Bande-Son :
"Depuis l'ombre, où je me reclus, je vois tout en couleurs
...Quelqu'un a vu la porte?"
Poème shavadaï
L'ombre grandit sur la toile de tente jusqu'à recouvrir tout l'espace. La lumière à pétrole vacillait faisant danser ses contours inquiétants, démoniaques. L'homme qui se tenait devant elle était un géant. Un géant au sourire tordu et au regard glacial. Elle se recroquevilla sur elle-même le visage baigné par les larmes. La robe en soie délicate qu'elle portait était parée de nombreuses pierres qui cliquetaient à ses moindres mouvements. Le foulard qui couvrait ses cheveux et son visage était finement brodé. Elle ferma les yeux en priant pour que cette apparition maléfique disparaisse. Mais une main énorme et puissante se referma sur son bras et la tira si violemment qu'elle fit un vol plané au travers de la pièce.
Il rit.
Elle serra les dents, ravalant ses sanglots.
Rien à faire.
Encore une fois.
Thena se réveilla en sueur, haletante. Son cœur battait si fort qu'elle eu la nausée. Elle tremblait de tout son corps et claquait des dents. Les cauchemars étaient de plus en plus rapprochés depuis peu et étaient tellement réels qu'elle mettait de plus en plus de temps à retrouver ses esprits. Elle avait l'impression de sentir encore l'odeur de pétrole dans la pièce. Lentement, elle s'assit au bord du lit et mit sa tête dans le creux de ses mains.
Après quelques instants, elle se leva et se dirigea dans la salle de bain pour se passer de l'eau sur le visage et se déshydrater. Quand elle croisa son propre regard dans le miroir, elle y resta accroché pendant de longues minutes. Elle pu y voir beaucoup de choses qu'elle refusait de s'avouer. Elle les oublia instantanément.
La jeune femme regagna son lit et s'écroula dessus sans ménagement. Un coup d’œil au réveil lui indiqua qu'il était 3:39 am.
Elle ferma les yeux, fort, pendant un temps qui lui parut être des heures.
Elle les rouvrit : 3:41 am.
Elle se retourna sur le lit et se mit à fixer l'immensité de l'espace en face d'elle. Cette vision lui donnait le vertige. Cette abîme profonde semblait si paisible.
La jeune femme n'avait plus sommeil.
Elle garda les yeux grands ouverts.
A cet instant elle comprit qu'elle n'avait jamais eu sommeil. Qu'elle n'avait jamais réellement dormi. Qu'elle n'avait jamais été en paix.
Toute sa vie n'était que combats, douleurs et fuites.
Thena sentit son cœur battre un peu plus fort. Elle se redressa lentement sur le matelas. Elle prit appui sur ses mains et se releva. Debout au milieu de la pièce, face à cette étendue cosmique, elle su qu'elle était en train de prendre une décision importante et apprécia ce moment si unique.
La jeune femme se dirigea vers son armoire. Ses habits étaient roulés en boule et dispatchés dans toute la pièce, mais le pantalon qu'elle prit n'avait jamais bougé de son armoire. Il était correctement plié et posé sur une étagère. Et pour cause, elle ne l'avait jamais mis. Sans hésiter, elle l'enfila. C'était un slim en cuir noir très moulant. Elle choisi avec un soin inhabituel le haut de sa tenue et opta pour un débardeur noir très décolleté et proche du corps. Habillée, elle prit la direction de la salle de bain. Elle fut surprise de se découvrir dans le miroir dans cet accoutrement. Elle prit une paire de ciseaux dans l'étagère et entreprit de se couper les cheveux. Ceux-ci était déjà court, mais pas assez à son goût. Quand elle eut terminé, elle prit un crayon noir et peignit un bandeau noir de sa tempe droite à sa gauche en passant par ses yeux.
Lorsqu'elle regagna sa chambre, elle était méconnaissable. Elle saisit le Glock qu'elle gardait avec elle mais fini par le jeter sur le lit. Avec des gestes lents, elle saisit le matelas et le souleva. Dessous, au centre était caché une dague d'une coudée. Elle la prit et lâcha le matelas qui retomba au sol d'un bruit sourd. La dague était dans un fourreau doré sertie de quelques pierres. Elle n'était pas exceptionnelle, ne valait pas une fortune, mais elle rappela à la jeune femme une époque de sa vie bien lointaine. Elle la coinça dans sa ceinture et enfila ses rangers. Elle prit un petit sac en toile et fourra quelques affaires. Elle l'accrocha dans son dos avant de tourner les talons. Elle claqua la porte sans un regard en arrière.
Ça aurait été trop dur.
Il était difficile de se dire qu'elle ne reviendrait sûrement pas.
Les couloirs étaient vides.
Elle marchait lentement.
Sa mine était grave, son cœur était lourd, pourtant, elle se sentait légère.
Thena s'arrêta devant une porte et la poussa sans un bruit. Elle la ferma derrière elle et alluma la lumière.
C'était les quartiers de Thaïn.
Elle n'attendit pas qu'il soit totalement réveillé, attrapa le pantalon au sol qu'elle lui jeta au visage.
« Suis-moi.... sans bruits... Et prend ton arme. »
En attendant qu'il s'habille, elle ouvrit son armoire, prit un sac et commença à y ranger quelques affaires.