De choses et d'autres

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Par chance, le bureau 3 n'était pas occupé. Celui-ci était couramment désigné le bureau de la Doc par l'équipage. En effet, elle l'utilisait généralement pour travailler lorsque sa présence à l'infirmerie n'était pas nécessaire ou pour discuter avec ceux qui souhaitaient le faire dans un cadre un peu plus confidentiel et plus confortable que l'infirmerie.

Il était suffisamment grand pour contenir deux fauteuils, contrairement aux deux autres petits bureaux. Elle aurait pu opter pour l'un des plus grands, mais avait toujours préféré celui-ci qui se trouvait au fond du couloir. En temps normal, elle serait passée au mess pour récupérer un thermos d'eau chaude ou de café, mais ce ne serait pas le cas aujourd'hui étant donné que cette discussion était improvisée.

« Laissez-moi deviner. Vous lui avez dit ça, il a pensé que vous déliriez et vous a dit d'aller voir un psy ? » dit-elle en s'asseyant dans l'un des deux fauteuils.

« Est-ce que votre Hawkins était quelqu'un de normal ? Parce qu'ici, c'est une personne un peu différente. Je ne parle pas des divergences avec votre univers, mais par rapport aux autres personnes. Il souffre d'autisme. Je ne sais pas si quelque chose de similaire existe là d'où vous venez. » commença-t-elle, songeuse.

« Il excelle dans son domaine, mais au niveau des interactions sociales, c'est tout autre chose. Il ne comprend les codes implicites et n'est pas capable d'interpréter les réactions des autres. Par exemple, si vous faites une blague, il ne la comprendra pas, pas plus que si vous faites des sous-entendus. Il va prendre tout ce qu'on lui dit littéralement. Son quotidien est fait de tout un tas de routines et de règles qu'il suit à la lettre. Le moindre changement dans celles-ci le perturbe complètement, car il ne sait pas comment réagir. Alors que vous ayez merdé, comme vous dites, n'est pas surprenant. » lui expliqua-t-elle.

« Et quand vous dites secoué, rassurez-moi, ce n'est pas au sens propre, au moins ? » lui demanda-t-elle.

Si c'était le cas, elle allait devoir se rendre à l'infirmerie rapidement pour voir la situation exacte, si personne ne l'appelait avant. Elle réalisa que c'était peu probable, car personne ne devait savoir qu'elle avait déjà embarqué. Dans les cas,cela signifiait qu'elle allait certainement devoir prendre en charge le dossier de Nadja elle-même, ce qui n'était pas vraiment pour lui déplaire.

Au moins, le lieutenant ne prit pas mal sa relative familiarité. Nadja sourit et confirma qu’elle n’avait pas eu le droit de quitter le JPS depuis son arrivée. Du coup, elle tournait en rond et travaillait du chapeau.

“- J’aimerai aller sur Terre. Ne serais-ce que pour obtenir de nouveau vêtements. Porter l’uniforme ne me gêne pas, mais j’aime bien pouvoir être en civil de temps en temps.”

Si elle s’était attendue à se faire sermonner, elle en fut étonnement pour ses frais. Elle suivit le médecin asiatique dans son bureau. En l'absence d’invitation formelle, elle resta debout, raide comme un I et écouta les explications sur Hawkins.

“- A mon époque, c’est un monstre. Après la chute de la Terre il s’est… transformé. Je ne sais pas trop comment mais son intellect s’est développé. Mais il a aussi pété les plombs. Il crée des soldats génétiquements modifiés pour lutter contre Tonatiuh… sur des sujets non volontaires. Je les ai combattu deux fois. Et c’était franchement pas beau à voir. Alors oui, quand je me suis retrouvée face à lui… j’ai perdu mon calme. Je n’aurai pas dû, mais c’est arrivé.”

A la dernière question du médecin, elle baissa la tête comme une gamine prise la main dans le pot de confiture.

“- Non, je l’ai réellement secoué. Pas frappé, non. Juste… collé au mur et soulevé. Et puis je me suis rendu compte de ce que je faisait et je l’ai laché. Quand je suis partie, il était toujours assis… je crois qu’il n’allait n’osait pas se lever."

