel de la chef de base. Un des médecin qui s’était occupé d’elle à l’infirmerie lui avait prêté une tablette connectée a ce qu’il appelait « internet ». Elle ne comprenait pas bien pourquoi il en avait fait toute une histoire. Il n’y avait rien d’exceptionnel dans un réseau de données publique…

Depuis, elle essayait d’étudier son nouvel environnement et allait de surprise en surprise. Passionnée par l’histoire de son grand-père, elle avait beaucoup lu sur le début du XXI siècle et pensait bien connaître cette époque. Elle se trompait lourdement. Beaucoup d’aspect de cete société avaient été idéalisé, elle commençait à s’en rendre compte. A commencer par le JPS qui lui avait toujours été présenté, à l’école, comme l’aboutissement de la coopération internationale. Quelle surprise de constater que cette organisation était secrète et que la grande majorité de la population terrestre n’était pas au courant de ce qui se passait à quelques kilomètres au-dessus d’eux.

- Merci Am… monsieur Engleman. Je m’y rends immédiatement.

Après avoir vérifié sa tenue, Nadja se dirigea vers le bureau du docteur Sincet. Ça aussi elle avait du mal. Son grand père avait-il menti  en se présentant comme le chef de la station ? Elle n’avait pas encore pu le voir et commençait à redouter ce moment.

En rentrant elle se mit au garde a vous et salua. Techniquement, la personne en face d’elle n’était pas militaire, mais elle restait l’autorité suprême de la station.

- Soldat Cook au rapport, madame !

Nadja s’installa dans le fauteuil désigné, raide comme un I. Elle avait du mal avec la familiarité affichée de la femme en face d’elle. Elle avait également bien du mal à ne pas la dévisager, ayant vu maintes fois déjà son visage dans les reportages historiques.

« - Merci madame. J’ai déjà pris deux chocolat ce matin et votre médecin m’a recommandé d’y aller doucement sur le sucre. Je ne le... heu... métobalise pas aussi bien que vous autres. »

Elle ne sut pas trop quoi répondre lorsque Aeryn la remercia. Elle n’avait pas fait grand-chose sinon donner l’alerte, et se demandait toujours si elle avait bien fait.

Elle lui demanda ensuite si elle la connaissait, ce qui fit écho à ce qu’elle venait de dire sur son fils.

« - Je sais qui vous êtes, madame. Adam et vous êtes très célèbre à mon époque. Beaucoup de marines, moi inclus, vous devons la vie. Sans vos armures Goliath, nous n’aurions jamais pu combattre les armées de Tonatiuh. C’est à moi de vous remercier, en vérité. »

Le port de l’armure lui manquait. Avec les années, c’était devenue une seconde peau et les jogging informe qu’on lui avait donné depuis son arrivé la rendait mal à l’aise. Pourrait-on la lui réparer ?

« - Oui madame, je n’ai vraiment pas à me plaindre. Et, si je peux me permettre, je n’ai jamais aussi bien mangé de ma vie. Vos cuisiniers sont de vrais artistes.»

Elle ne pouvait pas en dire autant des médecins. L’intervention chirurgicale à vif qu’elle avait subit ne faisait pas parti de ses meilleurs souvenirs. Mais ça n’était pas intégralement la faute du médecin asiatique, il fallait le reconnaître.

Nadja ne put s’empêcher de sourire lorsque son interlocutrice lui parla de son armure.

« - Vous savez madame, Les industries Sincet ne vendent pas ses armures à l’armée, mais les prêtes, en échange de services et de tests. Ce qui veut dire que, techniquement, cette armure est a vous… enfin à votre fils, vu que c’est lui qui a conçu ce modèle. »

Lorsque l’avenir de la marines fut abordé, son cœur se mit à battre un peu plus fort. Oui elle esperait rentrer mais… pour aller ou ? Elle se mordit la lèvre un instant puis se lança.

« - Permission de parler franchement madame ? Merci. Ma ville natale a été détruite. Mes parents et mes sœurs sont morts. Ils étaient ma seule famille. Et mes compagnons d’armes ont tous été tué dans l’assaut de la station en orbite autour de la terre. Je n’ai nulle part ou aller. Sauf votre respect, madame, je combats Tonatiuh depuis plus longtemps que la plupart des gens ici. Même sans ma connaissance du futur, je pense pouvoir etre plus utile ici qu’à mon époque. Je veux m’assurer que ce futur n’arrivera pas. »

Il lui avait fallut du temps pour en arriver à cette conclusion, mais se battre etait tout ce qu’elle savait faire. Et si le combat se déroulait ici et maintenant, qu’il en soit ainsi.

« - Par contre, je sais que je vous ai dit que l’armure était a vous, mais si vous pouviez me la prêter encore un peu, je serai bien plus efficace avec. »

Nadja se garda bien de dire que, d’ici quelques années, il faudrait plus qu’un casque pour abriter l’ego d’Adam Sincet. Ce n’est pas des choses qu’on dit à une mère.

« - Avec votre autorisation, je souhaiterai apprendre à me servir de vos armes a feu. Vous pourrez sans doute réparer mon armure, mais je doute que vous puissiez faire quelques choses pour le pulseur. Il sera difficile de trouver des munitions pour une arme qui ne sera inventé que d’ici un demi-siècle. »

Même si se servir de ces pétoires serait un crève cœur.

« - Et je pense que je préférerai être affectée à votre vaisseau de combat. C’est finalement assez proche de ce que je faisais auparavant. »

Et a peu de chose prés, c’était le vaisseau de son grand-père… Elle ne pouvait pas faire moins que de voler à son bord.

Lorsque la chef de base lui demanda s’il y avait autre chose, elle secoua la tête et se leva.

« - Merci madame. C’est un honneur d’être des vôtres. »

La poignée de main fut une expérience étrange et elle rougit légèrement. Par habitude, elle claqua des talons en partant et fit un salut. Une fois hors du bureau, elle prit quelques secondes pour calmer ses battements de cœur et retourna vers le réfectoire. Tant pis pour ce qu’avait dit le docteur, une mousse au chocolat ne la tuerait pas.