Un homme barbu à l’aspect légèrement hirsute avait fait irruption dans le hall. Il avait grommelé, s’était montré insultant et désagréable. Cotridge l’avait fixé avec intérêt. Finalement il n’était pas là pour interroger un quelconque terroriste. Quelque chose d’autre se tramait. Il ignora l’individu en se plongeant dans son propre questionnement sur ce qui l’attendait ici. Quand l’homme repartit il lui jeta un dernier coup d’œil, ses manières ne laissaient aucun doute quant au fait qu’il s’agissait d’un militaire. Malgré son aspect a priori négligé il avait une certaine raideur dans sa démarche qui indiquait son respect pour les normes et la sphère des forces armées.
* Encore un cliché de l’instructeur. Ces américains en sont définitivement trop friands… *
Il tourna son regard vers le jeune caporal assis à son bureau et attendit que ce dernier s’exprime ou se lève pour le conduire là où son supérieur le lui avait demandé. Le jeune homme lui rendit un regard bovin et resta figé. Plusieurs minutes passèrent en silence, Cotridge était sur le point de soupirer et de s’exprimer quand l’homme se leva subitement et invita, non sans hésitation, à le suivre.
* Une lueur d’intelligence et de vie habite donc ce jeune caporal ?*
William sourit à sa propre réflexion et déposa sur le comptoir son imperméable et son chapeau. Il repositionna calmement sa valise pour qu’elle ne gêne pas un quelconque passage et indiqua qu’il était prêt à se mettre en chemin d’un signe de tête.
Le vieil homme claudiqua en fixant d’un air absent son guide. L’homme avait l’air tendu, il devait craindre d’une manière ou d’une autre son supérieur, il devait être sans nul doute mal à l’aise à conduire Cotridge vers Dieu seul sait quoi. Le vieil anglais se mit à grimacer, ses articulations le lançaient. Si l’instructeur local avait préparé un parcours du combattant il allait être déçu. Le duo arriva jusqu’à la salle 379 et le caporal lui annonça qu’ils devraient se séparer ici. Le jeune homme s’excusa. Cotridge lui saisit immédiatement le bras en fronçant les sourcils. Il attendit de capter son regard pour s’exprimer froidement :
« Non vous n’êtes pas désolé. Si je me rends compte que je me suis déplacé pour rien, croyez bien que là vous serez désolé jeune homme. »
William libéra le pauvre caporal et le laissa refermer la porte. Quand celle-ci fut verrouillée il laissa échapper un petit gloussement. Il n’avait pu résister à cette occasion de mettre un peu plus de pression sur le pauvre bougre déjà stressé. Il leva les yeux et remarqua pour la première fois une enveloppe scotchée sur la porte. Il haussa les sourcils et s’en empara. Cotridge coinça sa canne sous aisselle et pivota sur lui-même en décachetant l’enveloppe. Il s’immobilisa une nouvelle fois en découvrant deux soldats postés devant deux portes. Cotridge se désintéressa subitement de l’enveloppe et se rapprocha d’eux. Il adopta à nouveau une expression neutre en dévisageant les deux individus.
* Deux portes, deux soldats, je suppose qu’il est attendu que tu sélectionnes l’une de ces portes mon cher. Ils doivent savoir laquelle et je suppose encore que je dois les interroger. *
« Bonjour messieurs. C’est une bien fatigante journée pour moi. Auriez-vous l’obligeance de m’apporter un verre d’eau je vous prie ? »
Aucun des hommes ne réagit. Cotridge s’arrêta à quelques pas d’eux et joignit ses mains sur le pommeau de sa canne :
« Être en faction ne devrait pas vous priver de l’usage de la parole bien au contraire messieurs. J’ai été invité ici par votre commandant, mais manque toujours de renseignement, pourriez-vous me dire quel est le but de cette installation ? »
A nouveau il se heurta à un mur de silence. Il se souvint de l’enveloppe et la leva lentement en épiant les expressions des soldats. Presque imperceptiblement leurs regards se figèrent sur le contenant :
« Bien sûr… »
Cotridge prit le petit papier à l’intérieur et découvrit les instructions s’y trouvant.
« Ha… » Dit-il simplement. Cotridge souffla en observant les deux soldats silencieusement. Il les fixait tour à tour, croisant ses bras et caressant sa joue gauche d’un air absent.
* L’une de ces deux portes me mène à la suite de mon test. Très bien je participe donc à une évaluation. Voilà déjà une information intéressante. Je sais au moins pourquoi je suis là. Voyons voir, je ne veux un accès qu’à une porte si je veux connaître le fin mot de cette histoire. Ces jeunes gens savent quelle porte est la bonne. Je n’ai droit qu’à une question. Malheureusement l’un de ces petits est un menteur. Procédons par élimination. Si je demande quelle porte mène à la suite de mon test chacun m’indiquera une porte différente. Je dois donc démasquer le menteur. Si je demande à celui qui me dit la vérité quelle porte le menteur m’indiquerait si je lui demandais laquelle est la bonne il me pointera la sortie. Si je demande au menteur quelle porte son collègue me pointera si je lui demandais laquelle est la bonne il m’indiquerait également la sortie. Ce bougre ne peut pas m’indiquer la vérité, il m’indiquera donc la porte que celui disant la vérité n’indiquerait pas. Peu importe qui est qui finalement, ils m’inqueront tous les deux la sortie. *
Les fines lèvres de Cotridge se pincèrent. Son regard cessa de sauter d’un soldat à l’autre et il les considéra finalement tous les deux :
« Messieurs, si je demandais à votre collègue quelle porte mène à la suite de ce test…laquelle m’indiquerait-il ? »
Cotridge cessa tout mouvement en attendant sa réponse. Il plissa les yeux en signe d’impatience de constater le résultat de sa question.