Mei écouta le sergent. Elle avait donc bien était consignée sur le JPS depuis son arrivée. Pas très réjouissant comme lieu de vie. La station n'était pas prévu pour que les gens y habitent en permanence et en conséquence aucune distraction ou magasin utilitaire n'y était installé. Et personne ne s'était posé de questions sur le sujet. Elle réfléchit.

« Je peux comprendre qu'on se lasse assez vite de l'uniforme, même si celui-ci vient en plusieurs couleurs.Est-ce que vous avez discuté de ce problème avec l'intendance ? »

Elle doutait qu'ils aient pu y faire grand-chose, mais ils auraient au moins été au courant de la situation et qui sait, peut-être auraient-ils cherché une solution.

« Je me doute bien que vous aimeriez aller sur Terre et voir autre chose que cette station et ce vaisseau. Je vais voir ce que je peux faire, mais n'espérez pas trop pour l'instant. Mais même si vous obteniez l'autorisation, il est possible que vos premières sorties se fassent dans un périmètre limité ou que vous soyez sous bonne escorte. Ou les deux. » répondit-elle.

Elle écoute ensuite ses explications sur le Dr Hawkins de son univers. C'était pour le moins perturbant et inquiétant.

« Un jour, il faudra que vous me racontiez tout cela. Enfin, si ça ne vous dérange pas de la répéter pour la énième fois, car je suppose que je ne suis pas la première. Et je suis curieuse d'en apprendre plus sur toutes ces choses que vous avez mentionné pendant votre opération. »

La suite de son discours en revanche ne la réjouit pas vraiment. La dernière fois qu'elle avait Charlie faire une crise de ce genre était lors de son arrivée à bord. Et ce jour-là, il y avait eu quelqu'un pour s'en occuper et gérer la situation.

*Oh misère...*

Elle se demandait dans quel état se trouvait le Dr Hawkins. Il était probablement toujours prostré dans l'infirmerie. Si c'était effectivement le cas, il allait falloir trouver une solution, mais elle se demandait bien comment.

« On ne vous a jamais dit que secouer les gens comme des pruniers n'était pas forcément la meilleure manière de faire connaissance ? » dit-elle en secouant la tête avant de poursuivre :

« Cela mise à part, votre réaction est compréhensible, bien que totalement inappropriée. Vous risquez de croiser d'autres gens comme lui et vous allez devoir apprendre à garder votre sang-froid dans ce genre de situation, parce que ce ne sont pas les mêmes personnes que celle que vous connaissiez. Je sais que c'est plus facile à dire qu'à faire, mais vous allez finir par vous attirer des ennuis et cela risque aussi de jouer en votre défaveur si vous voulez obtenir l'autorisation d'aller sur Terre. » lui dit-elle.

Sans compter qu'il n'était pas forcément très judicieux qu'elle raconte son histoire à tout-va partout où elle allait et à tous ceux qu'elle rencontrait. Au sein du SDT, cela n'était pas forcément un problème et la plupart des gens à l'extérieur la prendraient probablement pour une folle, mais certains pourraient se dire que sa place était dans un asile et prendre des mesures en allant dans ce sens, surtout si elle perdait son sang-froid et s'en prenait physiquement aux gens.

Nadja avait bien évoqué le problème, mais l’intendance, comme on le lui avait vertement rappelé, n’avait pas vocation à habiller tout le personnel. Elle n’avait qu’a se débrouiller si elle voulait de la fantaisie. Et ça n’était pas le problème si elle ne pouvait pas aller sur Terre.

« - Je n’ai rien contre en parler, lieutenant. J’ai un peu moins l’impression d’être folle à chaque fois. Il y a des matins, quand je me réveille, j’ai l’impression d’avoir rêvé ma vie là-bas. Et d’autres ou j’ai l’impression d’être sur le Bonaparte à nouveau… »

En le formulant ainsi, elle se rendait compte d’a quel point cela devait paraitre pathétique. Et s’il y avait bien quelque chose qu’elle refusait, c’était de se faire plaindre. Elle refusait de montrer la moindre faiblesse. Qui avait besoin d’un marines qui doute ?

