Un avenir incertain

" Vous êtes sûre que vous voulez savoir ? " avait dit Nadja.
Thena n'avait pas eu besoin de répondre, son regard déterminé posé sur la militaire avait suffit.
Il y eut un silence. Thena avait posé la question qui la taraudait en dernier, comme pour ralentir l'échéance de la vérité. Mais pourtant Nadja choisit d'y répondre en premier. Le coeur de Thena s'était mit à battre à toute vitesse alors qu'lele assimilait l'information.
Non évidement. Elle n'était pas la grand-mère de Nadja.
Thena l'avait su, le savait. Elle ne voudrait jamais d'enfants, en admettant même qu'elle le puisse physiquement. La jeune femme eut soudain des flashs de souvenirs enfouis et douloureux et elle ferma les yeux pour essayer de contenir ces images. La shavadaï rouvrit les yeux. C'était ainsi, voilà tout.

Thena releva les yeux vers Nadja qui croisa son regard puis vida son verre. Enfin elle attaqua la réponse à sa première question. Les yeux de Thena s'écarquillèrent légèrement tandis que son pouls tripla de cadence. Elle ne pu s'empêcher de coller ses propres images tirées de son imaginaire sur le récit de Nadja. La fin fut accueillie par un silence de plomb. Thena était restée la bouche légèrement entrouverte, le buste penché en avant, le regard rond. Au bout de longues secondes, la shavadaï se leva et contourna le canapé. Elle marcha un instant dans ses quartiers, le dos tourné, puis prit la direction de son armoire-bar. Là, elle attrapa une fiole différente des autres, elle l'ouvrit et bu cul sec le contenu pendant de longues secondes. L'Urgamal lui brûlait la gorge mais ses effets se firent rapidement sentir. Thena sentit son corps et son esprit devenir cotonneux et dénué de sensation. Quand elle termina la fiole, elle la reposa dans l'armoire et reprit sa respiration.
Elle tourna alors un regard qui semblait vide vers Nadja et déglutit. Thena savait qu'elle avait ingéré une trop grande quantité en trop peu de temps, bientôt elle perdrait connaissance. Elle s'inquiéta tout à coup du fait que Nadja puisse appeler des médecins. Les rares fois où cela lui était arrivé, Thena était seule. Mais si des médecins venaient à se mêler de son état, cela risquait de n'être pas terrible pour elle.
La shavadaï se rassit donc dans le canapé en face de Nadja. Ça y est, sa vue se troublait déjà. Cela ne devrait plus tarder.
" Je vais bientôt tomber dans les vapes. Ça devrait pas durer longtemps. Promets moi de ne pas appeler de médecin. " dit-elle alors d'une voix plate.
Thena ne voyait déjà plus rien mais attendait la réponse de Nadja.
" Promets le moi !" ordonna t-elle.

Thena se laissa glisser alors sur le côté pour s'allonger de tout son long sur le canapé et ferma les yeux.
" Merci de m'avoir raconté..." marmonna t-elle dans un murmure alors qu'elle sombrait dans un nuage sombre.

S’il y a bien une chose que Nadja n’avait pas voulu, c’était la blesser. Mais connaître son futur, si brillant qu’il soit, n’était pas une bonne idée. Et celui de Thena ne l’était pas. Le temps s’éternisa entre elles, et l’ex marine se demanda si elle n’allait pas recommencer à la traiter de menteuse.

Finalement, elle la regarda se lever, aller et venir un moment, puis se saisir d’une autre bouteille et la vider avant de venir se rasseoir. Elle lui donna quelques explications pâteuse, puis un ordre auquel elle ne pouvait que répondre.

« - A vos ordres, mon lieutenant. »

Elle faillit se lever par réflexe mais réalisa que, avec la quantité d’alcool qu’elle avait bue, ça n’était pas une bonne idée. Et puis la petite asiatique s’allongea de tout son long, oubliant qu’il y avait déjà une marine sur le canapé.

Nadja se retrouva donc avec la tête de Thena, endormie, sur les genoux. Elle avala convulsivement sa salive en se demandant quoi faire. Devait-elle la laisser ? Prétendre que tout cela n’était jamais arrivé ? Ou au contraire ne pas bouger pour ne pas la déranger.

* Ma sainte patronne viens de s’endormir sur mes genoux… Qu’aurait fait mon grand-père dans ces circonstances ? Oh ! OK… Comment j’oublie ça maintenant ?*

En tentant d’oublier une vision dérangeante, elle se leva en posant délicatement la tête de la jeune asiatique sur un coussin, la recouvrit d’une couverture et alla s’installer dans le fauteuil en face d’elle. Pas question de la laisser dans un tel état.

Finalement, au bout d’une petite demi-heure, la chavadai recommença à s’agiter. Rassurée, Nadja se leva alors et sorti sans un bruit. Avec un peu de chance, personne ne reparlerait de l’heure qui venait de passer.