Apres l’explication sur ce qu’elle avait fait subir à Hawkins, Teoh lui passa un savon… enfin lui fit quelques reproches. Elle s’était attendu à bien pire et s’étonna même de la légèreté avec laquelle elle accueillait la nouvelle d’un collègue qui s’était fait menacer par un subalterne.

« - Ca ne se reproduira pas, mon lieutenant. Il n’est pas dans mes habitudes de menacer ou molester un civil sans défense. Je sais que vous n’avez que ma parole et vous n’êtes pas obligée de me croire. Mais je vous assure que je regrette mon geste et que je ne permettrais pas que cela se reproduise. »

Au final, elle ne prenait que peu de risque avec une telle promesse. Combien de futurs meurtriers psychopathe pouvaient-ils y avoir à bord ?

Mei lui fit signe de s'asseoir.

« Asseyez-vous, je vous en prie. Vous n'avez pas besoin d'être aussi formelle, pas dans ce bureau en tout cas. Ni à l'infirmerie d'ailleurs. Ici et là-bas, j'y suis avant tout médecin. » dit-elle.

Au moins avait-elle conscience de la réaction que pouvait avoir les gens. Mais cela rendait les choses encore plus difficile. Comment pouvait-elle s'intégrer si elle ne pouvait pas parler d'où elle venait parce que personne n'allait la croire alors que c'était aprmi les premières questions qui allaient lui être posées ? Et que dire lorsqu'elle croisait des personnes dont elle connaissait les noms, mais qui ne correspondait pas à ce qu'elle savait d'eux.

« Tout dépend avec qui vous en parlez. Tout le monde ne connaît pas vos origines. Pour la plupart des autres membres de l'équipage, vous êtes juste un nouveau soldat à bord. Et certains vous prendront certainement pour une folle bonne à enfermer lorsque vous leur raconterez votre histoire. Il est aussi évident que mieux vaut ne pas évoquer ce sujet lorsque vous irez sur Terre. Le SDT devrait normalement vous fournir des papiers et une histoire à raconter sur votre passé. Je sais que cela n'est pas et ne sera pas facile. Mais vous n'êtes pas folle. Le fait que vous soyez désorientée, si je puis dire, est normal au vu de la situation. Vous ajuster va prendre du temps. Et de la patience. Et vous n'êtes pas au bout de vos surprises quand aux personnes que vous allez croiser et que vous pensez connaître. »

Le sergent Cook lui certifia que ce genre d'incident ne se reproduirait plus. Elle ne voulait pas lui passer un véritable savon, car elle voyait bien que le sergent se blamait déjà assez et qu'elle avait conscience de la gravité de ce qu'elle avait fait. Peut-être un peu trop d'ailleurs. Mais elle la croyait volontiers.

« Parce que vous en avez beaucoup d'autres des criminels de cet acabit chez vous ? » demanda-t-elle avant de poursuivre :

« Vous avez plutôt intérêt à ce que cela ne se reproduise pas. Si je dois me porter garante pour vous afin que vous puissiez aller sur Terre, j'aimerais autant que vous n'y causiez pas d'incident de ce genre, parce que je pourrais aussi en faire les frais. »

Elle sentit son bell vibrer et le sortit de sa poche. Elle retint une grimace. Barry l'informait qu'elle était attendue dans le bureau du commandement. Ça tombait plutôt mal. Elle allait devait écourter sa discussion et devait absolument d'abord passer à l'infirmerie pour voir le Dr Hawkins.

« Je suis désolée, mais nous allons devoir interrompre cette conversation... Le devoir m'appelle plutôt deux fois qu'une. Mais nous pourrons continuer plus tard, autour d'un café peut-être. Au fait, vous alliez à l'infirmerie pour la visite médicale de routine des nouveaux membres d'équipage ? Si c'est le cas, je vous contacterai un peu plus tard pour vous la faire passer. Et pour l'instant, je vous demanderai d'éviter l'infirmerie et le Dr Hawkins tant que la situation n'est pas résolue. Vous pouvez rester ici, si vous voulez. D'accord ? » dit-elle avant de sortir du bureau pour aller à l'infirmerie.